Drôle d’année pour les parraineurs du sport. Malgré la générosité dont il font preuve à l’égard du le monde sportif, plusieurs dentre eux ont été montrés du doigt. Retour sur un phénomène inattendu : quand le sponsor gêne le sponsorisé.
A tout seigneur, tout honneur, comment ne pas débuter cette rétrospective par l’incroyable polémique qui a secoué le monde de la voile en début d’année. Sans sponsor-titre depuis l’arrêt, fin 2002, du contrat de 1,52 million d’euros annuels de 9 Telecom, le championnat ORMA (Ocean racing multihull association) pense avoir trouvé un suppléant. Le remplaçant est parfait : il s’engage sur plusieurs années contre 2,23 millions d’euros pour le Championnat des multicoques et 760.000 euros pour la Fédération française de voile (FFV). Mais pour avoir sous-estimé l’identité de ce parraineur, les acteurs de ce dossier vont recevoir une volée de bois vert. Le monde de la voile réagit très mal lorsqu’il apprend que ce mécène s’appelle TotalFinaElf ! Un pétrolier pour un sport dit propre, il faut oser. Si personne ne contestait le sponsoring de Marc Pajot et de Jean Maurel par Elf Aquitaine dans les années 80, les époques et les mentalités ont changé.
Plusieurs Ligues de voile dénoncent cet accord et votent contre le blanchiment de TotalFinaElf par la Fédération française de voile. Le groupe Total, qui demandait l’adhésion de tous, doit revoir sa copie malgré le soutien inattendu des skippers. Il renonce en mars à son projet : Les positions prises par certaines acteurs du monde de la voile et par plusieurs ligues régionales de la FFV montrent que ce projet ne peut pas emporter l’adhésion souhaitée. Le moment n’est pas encore venu de le concrétiser, malgré les actions entreprises et les engagements pris par le groupe depuis le naufrage de l’Erika en décembre 1999. Les organisateurs du Trophée ORMA se retrouvent eux le bec dans l’eau.
Des sponsors à l’image sulfureuse
Un sponsor rejeté, on a du mal à y croire. Pourtant, TotalFina-Elf ne sera pas le seul cette année à subir la défiance. Avant, c’était le commanditaire qui demandait des comptes, qui exigeait qu’aucune action ne vienne ternir son image. Cette année, ce sont les commandités qui se sont retrouvés presque gênés d’être associés à telle ou telle entreprise.
L’AS Monaco par exemple. Depuis six ans, le club de football de la Principauté est parrainé par une société de droit monégasque, Fedcom Invest, sans que personne n’y trouve rien à redire. Oui, mais c’était avant que l’ASM ne connaisse de graves problèmes financiers. En décembre 2002, Fedcom est présenté comme le repreneur (et sauveur) du club. De cette société que personne ne connaît vraiment, on va qu’elle avait été l’objet d’une note de la Direction centrale des renseignements généraux en 1997, décrivant Fedcom comme une vitrine légale de la criminalité organisée d’Europe orientale. Soucieux de la réputation de son rocher, le Prince Rainier oppose son veto à la reprise de l’ASM par Fedcom. Après quelques semaines, le parquet de Monaco ouvrira une enquête, classée sans suite, sur le groupe. Près d’un an plus tard, Fedcom reste le sponsor maillot de Monaco.
L’Olympique de Marseille aura aussi à souffrir de l’image de son partenaire maillot. En 2001, plus personne ou presque n’est prêt à payer le prix exorbitant demandé pour le club. Havas Sports trouve Khalifa Airways. La compagnie aérienne, filiale du groupe Khalifa, apparaît alors comme le sauveur de l’OM. Mais deux ans plus tard, l’empire Khalifa s’effondre. La banqueroute du groupe ruine les épargnants algériens. Elle plonge dans l’embarras l’Olympique de Marseille ainsi que le club de rugby de Bordeaux-Bèlges, à qui Khalifa Airways avait promis 300.000 euros au titre de sponsor-maillot. Une fois de plus, les rôles sont inversés : les dirigeants des clubs sportifs seront appelés à défendre la moralité de leur partenaire !
Un marché qui se rationalise
L’année 2003 a également été marquée par une nouvelle rationalisation des investissements en marketing sportif. Les politiques de coups passent désormais au second plan au profit d’investissements contrôlés et à long terme. Les contrats renouvelés pour une longue période ont été légion. Notamment avec les équipementiers. Adidas a mis l’accent sur les sports collectifs : prolongation jusqu’en 2014 avec l’Olympique de Marseille (7,5 millions d’euros annuels), jusqu’en 2013 avec le Benfica Lisbonne (un contrat compris entre 45 et 60 millions d’euros), jusqu’en 2010 avec la Fédération allemande de football, jusqu’en 2011 avec la Fédération néo-zélandaise de rugby. Son rival Nike s’est concentré sur les athlètes : LeBron James (90 millions de dollars sur sept ans), Kobe Bryant (25 millions d’euros sur cinq ans), Carmelo Anthony (18 millions de dollars sur six ans) et enfin Serena Williams pour le plus important accord de sponsoring jamais paraphé par une femme (entre 55 et 60 millions de dollars sur les huit prochaines années). La durée est devenue essentielle pour qui recherche la notoriété ou la conquête de parts de marché. Aquarel, l’eau de Nestlé, a par exemple prolongé de six ans son contrat avec la société du Tour de France contre 24 millions d’euros.
En 2004, les grands événements sportifs – Championnat d’Europe des nations en football, Jeux olympiques d’Athènes – devraient contribuer à la relance d’un secteur qui marquait le pas ces dernières années.