Première femme du dernier Vendée Globe, Clarisse Crémer perd son sponsor, Banque Populaire. Du fait des nouvelles règles, la navigatrice n’était pas assurée d’être qualifiée pour le prochain tour du monde (en 2024), son congé maternité l’empêchant de marquer des points.
Clarisse Crémer ne sera, sauf surprise, pas au départ du Vendée Globe en novembre 2024. En tout cas, pas avec son sponsor, Banque Populaire. Douzième (et 1re femme) de la dernière édition en 2020, la navigatrice se retrouve victime d’un changement de règlement. Il ne lui permet pas d’accumuler des points pendant sa pause bébé. Banque Populaire, son sponsor qui s’était pourtant inscrit dans la perspective d’un nouveau tour du monde en solitaire et sans escale avec elle, vient de lui signifier la fin de l’aventure. « C’est violent, je suis dans l’incompréhension totale, sous le choc », estime Clarisse, désormais « sans projet et sans salaire ».
« J’ai donné naissance en novembre 2022 à une petite fille. Alors que rien ne m’y obligeait, j’avais informé mon sponsor Banque populaire dès février 2021 de mon projet d’enfant. Ils m’ont tout de même choisie pour ce nouveau Vendée Globe », écrit la navigatrice de 33 ans sur Instagram. « J’ai appris vendredi dernier que Banque populaire avait finalement décidé de me remplacer. Par leur décision, et malgré ma volonté constante, je ne serai pas au départ du Vendée Globe 2024 », poursuit-elle. « Les règles du Vendée Globe pour l’édition 2024 imposent à tous les skippers une concurrence basée sur le nombre de milles parcourus en course. Sur ce critère, j’ai bien sûr pris du retard face aux autres concurrents au départ, cette maternité m’ayant empêchée d’être présente sur les courses qualificatives pendant un an », reconnaît-elle, avant de relever: « Aujourd’hui Banque populaire décide que cela représente pour eux un +risque+ qu’ils ne souhaitent finalement pas courir. »
« Je suis sous le choc (…) Pour Banque populaire ce serait +laisser le destin choisir à leur place+, alors qu’ils +se doivent+ d’être au départ du Vendée Globe. Ils sont prêts à assumer le risque d’un trimaran géant, et tous les aléas naturels, techniques et humains liés à la course au large, mais visiblement pas celui de la maternité », conclut Crémer.
Banque Populaire invoque les modifications de la réglementation de l’épreuve pour justifier sa décision. « En octobre 2021, l’organisateur du tour du monde annonçait une nouvelle méthode de qualification inédite ne permettant plus aux +finishers+ (navigateurs ayant déjà terminé une précédente édition de l’épreuve, NDLR) d’être directement qualifiés pour l’édition suivante », rappelle le groupe bancaire. « Elle instaurait un système d’accumulation de points à acquérir entre l’hiver 2021 et l’été 2024 par la participation à des courses du circuit pour l’attribution des 40 places de l’épreuve (dont une wildcard, invitation NDLR) », ajoute-t-il, poursuivant: « N’ayant pu participer à ces courses pour des raisons heureuses de maternité, Clarisse est aujourd’hui dans une situation qui ne lui permet pas d’espérer obtenir le nombre de points nécessaires pour se qualifier pour le Vendée Globe 2024. » Banque Populaire assure avoir entrepris des discussions avec les organisateurs du Vendée « dès l’été 2022 pour aborder la situation singulière de la navigatrice »: « Plusieurs solutions ont été proposées par le Team Banque Populaire à l’organisateur pour que le règlement prenne en compte la situation des femmes dans le Vendée Globe et la question de la maternité. Toutes ces propositions, ainsi que les demandes d’attribution d’une garantie de wildcard, ont été rejetées, y compris celle formulée il y a quelques jours encore, et c’est regrettable ».
« Cette situation malheureuse qui impacte le destin de Clarisse Crémer, une navigatrice talentueuse que le Team Banque Populaire a accompagnée depuis ses premiers bords en IMOCA, doit permettre d’ouvrir plus largement le sujet des femmes et de la maternité dans la voile », conclut la banque de la voile depuis 34 ans. Face au dilemme de laisser du temps à la navigatrice pour tenter de se qualifier, au risque de ne pas être au départ, ou de se tourner vers un autre navigateur, Banque populaire a choisi la seconde option.
« Cette invitation, c’est une possibilité qui a été évoquée avec le Team Banque Populaire et Clarisse Crémer », a précisé l’organisation dans un autre communiqué. Celle-ci ne pourra être fléchée avant la fin du parcours de sélection, le Vendée Globe ne connaissant pas les skippers qui pourraient y prétendre. A ce stade, aucun skipper n’est assuré de participer au prochain Vendée Globe.
«Les chances ne sont pas éteintes» selon Amélie Oudéa-Castéra
La ministres des Sports vient au secours de la navigatrice. Sur son compte Twitter, Amélie Oudéa-Castéra annonce être montée sur le pont et affirme que rien n’est terminé pour la Clarisse Crémer. « J’ai échangé avec Alain Leboeuf (président du Conseil départemental de la Vendée et du Vendée Globe), qui reconnaît que le règlement de la course devra impérativement évoluer pour permettre aux navigatrices de vivre sereinement leur maternité. Pour 2024, les chances de Clarisse ne sont pas éteintes », a d’abord indiqué la ministre des Sports dans son premier message. Elle a ensuite enchaîné : « Je suis en contact avec les parties prenantes qui, toutes, ont à cœur de trouver une solution. Car chacun sait que Clarisse Crémer, femme la plus rapide de l’Histoire sur le Vendée Globe, mérite de pouvoir prendre le départ le 10 novembre 2024. Le combat pour que nos sportives puissent concilier leur maternité et leur carrière est une de mes priorités. Je ferai le 6 mars prochain un atelier de travail pour continuer à avancer sur cet enjeu majeur avec tous les acteurs concernés, et éviter ces situations à l’avenir. »
Le Vendée Globe critique une « décision précipitée »
Le président du Vendée Globe Alain Leboeuf a critiqué vendredi 3 février le Team Banque Populaire, qualifiant de « précipitée » la décision du groupe de se séparer de sa navigatrice Clarisse Crémer après sa maternité. « Banque Populaire voudrait être sélectionnée avant tout le monde. Ce n’est pas possible. On ne peut pas faire le tour du monde en solitaire sur les océans sans qu’il n’y ait d’étapes intermédiaires », a déclaré Alain Leboeuf, président du Vendée Globe, dans une interview à l’AFP. « Je ne comprends pas comment on a pu prendre une décision comme ça. Il reste beaucoup de courses et Clarisse pourra très bien faire le nécessaire pour être sur la ligne départ en 2024, je le souhaite vraiment », a-t-il assuré.
« Ce règlement a été voté en 2020, tout le monde le connaissait. On ne peut pas changer la règle du jeu en cours de partie », a dit Alain Leboeuf, estimant que la wild-card n’avait pas vocation à être utilisée avant « la fin du processus de sélection » en juin 2024.
Concrètement, les skippers qui n’ont pas de bateau neuf ont obligation de participer à un certain nombre de courses qualificatives jusqu’au départ et d’y accumuler les milles pour se départager, si le nombre de candidats dépasse quarante. Crémer, 12e du dernier Vendée Globe et devenue maman en décembre 2022, n’a pu participer à aucune course qualificative à ce stade et accuse désormais un retard qui n’est pas rattrapable, selon Banque Populaire. « On est à 0 mille et ceux devant nous sont à 1.600. Ces gens-là feront les mêmes courses que nous donc on ne les rattrapera jamais… Et ce sont 42, 43 personnes qui sont devant », a expliqué jeudi en conférence de presse Ronan Lucas, directeur du Team Banque Populaire.