Pour le sociologue Gérard Mermet, cela ne fait aucun doute : les médias incitent à certaines pratiques sportives. Et les exemples ne manquent pas…
Les médias furent à l’origine du succès du tennis dans les années 80. La simple diffusion à la télévision d’une série de dessins animés japonais sur le volley-ball eut aussi un effet sensible sur le nombre de licenciés. En 1995, le succès de l’équipe des Barjots au Championnat du monde de handball s’était traduit par un engouement pour ce sport. Mais la croissance la plus spectaculaire a sans doute été celle du basket, favorisée par la médiatisation des champions américains (Magic Johnson, Michael Jordan, etc.) et de la Dream Team lors des Jeux Olympiques de Barcelone, aujourd’hui les exploits du Français Tony Parker dans l’équipe des Spurs de San Antonio. Les images de surf (en mer ou sur la neige), de planche à voile ou d’escalade diffusées par la télévision ont déclenché aussi de nombreuses vocations chez les jeunes. C’est le cas aussi de celles, plus récentes, de kite-surf (planche à voile tirée par une aile de parapente), base jump (saut en parapente au-dessus du vide), roller free style (avec saut d’obstacles) ou ski extrême (sur des parois quasi verticales et accidentées). Selon Gérard Mermet, le rugby a récemment élargi son public grâce à la télévision et aux résultats de certaines équipes locales et nationales. Même chose pour l’athlétisme. Le sociologue relève que le temps d’antenne des programmes sportifs à la télévision a plus que triplé en 15 ans. Les téléspectateurs de 4 ans et plus lui ont consacré en moyenne 43 heures en 2005, soit 4% de l’audience totale des 6 grandes chaînes hertziennes gratuites. Le temps de diffusion du football est passé de 285 heures en 1991 à plus de 500 heures en 2005; il explose au cours des années de grandes compétitions : coupe d’Europe des Nations; coupes du monde de 1998, 2002 et 2006 mais l’écart s’est creusé entre les sports très médiatisés (football, formule 1, tennis, cyclisme, patinage, etc.) et ceux qui le sont moins ou pas du tout (équitation, tir à l’arc, marche à pied, canoë ou golf). En revanche, l’écart de temps d’antenne entre les sports masculins et féminins s’est réduit, notamment dans le cas du tennis.
Les médias constituent un substitut
Selon Gérard Mermet, beaucoup de Français vivent le sport par procuration, à travers les retransmissions de la télévision ou la lecture des résultats des compétitions dans la presse. Il n’est alors qu’un spectacle, dont l’intérêt repose sur l’esthétique des gestes, la dramaturgie des affrontements, l’intervention du hasard. La confrontation entre des professionnels ayant des niveaux proches procure un plaisir accru par l’incertitude ; contrairement à n’importe quel autre spectacle, le déroulement et l’issue ne peuvent en effet être connus à l’avance. L’engouement pour le spectacle sportif s’explique aussi par une certaine résurgence du nationalisme et du régionalisme. C’est en partie aux performances de ses athlètes que l’on juge un pays, une ville ou une région. Les champions sont les invités privilégiés des plateaux de télévision et les héros de nombreux spots publicitaires. S’ils déclenchent chez beaucoup de jeunes des vocations sportives, ils véhiculent aussi l’idée que le sport est une façon de s’enrichir et de devenir célèbre, ce qui peut entraîner à la fois des dérives et des frustrations. Enfin, le sport spectacle est parfois davantage une incitation à la sédentarité et à la passivité qu’à l’effort physique. Le profil du spectateur est ainsi souvent éloigné de celui de l’acteur.