On ne mesurera désormais plus seulement les retombées d’un événement sportif par ses seules retombées financières, mais également par le bénéfice social qu’il dégage. Commandé par le ministère des Sports, le Centre de Droit et d’économie du Sport (CDES) de Limoges livre son étude sur le Bilan Economique et Social de la Coupe du Monde de Rugby 2007.
Un an après le passage des All Blacks, des Springboks, et autres Wallabies, nous revoici plongés dans la Coupe du monde de rugby. Une manifestation que la France a brillamment organisée, à défaut de l’avoir remportée… Il y a un peu plus d’un an donc, la France accueillait la sixième Coupe du monde de rugby de l’histoire. Celle de tous les records : record de spectateurs, de téléspectateurs et record de recettes… pour l’IRB. Comme la FIFA avec la Coupe du monde de football, ou l’UEFA avec le championnat d’Europe des nations, l’International rugby board (IRB) se taille la part du lion avec sa Coupe du monde pour financer ses activités au cours des quatre années suivantes. Le Mondial 2007 a généré un bénéfice net de 122,4 millions de livres (environ 155 millions d’euros). Ce bénéfice net permet la constitution d’une réserve de 38 millions de livres pour l’IRB (environ 48 millions d’euros) et la mise en place d’un programme d’investissement de 48 millions de livres (soit 60 millions d’euros) pour les quatre prochaines années.
Un taux de remplissage des stades de 91%
La branche commerciale de l’IRB, Rugby World Cup Limlited, se montre particulièrement féroce en matière de négociation. RWCL a royalement laissé à la France les seules recettes de la billetterie pour équilibrer ses comptes. Pas touche aux droits de retransmission (130 millions d’euros environ), pas plus qu’aux recettes sponsoring (jusqu’à 5 millions d’euros demandés pour les principaux partenaires de la Coupe du monde) ou les droits commerciaux (près de 180 millions d’euros). C’est chasse gardée. RWCL joue à tous les coups gagnant puisque l’organisateur lui garantie un niveau de recettes. Celui-ci fut d’un peu plus de 72 millions d’euros pour 2007, alors que pour organiser le Mondial 2003, l’Australie s’était engagée à verser 18 millions d’euros. Quelques mois avant le début de la compétition, le pari des organisateurs apparaissait peu réaliste. Fort heureusement, les 2,4 millions de billets proposés ont quasiment tous trouvé preneurs : 91% de taux de remplissage au lieu des 85% escomptés. Et si la France n’avait pas généreusement accordé un quart de finale au pays de Galles (celui que la France a remporté devant la Nouvelle-Zélande), le résultat aurait sans doute été meilleur. Passons.
Bernard Laporte : le sport c’est aujourd’hui 30 milliards d’euros, 1,7% du PIB et 350.000 emplois
On le sait maintenant, l’événement a engendré suffisamment d’argent pour satisfaire tout le monde. Avec un bénéfice supérieur à 30 millions d’euros, pour un budget de 255 millions d’euros, le Groupement d’intérêt public (GIP) a régalé ses actionnaires : la Fédération française de rugby (52%), l’Etat (46%) et le CNOSF (2%).
Avec le Bilan Economique et Social de la Coupe du monde de rugby 2007, on s’intéresse maintenant à l’impact économique généré par l’organisation de la compétition sportive. Celui-ci a été mesuré à 539 millions d’euros au niveau national et 590 millions d’euros pour les huit régions qui ont accueilli des rencontres. Un résultat dont se félicite Bernard Laporte en forme d’interrogation : Jusqu’alors qui pouvait donner le moindre chiffre précis sur les grandes compétitions que nous avons accueillies ?
Cette étude vient me conforter dans mes objectifs politiques, note le secrétaire d’Etat chargé des Sports, de la jeunesse et de la Vie associative. Les pouvoirs publics ont trop longtemps négligé l’approche économique du sport. Or, le sport c’est aujourd’hui 30 milliards d’euros, 1,7% du PIB et 350.000 emplois.
Outre sa méthode, l’originalité de l’étude conduite par le Centre de droits et d’économie du sport (CDES) à Limoges résulte dans sa mesure de l’utilité sociale de l’événement. Ses auteurs ont voulu prendre également en compte de multiples effets pouvant être liés à l’image de marque des territoires, à la cohésion sociale, à l’augmentation du nombre de licenciés et à une meilleure répartition territoriale de la pratique, à la promotion des valeurs du rugby. Ce qui n’a pas été sans poser des problèmes méthodologiques.
En prenant en compte les effets de substitution (on considère que si la Coupe du monde n’avait pas eu lieu, un autre type de dépense aurait été effectué), l’étude aboutit donc à un gain de 539 millions d’euros au plan national grâce aux apports du tourisme (87,1% du total) et des dépenses d’organisation (12,9%). Sur un plan régional, l’Ile-de-France arrive en tête avec 254 millions d’euros, devant Provence-Alpes-Côte d’Azur (145 millions) et Rhône-Alpes (40 millions). Pourquoi les Régions et non les villes ? Si la Coupe du monde de rugby fut organisée dans dix villes distinctes, c’est au niveau régional que l’essentiel de ses effets s’est fait sentir, estiment les auteurs de l’étude. Les équipes ou les spectateurs pouvant par exemple être hébergés ou se restaurer ailleurs que dans les seules villes hôtes. De plus, il peut y avoir plusieurs sites de compétition dans une même région (Ile-de-France, Rhône-Alpes).
Toutes les régions-hôtes ont enregistré des retombées économiques positives, mais pas toutes dans les mêmes proportions. Ile-de-France et PACA cumulent les deux tiers de l’impact total. Comme au plan national, l’impact touristique régional résulte des dépenses des visiteurs venus pour le Mondial (ce sont les spectateurs stades, spectateurs écrans géants, et accompagnateurs) ; mais, différence significative, les dépenses des spectateurs français résidant en dehors de la région concernée sont prises en compte pour le calcul de l’injection nette. L’injection des spectateurs stades provient essentiellement des étrangers, de même que pour les spectateurs écrans géants. Ainsi, la dépense individuelle quotidienne d’un spectateur étranger pour un match s’échelonne de 250 euros à 1.000 euros selon les sites alors que les Français hors région d’accueil auront dépensé de 40 euros à 195 euros par match.
La mesure de l’utilité sociale consiste quant à elle à évaluer la satisfaction créée par l’événement pour les spectateurs et les habitants, puis à calculer le bénéfice social (ou la perte) de l’événement, une fois défalqués les coûts (dépenses publiques, mais aussi nuisances) supportés par la communauté. On aboutit à un bénéfice social de 113 millions d’euros. Cette fois, le tiercé d’arrivée est légèrement différent avec l’Ile-de-France (44,5 millions d’euros) toujours en tête, devant Rhône-Alpes (21,3 millions d’euros) et Midi-Pyrénées (15 millions d’euros).
Avec près de 127,4 millions d’euros, la valeur d’usage représente 59,9% du total des bénéfices. Cette valeur, qui correspond à la satisfaction ressentie du fait de la consommation de la Coupe du monde de rugby, a été évaluée par la méthode des coûts de transport. Elle provient à 75% des spectateurs dans les stades et à 25% des spectateurs ayant suivi les rencontres sur un écran géant.
La valeur de non-usage correspond à la satisfaction ressentie en dehors même de la consommation des matches dans les stades ou sur les écrans géants. Elle se mesure par le consentement à payer. Avec 85,1 millions d’euros, la valeur de non-usage représente 40,1% du total des bénéfices liés à l’événement.
Des coûts limités
Les coûts liés à la Coupe du monde, relevant de la sphère marchande (équipements, dépenses d’organisation, de personnel ) ou non marchande (bruit, congestion routière, pollution ), sont relativement limités du double fait de l’utilisation de stades préexistants et de la faiblesse des nuisances occasionnées.
Contrairement à d’autres grands événements sportifs mondiaux, les dépenses d’infrastructures (sportives et non-sportives) n’ont ainsi représenté que 28% du total des coûts. A l’exception de Jean Bouin à Marseille, pour la Nouvelle-Zélande, et du stade Yves du Manoir à Montpellier, aucun stade n’a été construit ni rénové. En plus de minorer les coûts pour le contribuable, cette situation particulière aura également majoré les bénéfices: une contestation sociale vis-à-vis de la construction de nouveaux stades aurait en effet pu engendrer une diminution du consentement à payer des contribuables. Les dépenses liées à l’organisation ont représenté 40,2% du total, contre 27,4% pour la valorisation et la promotion des territoires et 2,6% pour les mises à disposition de personnel (services des sports des collectivités locales principalement). Enfin, les nuisances liées à la Coupe du monde ont été très faibles (1,6%). Elles ont concerné principalement la congestion routière, le bruit au voisinage des stades et les déchets. Aucun fait de hooliganisme n’a été mentionné, alors qu’il s’agit généralement de la principale externalité négative lors de grands évènements sportifs du type Coupe du monde de football. L’évaluation des politiques publiques vaut aussi dans le domaine du sport, estime Bernard Laporte. Avec cette étude, nous disposons désormais d’une analyse approfondie et fiable des impacts générés par un évènement sportif majeur organisé en France. Un plaidoyer pour la tenue d’autres grands événements sur le territoire. A ceci près que la France perd plus souvent qu’elle ne gagne dans la course à l’organisation. Sans remuer le couteau dans la plaie après Paris 2012, qui vient après l’échec de Paris 2008, la France a été battue, au cours des derniers mois, dans la course à l’organisation des Championnats du monde de basket-ball en 2010, pour les championnats d’Europe de volley-ball et de handball 2011 et 2012. Décidée du bout des lèvres pour les JO d’hiver 2018, la France peut se rattraper avec l’Euro 2016 de football. Oui, mais si l’UEFA partage une partie de ses recettes avec l’organisateur, son cahier des charges est draconien et impose de lourdes dépenses au pays organisateur. Des investissements que l’Etat seul aujourd’hui ne veut plus, et ne peut plus assumer.
Injection_nette Impact_Economique %
Impact Organisation 27.237.723 69.878.966 12,9%
Impact Tourisme 183.145.316 468.842.010 87,1%
Impact Total 21.441.787 538.730.975 100%