De la publicité pour des marques d’alcool sur les sites internet sportifs, le retour du sponsoring d’équipes françaises pour les viticulteurs et les brasseurs, une hausse – de 10 à 15 – des événements annuels où un club serait autorisé à vendre de la bière, telles sont les solutions que la députée de la Nièvre, Perrine Goulet (LREM), propose de mettre à l’étude dans un rapport commandé par le Premier ministre sur le financement des politiques sportives en France.
Assouplir la loi Evin, qui restreint la promotion de l’alcool et du tabac depuis 1991, pour financer le sport ? La proposition fait débat. La députée de la Nièvre, Perrine Goulet, s’interroge sur «l’efficacité» pour la santé publique de la loi Evin. Elle déplore des «incohérences», comme l’apparition des publicités prohibées sur des chaînes françaises lors des compétitions à l’étranger. «Ça ne sert à rien d’interdire l’alcool dans les stades si les gens s’enivrent massivement avant d’aller au match, ce qui pose des problèmes de sécurité», affirme-t-elle. Les interdictions de sponsoring «privent le mouvement sportif de recettes non négligeables, à l’heure où la tendance est de (lui) demander de développer ses ressources propres», écrit aussi la rapporteure spéciale du budget sport à la commission des finances de l’Assemblée. Soit 30 M€ par an pour le seul football en Allemagne, Espagne ou au Royaume-Uni, selon le rapport.
La proposition 24 (sur 34) du rapport propose de «lancer des travaux d’évaluation des effets de la loi Evin dans le domaine du sport, tant concernant l’atteinte des objectifs de santé publique qu’elle s’était assignée que la mesure de ses effets économiques ; d’examiner les conséquences des mesures d’assouplissement suivantes : autoriser la publicité pour l’alcool pour les sites internet liés au sport ; augmenter à 15 par an le nombre d’évènement annuels où un club sera autorisée à vendre de la bière, sous réserve que les billets soient équipés de QR Code, limitant la consommation par match à trois bières par billet adulte ; rendre possible le retour du sponsoring des viticulteurs et des brasseurs français en direction des clubs français, en contrepartie d’un pourcentage venant alimenter le budget d’associations de lutte contre l’alcoolisme.» Une proposition à laquelle s’oppose Martine Daoust, présidente d’honneur de la Société française d’alcoologie. Une question de principe : «Est-ce que l’argent doit prendre le pas sur la santé ?»
«L’idée, « ce n’est pas open bar » mais passer le plafonnement de la vente de bière de 10 à 15 manifestations par an, en limitant la consommation par match à trois bières par billet adulte», assume l’élue. «La protection de la jeunesse par des lieux préservés de consommation d’alcool est un facteur de prévention», répond Martine Daoust. «Le parrainage sportif par des alcooliers n’étant généralement pas interdit à l’étranger, des publicités pour des alcools sont diffusées sur les écrans de télévision en France à l’occasion d’évènements sportifs se déroulant en dehors de l’Hexagone», rappelle l’élue de la Nièvre. «Toutes les études montrent à quel point la représentation d’un produit est un facteur majeur dans la décision de consommation, surtout chez les jeunes», insiste Martine Daoust. «L’interdiction de parrainage par des producteurs de boissons alcoolisées, de même que le plafonnement de la vente de bières à dix manifestations par an, privent le mouvement sportif de recettes non négligeables, continue la rapporteuse. La mission estime que le manque à gagner, pour les clubs de football de Ligue 1 s’élève, pour la saison 2013-2014, à 13,5 M€.»
«C’est un choix politique, estime Martine Daoust. On n’est pas obligé de prendre exemple sur les Allemands. Il ne faudrait pas que la réduction du budget du ministère des Sports soit compensée par le financement d’une incitation à boire de l’alcool». Pour des médecins, la loi Evin est déjà trop souvent contournée, alors que la consommation d’alcool, à l’origine directe de 49.000 morts par an, est la deuxième cause de cancer en France.