Un nouveau nuage s’installe au dessus des têtes des clubs français de football. Déjà fragilisés par les décisions des diffuseurs Canal+ et beIN Sport de ne pas honorer leurs prochaines échéances, la perte des recettes billetteries, les clubs risquent aussi de perdre des contrats sponsoring. Si Accor a maladroitement menacé de pas régler la totalité de son contrat avec le Paris SG, Bistrot Régent active une clause pour suspendre son engagement avec les Girondins de Bordeaux.
L’espace de 24 heures, le PSG version Colony Capital a ressuscité. Comme au temps de sa présidence du PSG, en tant que représentant du fonds d’investissement américain propriétaire du club (2006-2011), Sébastien Bazin s’est exprimé sur la vie du Paris Saint-Germain. Cette fois, en tant que PDG d’Accor, à propos du contrat de sponsoring liant le groupe hôtelier au PSG alors que toutes les compétitions sont arrêtées jusqu’à nouvel ordre. «Les sponsors ne peuvent pas donner d’argent, s’il n’y a pas de visibilité», a-t-il plaidé sur BFM TV. «Nos versements sont réalisés en deux fois. Donc autant vous dire que le 1er janvier, ça a été payé. Et le 1er juillet, il faut une reprise du championnat, autrement il ne sera probablement pas versé», a-t-il annoncé ensuite. Même si Accor dispose de plus de 2,5 milliards d’euros de liquidités, plus une ligne de crédit de 1,2 milliard d’euros, la crise sanitaire mondiale oblige le groupe hôtelier à revoir ses priorités. Accor a fermé la moitié de ses 5.000 hôtels, et bientôt les deux tiers. Les actionnaires n’auront pas de dividendes cette année : 280 millions d’euros auraient dû leur être versé au titre de l’exercice 2019. Pour faire face, Accor a aussi gelé les embauches, mis en chômage partiel ou technique 75 % des effectifs des sièges dans le monde au deuxième trimestre. Ces mesures vont permettre de réduire d’au moins 60 millions d’euros les coûts centraux cette année. Parallèlement, les dépenses de marketing et de distribution sont revues à la baisse. Dans ce contexte si particulier, l’annonce du gel du contrat avec le PSG peut se comprendre. Mais sur la forme, elle surprend. D’autant que tout ce qui touche au football peut rapidement tourner à l’irrationnel. Si le PSG version Qatar Sports Investments (QSI) est lâché par son sponsor dont Qatar Investment Authority (QIA) est le deuxième actionnaire, le signal est alarmant pour l’ensemble du football français.
C’est ce qui peut expliquer la rapidité avec laquelle Sébastien Bazin a démenti lui-même sa première affirmation. Le groupe d’hôtellerie a déjà payé «l’intégralité» de la somme prévue dans son contrat avec le club pour la saison 2019-2020, a rectifié dimanche son PDG. Ce versement incertain ne concerne pas la saison en cours mais la prochaine (2020-2021). Pour les deux versements de 2019-2020 (1er juillet 2019 et 1er janvier 2020), le groupe hôtelier, lié pour trois ans au PSG contre environ 65 M€ annuels, a payé l’intégralité de ce qu’il doit. «Nous avons des liens contractuels. Accor les a toujours respectés et les respectera toujours. Nous avions déjà payé l’intégralité de la saison 2019-2020 donc c’est une tempête dans un verre d’eau», a affirmé Sébastien Bazin au micro d’Europe 1. Le dirigeant estime s’être «pris un peu les pieds» dans le tapis. «Tout va bien et on est très fiers d’être associé au PSG. Je faisais allusion au fait que quand on est sponsor, on veut de la visibilité. Mais en même temps, c’est dans les mauvais moments que l’on reconnaît ses amis et ceux qui sont là pour vous. Dans les moments de tempête et de joie, nous serons aux côtés des gens avec lesquels nous sommes partenaires. Il n’y a pas lieu de polémiquer», a insisté Sébastien Bazin sur Europe 1.
Fausse alerte donc pour le PSG, mais vrai problème pour les Girondins de Bordeaux. La société de restauration Bistro Régent, victime économique de la crise du coronavirus, suspend son engagement (environ 1, 4 million d’euros par an jusqu’en 2023) avec le club bordelais pour le mois d’avril. Juridiquement, Bistro Régent est dans son droit puisqu’il avait inséré deux clauses dans son contrat pour se retirer : un cas d’intoxication dans un de ses restaurants et… une crise sanitaire avérée. C’est un nouveau coup dur pour Bordeaux qui figure comme Saint-Etienne, Lille ou l’Olympique de Marseille, parmi les clubs qui risquent d’être les plus touchés par la crise. Entre 2018 et 2019, Bordeaux a perdu 47 millions d’euros et son dernier compte résultat indiquait une perte de 55 millions d’euros (hors produits des transferts).
Le patron de la chaîne de restaurants (136 restaurants), Marc Vanhove, considère qu’avec l’arrêt du championnat, Bordeaux n’est plus en mesure d’assurer la prestation de mise en avant de son enseigne. Il veut éviter «une trop grosse perte sèche». Il avait pris cette décision avant que Canal+ et beIN Sports ne suspendent le versement des droits télé, et ce qui s’est passé ensuite lui a fait dire qu’il ne s’était peut-être pas trompé. «On verra en fonction de la reprise comment ça se passe, mais on a quand même un contrat de quatre ans. Financièrement, ce n’est pas rien», souligne-t-il. «Moi aussi j’ai une activité, se défend Vanhove dans L’Équipe. Et je n’ai plus un euro qui rentre aujourd’hui. On verra en fonction de la date de la reprise s’il y aura un dédommagement pour remettre les pendules à l’heure. Il est encore trop tôt pour en parler.»
20%
Dans le contrat avec les Girondins, une clause permet de suspendre le contrat de Bistrot Régent, une autre permet de l’arrêter tout simplement. Celle-ci prévoit la fin du contrat si le chiffre d’affaires de Bistrot Régent baisse d’au moins 20 % pendant trois mois de rang.
«Si, à un moment, je dois faire un choix, je privilégierai évidemment la bonne tenue de mes Bistro Régent, assume le chef d’entreprise. Tout dépendra de la reprise de l’activité. Si on perd 40 % de chiffre d’affaires pendant six mois…» Aux yeux de l’entrepreneur, la meilleure solution serait que les joueurs de Ligue 1 s’inspirent de ceux de la Juventus Turin, qui ont renoncé à quatre mois de salaire : «Si les joueurs ne sont pas capables de sauver leur sport, c’est qu’ils n’ont rien dans le carafon.»
Si la société de restauration est la première entreprise à réagir ainsi face à la crise, d’autres partenaires pourraient suivre.
Un partenaire particulier
Ce n’est pas la première fois que Marc Vanhove détonne dans l’univers du football professionnel. A l’été 2019, il s’était publiquement ému du choix de l’entraîneur des Girondins de Bordeaux : «J’ai parlé au président (Frédéric Longuépée) et je lui ai dit pour l’entraîneur, que ce n’était pas un bon choix.» Le FCGB avait rétorqué « qu’il est important de comprendre que les décisions relatives au club sont prises par lui seul […] Il est difficile pour les personnes extérieures d’avoir une opinion objective sur les tenants et les aboutissants de ses choix.»
L’UBB intégralement réglée
Depuis octobre 2019, Bistro Régent est aussi partenaire de l’Union Bordeaux-Bègles. Or, le championnat de Top 14 est également suspendu. Mais le contrat n’est pas suspendu. «Le cas est différent. Ce ne sont pas les mêmes montants et la prestation a été entièrement réglée pour la saison», précise Marc Vanhove, qui s’affiche sur les shorts des joueurs et qui fait partie du top 3 des partenaires majeurs du club. Si la saison de Top 14 reprend, en cas de phases finales, l’UBB percevra également des bonus en demi-finale puis en finale.