La plateforme britannique DAZN, qui diffuse chaque journée huit des neuf matchs de Ligue 1, enregistre des pertes comprises « entre 200 et 250 M€ cette saison », comme l’a révélé L’Équipe. Un résultat intenable.
La médiation dans le litige financier sur les droits TV de la Ligue 1 entre le diffuseur DAZN et la Ligue de football professionnel (LFP) s’achevait cette semaine. Depuis plus d’un mois, un médiateur mandaté par le tribunal de commerce de Paris tente de trouver un terrain d’entente entre les deux parties. Sa mission était censée initialement se terminer le 31 mars. Mais les positions dans chaque camp se sont radicalisées. Les discussions ressemblent à un dialogue de sourds. La plateforme britannique de streaming sportif, qui a contracté l’été dernier un contrat à 400 M€ en moyenne par saison, essuie de très lourdes pertes. Elle réclame en justice à la LFP 573 M€ « pour manquement observé » et « tromperie sur la marchandise ». DAZN demande aussi aux clubs et à la Ligue de travailler pour mettre en valeur le produit Ligue 1. La réponse se résume à une demande d’un chèque de 200 M€ de dédommagement pour mettre fin prématurément au contrat.
Une chose est sûre, personne ne sortira grandi de ce bras de fer. D’après le conciliateur mandaté par la justice, DAZN va enregistrer des pertes comprises « entre 200 et 250 M€ cette saison », comme l’a révélé L’Équipe. Perdre de l’argent durant la première année d’exploitation des droits TV n’a rien d’anormal. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’ampleur du déficit. Cela a conduit la plateforme britannique à réclamer, en plus d’une meilleure coopération des clubs, une modification de son contrat afin d’y inclure une part de paiement des droits fixe et une part variable. Autrement dit, débourser potentiellement moins que les 400 M€ dont elle doit s’acquitter jusqu’en 2029 pour la diffusion de 8 matchs du championnat. Pas question pour les clubs. Ils ont donc ouvert la porte à une sortie anticipée de DAZN, à la condition que le diffuseur paie la fin de la saison et verse un dédommagement de 200 M€ pour 2025-2026. Une solution inenvisageable, selon le médiateur…
« On est arrivé à un niveau tellement bas sur les droits du foot français que c’est le moment d’essayer quelque chose », a estimé Joseph Oughourlian, le patron du RC Lens, sur RMC. « Moi, je tenterais la chaîne. » Comprendre : une chaîne opérée par la LFP. Mais comme l’investissement de CVC a été dilapidé pour maintenir le train de vie des clubs, il va manquer de la trésorerie pour opérer un changement aussi radical. Avec ou sans DAZN, le chantier des droits TV est une plaie ouverte. Le produit est tellement abîmé que l’arrivée d’un diffuseur providentiel ne réglerait probablement pas grand-chose. Il s’agit ici d’opérer une relance de niveau « industriel » afin de redonner de la valeur au produit Ligue 1. Avec les mêmes dirigeants ? Poser la question, c’est un peu y répondre. Le football français appelle à son chevet Nicolas de Tavernost, le vice-président de CMA Media (BFM, RMC, La Tribune Dimanche…), filiale média de l’armateur CMA CGM, pour reprendre la direction générale de LFP Media, la société commerciale de la ligue chargée principalement du dossier des droits TV. Le dirigeant, qui restera parallèlement conseiller de Rodolphe Saadé, coche toutes les cases. Pour avoir dirigé durant trente ans le groupe M6, il connaît l’industrie audiovisuelle. Il a souvent été à la manœuvre pour négocier des droits TV. Et puis il connaît le milieu du football pour avoir été propriétaire des Girondins de Bordeaux durant deux décennies, jusqu’en 2018. Son arrivée ne suffira pas non plus. Le championnat s’arrête le 15 mai, avant de reprendre mi-août. Le temps est donc compté. Les clubs ne savent pas de quel budget ils disposeront la saison prochaine, mais il y aura des efforts à fournir de la part de tout le monde.