Dans le cadre de l’adoption définitive de la loi de santé, les députés ont validé, contre l’avis de la ministre de la Santé, un assouplissement de la loi Evin concernant la publicité pour l’alcool. Certains craignent qu’il ne libère totalement cette dernière.
La bataille a été rude, mais la loi Evin (voir encadré), qui encadre la communication sur l’alcool, est assouplie pour ne gêner ni l’information journalistique ni la promotion oenotouristique d’une région. Par 102 voix contre 29, les députés ont voté ce qu’ils appellent une clarification de la loi Evin, à l’instar des sénateurs quelques semaines plus tôt, et ce dans le cadre de l’examen de la loi santé portée par la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Rejetée par deux fois depuis ce printemps, cette réforme était souhaitée par l’univers des vins et spiritueux.
C’est l’article L3323-3 du code de santé publique, article qui disposait que est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique, qui a été modifié. L’amendement César, du nom du sénateur Gérard César (Les Républicain) qui en est l’auteur, vise à distinguer publicité et information sur le vin. Le nouveau texte lève deux ambiguïtés. D’abord pour la presse. Alors que la loi Evin ne couvre que le champ publicitaire, des journaux ont été condamnés pour des articles portant sur des vins et champagnes (requalifiés en publicité indirecte). Ensuite, pour ceux qui souhaitent vanter les mérites d’un paysage ou d’une route des vins. Les contenus consacrés à une région de production ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique ne pourront plus être considérés comme une publicité.
À la suite de l’adoption de cet amendement, l’ANPAA, l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie, a fait savoir son dépit : Au cours des nombreux mois de ce feuilleton législatif, les acteurs de la santé et de la prévention n’ont cessé d’expliquer que cette disposition législative ne clarifierait pas cette loi mais allait libérer les vannes de la publicité pour tous les alcools de l’Union européenne et leur ouvrir de nouveaux espaces promotionnels. Avec les conséquences prévisibles sur la jeunesse, plus sensible au matraquage publicitaire, comme on l’a vu avec l’autorisation de la publicité sur internet qui a coïncidé exactement avec l’augmentation du binge drinking. Cette ouverture de la publicité sonne le glas d’une loi exemplaire et équilibrée qui protégeait la santé tout en permettant l’information par la filière de l’alcool sur ses produits.
Vin et Société, la structure qui fédère en France les 500.000 acteurs de la filière vin, s’était dite convaincue que les enjeux de santé publique sont compatible avec la liberté d’information et la promotion de nos territoires. 25 ans après la promulgation de la loi Evin, le monde a changé, il est légitime et souhaitable de l’actualiser, sans renvoyer dos à dos économie et santé.
Ironie de l’histoire, ouvrir un coin dans la loi Evin ne va pas seulement profiter aux territoires, mais aux alcooliers d’alcool fort qui utilisent massivement les vecteurs de la publicité. Le discours de défense de la vigne est un cache-sexe évident, la logique de terroir permettra de communiquer sur le whisky écossais et sa tourbe, et la vodka russe, la tequila mexicaine…, analyse Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération addiction. En termes de budgets publicitaires, ce sont les grands groupes alcooliers qui disposent d’importants moyens. Pas les viticulteurs.
La loi Evin, un texte fondateur de la santé publique
Tabac
La loi Evin interdit la publicité, la distribution gratuite ou promotionnelle, les parrainages du tabac, sauf dans les débits de tabac. La loi prévoit aussi l’augmentation des prix, l’interdiction du tabac dans les lieux qui accueillent du public ou qui constituent un lieu de travail. Elle prévoit aussi l’interdiction de la vente de tabac aux moins de 18 ans.
Alcool
La loi encadre la publicité pour l’alcool, mais ne l’interdit pas. La publicité est autorisée sur les affiches, dans la presse écrite, dans les fêtes, les foires, sur internet avec la mention l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. En revanche, la publicité pour l’alcool est interdite sur les sites sportifs ou dans les manifestations destinées aux jeunes. Pas de publicité non plus à la télévision, au cinéma. Si la vente est interdite dans les lieux d’activités physiques et sportives, les buvettes sont autorisées sur demande dans les stades.