La rupture de pourparlers dans le cadre de négociations très avancées en vue de la conclusion d’un contrat de sponsoring sportif engage la responsabilité de son auteur dès lors qu’elle n’est ni justifiée de bonne foi par le contenu du projet de contrat ni par la survenance d’un événement de force majeure.
En sa qualité de régisseur du Racing Club de Strasbourg (vente à des tiers annonceurs le droit d’associer la notoriété de l’équipe de football à leurs produits et services), la société Sportfive avait noué contact avec un groupe de sociétés (les sociétés Normalu, Thermalu et Normalu Expo) représenté par Monsieur Scherrer à partir de mai 2004. Les négociations s’étaient poursuivies jusqu’en octobre 2004 avant que, le 12 novembre, Monsieur Scherrer n’adresse un courrier à Sportfive indiquant que, suite à de récents événements exceptionnels indépendants de leur volonté, les négociations devaient être suspendues pour la saison 2004-2005. Estimant que les parties étaient déjà engagées contractuellement, la société Sportfive et le RC Strasbourg assignaient le groupe de sociétés en vue d’obtenir l’exécution de leurs engagements (paiement du prix des prestations) ou, en cas de résiliation, d’obtenir la résiliation judiciaire aux torts exclusifs des sociétés Normalu, Thermalu et Normalu Expo ou encore, de voir jugé que ces sociétés avaient rompu abusivement les pourparlers et d’obtenir à ce titre réparation du préjudice subi.
L’existence du contrat doit être caractérisée par la rencontre des volontés
La Cour d’appel de Colmar saisie de l’affaire s’est tout d’abord attachée à vérifier l’existence d’un contrat de collaboration entre Sportfive et les sociétés Normalu, Thermalu et Normalu Expo. Les négociations avaient été entreprises dans l’optique que le groupe de sociétés devienne partenaire et co-sponsor officiel du RC Strasbourg, une telle qualité permettant à ces sociétés de promouvoir leurs produits, notamment de la marque Barrisol. Les juges du fond considèrent, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation des éléments de faits, que l’ensemble des négociations menées n’avaient pas abouti à une rencontre claire et non-équivoque des volontés de chacune des parties. En conséquence, l’arrêt relève que Sportfive en n’ayant pas attendu la concrétisation de ces négociations pour promouvoir la marque Barrisol à travers la mise en uvre de différents supports (shorts, panneaux dans les stades), avait pris un risque, tandis que Monsieur Scherrer avait tout à gagner puisque la promotion de sa marque débutait sans que le cadre contractuel soit entièrement défini.
Les juges estiment la rupture non justifiée
La société Sportfive estimait que son futur co-contractant avait commis une faute caractérisée par la rupture brutale et unilatérale des négociations très avancées et avait manqué aux règles de bonne foi dans les relations commerciales. Sur ce point, les juges relèvent que Monsieur Scherrer avait mis brutalement fin et de façon inexpliquée aux pourparlers sans invoquer de motifs légitimes tenant notamment au contenu des projets de contrats qui lui avaient été adressés. Il précisait simplement que la rupture tenait à des événements exceptionnels indépendants de notre volonté en tout état de cause étrangers à la société Sportfive tout en sachant que la promotion de la marque Barrisol avait déjà commencé, ce qui engendrait nécessairement des frais pour la partie adverse. Au regard des circonstances de l’espèce, les juges déduisent que cette rupture qui n’est pas justifiée par la survenance d’un événement de force majeure caractérise la mauvaise foi des sociétés Normalu, Thermalu et Normalu Expo, lesquelles engagent alors leur responsabilité délictuelle.
L’arrêt du 5 décembre 2006 condamne en conséquence in solidum les sociétés Normalu, Thermalu et Normalu Expo au versement de dommages-intérêts d’un montant de 40.000 euros (frais engagés et perte de chances de réaliser des gains) au profit de la société Sportfive et de 5.000 euros (perte de chance d’obtenir une rétrocession) au profit du RC Strasbourg.
CA Colmar, 1re civ. A, 5 déc. 2006, n° 05/03376, Sportfive c/ Normalu