Les jeux Olympiques sont un évènement d’ampleur planétaire et nombreux sont ceux qui cherchent à bénéficier du prestige et de la notoriété attachés à cet évènement de façon légitime… ou non. Le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) veille au grain sur l’utilisation abusive de l’emblème des JO comme le démontre cette décision de justice commentée par le cabinet DDG. Analyse de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 janvier 2011 par Vincent Fauchoux, avocat associé DDG.
Le Comité National Olym-pique et Sportif Français (CNOSF) est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l’hymne, du symbole olympique et des termes jeux Olympiques et Olympiade. Les anneaux olympiques sont déposés à l’INPI à titre de marque (n°1361389). Le CNOSF a pour mission de protéger l’esprit des jeux contre toute utilisation ou démarche commerciale ou lucrative pouvant nuire à leur image et au symbole fort qu’ils incarnent. Dans la décision commentée, une société maltaise avait reproduit sur les pages du site qu’elle éditait les dénominations Jeux Olympiques et les anneaux olympiques ainsi que le logo des jeux olympiques d’hiver de Turin (2006), avec comme accroche des slogans tels que Partagez l’or de vos champions grâce à l’offre diversifiée des paris proposée à ce rendez-vous mondial.
Cette société n’avait bien évidemment pas sollicité l’autorisation auprès des détenteurs de droits, si bien qu’elle s’est vue assignée devant les juridictions françaises pour des faits de contrefaçon, d’atteinte aux marques notoires, à la dénomination sociale du Comité National Olympique et Sportif Français et pour des faits de parasitisme.
La société maltaise soutenait notamment en défense que le CNOSF n’était pas recevable à agir et que les signes n’avaient pas été utilisés à titre de marque. La Cour d’Appel après avoir jugé l’action du CNOSF recevable, a dû déterminer si la protection offerte par l’article L.141-5 du code du sport était distincte de celle offerte par l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Le mouvement olympique français ayant fondé son action sur ces deux textes.
La Cour de Cassation s’était déjà penchée sur cette question dans le cadre de la célèbre affaire des Jeux Olympiques du Sexe (Cass. Com. 15 septembre 2009, n°08-15418), dans laquelle le CNOSF – sur le fondement cumulé des articles L.141-5 et L. 713-5 – reprochait à la société éditrice du périodique Têtu d’avoir consacré un numéro aux Jeux Olympiques du sexe en faisant usage des emblèmes olympiques. La Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 7 mars 2008 (n°06/01935) avait considéré que l’article L.141-5 du Code du sport avait pour seul effet d’investir le CNOSF du droit d’agir pour la protection des marques et n’instaurait pas un régime de protection autonome distinct de celui prévu par l’article L.713-5 du CPI. La Cour de cassation avait cassé cette décision et jugé au contraire que l’article L.141-5 instituait un régime de protection autonome.
La Cour d’Appel, dans l’arrêt qu’elle a rendu le 21 janvier 2011 a suivi la Cour de cassation et jugé que l’article L.141-5 du Code du sport instituait une protection spéciale, qui pouvait être invoquée simultanément à l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois, la Cour a précisé que ce régime de protection autonome n’était pas pour autant absolu et sans lien avec le droit des marques (comme le soutenait le CNOSF), relevant que ce texte renvoyait pour les actes incriminés et les pénalités encourues au Code de la Propriété Intellectuelle.
En définitive, la Cour a jugé que l’utilisation des emblèmes olympiques, pour inviter les consommateurs à parier sur des épreuves sportives, portait atteinte à l’esprit des jeux et constituait une exploitation injustifiée de la marque notoire au sens de l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle et une violation de l’interdiction stipulée par l’article L.141-5 du Code du sport. La Cour a également retenu que l’éditeur du site avait porté atteinte à la dénomination sociale du Comité (les consommateurs ayant pu penser qu’il avait autorisé l’utilisation des termes jeux Olympiques) et que ces agissements caractérisaient un comportement parasitaire (l’éditeur ayant cherché à se rattacher sans contrepartie et sans contrôle à l’univers des jeux et du mouvement olympique).
En définitive, la Cour a condamné l’éditeur à verser une somme totale de 95.000 euros au CNOSF en réparation du préjudice subi du fait de ces atteintes. Cet arrêt est important et intervient à un moment clé : 8 mois après la libéralisation des jeux en ligne en France par la loi du 12 mai 2010 et un an avant la tenue des prochains jeux olympiques à Londres. Les 15 opérateurs, titulaires des agréments délivrés par l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), et plus largement, les éditeurs qui exploitent un site internet organisant des paris en ligne à destination du public français, savent donc ce qu’ils doivent faire… ou ne pas faire.
V.F.