Le 18 juin 2008, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé une consultation publique afin de recueillir la position des acteurs de la diffusion audiovisuelle de programmes sportifs sur les modalités pratiques de l’exercice du droit à l’information due au public dans le domaine du sport. Le CSA vient de rendre public la synthèse des contributions qui lui sont parvenues et qui pourrait servir de lignes directrices dans la perspective de la rédaction d’un éventuel accord interprofessionnel relatif au droit à l’information sportive.
Ce sont les articles L. 333-6 et suivants du Code du sport qui organisent notamment le droit à l’information sportive. Afin de concilier ce droit à l’information du public avec les droits d’exploitation des compétitions sportives acquis par les opérateurs médiatiques (avec généralement à la clé une exclusivité), un code de bonne conduite relatif à la radiodiffusion des événements sportifs fut signé le 22 janvier 1992 entre les principaux éditeurs de services audiovisuels de l’époque.
Mais, la recomposition du paysage audiovisuel, l’avènement de services de médias non linéaires (c’est-à-dire un service de média audiovisuel non programmé qui est demandé par l’utilisateur, tel que la vidéo à la demande), ou encore l’évolution du comportement des consommateurs de l’information sportive poussent aujourd’hui le CSA à engager une réflexion globale destinée à préciser, voire redéfinir, les règles applicables en matière de droit à l’information sportive.
Droit de citation : une durée maximale de 90 secondes
Même si les contributions adressées au CSA font ressortir un bilan plutôt positif du cadre juridique actuel relatif au droit de citation en matière sportive (le droit de reproduire un court extrait), elles soulignent cependant la nécessité d’apporter des adaptations et précisions compte tenu de l’intensification, ces dernières années, de la demande d’accès aux images des compétitions sportives de la part des non-détenteurs de droits (notamment concernant les événements les plus médiatiques). Cette évolution liée à la multiplication des services de télévision a en effet augmenté de façon significative le nombre de services diffusant des extraits au titre du droit à l’information. La tendance montre d’ailleurs que les détenteurs de droits sur les compétitions sportives qui estiment bien souvent être victimes d’un dépassement abusif du droit à l’information n’hésitent pas à saisir les juridictions afin de voir respecter l’exclusivité des droits qu’ils ont acquis.
Cela étant dit, il ressort du document de synthèse que la limite de 90 secondes comme durée maximale de reprise des images au titre du droit de citation semble faire l’objet d’un consensus global. Certains souhaiteraient d’ailleurs que cette durée maximale de reprise des images puisse être étendue aux images d’archives, dès lors que leur utilisation respecte la finalité d’information due au public. Concernant plus particulièrement les événements sportifs de courte durée (durée inférieure à 6 minutes), les contributeurs approuvent dans l’ensemble le principe de la fixation d’une durée maximale des brefs extraits à 25 % de la durée totale de l’épreuve. Cette limite pourrait, en outre, s’accompagner d’un seuil plancher de 15 secondes quelle que soit la brièveté de l’épreuve afin de garantir un traitement clair de l’information.
Quelle rotation pour les extraits diffusés par les services d’information en continu ?
Concernant le rythme de rotation des brefs extraits qui pourrait être imposé aux services d’information en continu, le document de synthèse présenté par le CSA fait état des divergences de position entre les différents acteurs concernés. Rappelons qu’à l’heure actuelle, seule la jurisprudence est venue préciser ce point.
Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles a retenu que la multidiffusion d’un même extrait (deux fois 10 secondes pour deux matches de football) par une chaîne d’information en continu ne peut ruiner l’investissement réalisé par le détenteur d’une exclusivité dans la mesure où de tels extraits ne peuvent remplacer en terme d’intérêt une rencontre de 90 minutes diffusée en direct. Dans ces conditions, la cour d’appel a considéré que les diffusions de mêmes extraits d’une durée totale de 20 secondes devaient être espacées par un délai raisonnable de 30 minutes (CA Versailles, 11 janv. 2006, TPS). Certains contributeurs se prononcent en faveur du maintien de cette norme jurisprudentielle tandis que d’autres proposent d’autres modes de calcul.
Mais cette réflexion en appelle une autre : celle de la notion d’émission d’information. Sur ce point, la majorité des contributeurs se prononcent en faveur d’un élargissement de cette notion aux magazines unidisciplinaires. Pour d’autres contributeurs, une telle évolution aurait pour conséquence de pervertir la notion même en la rapprochant de programmes de moins en moins informatifs. Or, l’une des préoccupations du CSA est d’assurer la protection de la diversité des disciplines sportives. C’est pourquoi, afin de garantir un tel objectif, certains contributeurs préconisent de restreindre la notion d’émission d’information aux seuls magazines pluridisciplinaires. Autrement dit, dans ce cas de figure, seuls les éditeurs de services traitant d’une pluralité de disciplines sportives seraient autorisés à recourir aux brefs extraits.
Vers un accès payant des brefs extraits ?
Faut-il reconnaître un droit d’accès payant aux images des compétitions sportives ? La question peut paraître provoquante quant on sait que le droit à l’information due au public est fondé sur la notion même de gratuité. Mais, pour les défenseurs d’une telle évolution, la reconnaissance d’un droit à l’accès payant aux images des compétitions sportives participerait d’un enrichissement de l’information due au public, en permettant aux éditeurs de services non-détenteurs de droits d’assurer une couverture plus attractive des événement sportifs sans léser pour autant les intérêts économiques des propriétaires des droits patrimoniaux, lesquels percevraient une juste et équitable rémunération pour la perte temporaire et très limitée de leur exclusivité. Si une telle évolution devait s’opérer, resterait à définir les critères de détermination du prix qui, a priori, ne pourrait être calculé sur la seule valeur d’acquisition des droits en cause.
Un droit de citation reconnu aux services de médias audiovisuels à la demande
La plupart des contributeurs consultés par le CSA se disent favorables à la détermination de modalités pratiques de l’exercice du droit de citation en matière sportive applicables aux services non linéaires. Certains estiment néanmoins qu’une telle évolution ne saurait s’opérer dans le cadre de la conclusion d’un accord interprofessionnel et doit relever de la loi et être envisagée à l’occasion de la transposition prochaine en droit français de la directive Service de médias audiovisuels. Par ailleurs, ils font valoir qu’un droit à l’information sur les services de médias audiovisuels à la demande doit être limité strictement à la fourniture, à la demande, de programmes déjà diffusés de manière linéaire. Pour sa part, la CSA propose de limiter le recours aux brefs extraits sur ces services à 90 secondes, accessibles pendant 7 jours au plus et mis à disposition dans un espace identifié et éditorialisé.
Indiquons que le document aborde de façon annexe d’autres questions comme celle du gel des droits, c’est-à-dire la non exploitation de droits de retransmission préalablement acquis, ou celle de l’accès des journalistes aux enceintes sportives.
Le document de synthèse des contributions à la consultation publique du CSA relative au droit à l’information sportive est un premier pas vers un recadrage juridique qui pourrait donc prendre la forme d’un accord interprofessionnel. Reste encore à déterminer de façon concertée les modalités d’adoption de ce dernier (adhésion à la majorité ou l’unanimité), de régulation (mise en place de bilans annuels ou bisannuels sur la mise en uvre des dispositions qu’il contient) ou de sanctions en cas de manquement.