Loin d’être anecdotique, le sujet est pris très au sérieux par les franchises qui déploient toute une stratégie basée sur l’imaginaire du public américain. Pour susciter l’adhésion, surtout des plus jeunes, et aussi pour vendre…
Prenons deux logos. Celui d’une franchise de sport aux Etats-Unis et celui d’un club en Europe. Existe-t-il de vraies différences entre les deux ?
Oui et elles sont nombreuses. Il existe une identité européenne, comme il existe une identité nord-américaine dans la création graphique. Dans les sports américains, et le constat est valable pour toutes les ligues nord-américaines, la stylistique graphique a un côté cartoon. L’univers est très proche de la bande-dessinée américaine avec son lot de super-héros. On le voit très bien dans les visuels employés avec des logotypes cernés de noir à l’intérieur comme dans les BD.
Les franchises américaines se servent allègrement dans le bestiaire animalier…
On s’aperçoit que la représentation de leur sport n’est pas une constante, hormis en NBA. On voit très peu de crosses en NHL ou de ballons de football américain en NFL. L’aigle américain est, lui, très présent, mais on retrouve aussi des bisons, des panthères, des loups. En particulier dans la NFL dont près de 50% des franchises se référent à un animal. Ici, clairement je dirais que le logo est là pour transmettre des valeurs sportives en lien avec la puissance. Les sujets ont le plus souvent une tête baissée, un air fonceur comme avec le taureau des Chicago Bulls. C’est une guerre psychologique que les franchises essaient de gagner. On remarque aussi l’importance de la volumétrie dans les logos employés. Elle donne de l’élan, du dynamisme.
Au-delà de la culture ambiante, y a-t-il une autre raison à cela ?
Le logotype américain est très étudié. Il est fait dans un esprit de production de produits dérivés. Il est tourné vers le consommateur. Les sports américains visent un public familial et notamment les plus jeunes. Rassemblés les uns à côté des autres, on a l’impression que les logos ont tous été conçus au même moment. On constate une harmonie entre eux. D’ailleurs, on pourrait presque les inter-changer. Ce qui n’est pas le cas avec les logos européens.
En Europe justement, que révèle le logo d’un club ?
En Europe, l’image des équipes est différente. Les logos renvoient à des valeurs locales, à l’histoire de la ville (ce que ne fait pas la franchise américaine). On le voit avec les clubs anglais. Le traitement renvoie à un univers fermé. On est dans la tradition. Le point de référence ici ce sont les racines locales. Ceux qui utilisent l’image d’un animal le font dans une posture différente. Il est statique et non pas bondissant comme aux Etats-Unis. Les formations espagnoles sont dans le même schéma avec un recours important à l’héraldique (ndlr : science du blason, des armoiries). Ce qui n’a rien d’étonnant pour deux pays qui ont conservé une couronne. La France se trouve dans cette mouvance. Il n’y a que le LOSC avec son dogue qui s’approche de l’imaginaire américain. Aux Etats-Unis, le côté écusson semble réservée aux institutions, les ligues. Dans les couleurs aussi, l’imaginaire américain se démarque. Les franchises utilisent des couleurs vives qui ont parfois peu à voir avec la ville ou l’Etat qu’elles représentent. Les clubs européens, au contraire, cherchent à se rapprocher de leur ville et des collectivités locales qui financent leurs infrastructures pour une bonne partie.