Dans le cadre de notre série «Leaders» produite en collaboration avec Bloch Consulting, entretien exclusif en longueur avec le directeur général de Puma France, Richard Teyssier.

« Né à Nîmes, vous y avez passé les 15 premières années de votre vie avant de vous expatrier jusqu’à Nice, aux USA ou encore au Portugal et aujourd’hui en Alsace au siège de PUMA France. Entretenez-vous toujours une relation particulière avec votre région d’origine ?
J’ai effectivement un attachement très fort à ma région d’origine et à la ville de Nîmes, pour plein de raisons différentes, notamment car toute ma famille s’y trouve encore. J’adore aussi cette ville pour son histoire, mais aussi pour sa culture et son art de vivre. C’est donc un lien émotionnel intact que j’ai pu préserver malgré les voyages et les expatriations. Pour le client d’œil – j’en profite pour vous le dire car on me pose souvent la question – je ne suis pas du tout à l’origine du sponsoring du Nîmes Olympiques par Puma, même si j’ai bien entendu été très heureux d’apprendre que nous allions les aider et encore plus heureux d’aller signer ce partenariat dans ma ville natale.
Pour revenir à votre question, je dirais, à y réfléchir, que c’est le sport qui m’a expatrié et en particulier la pratique à haut niveau de la natation dans les catégories jeunes. A 15 ans je suis ainsi allé habiter à Font-Romeu pour m’entrainer, puis à Nice dans une structure avant-gardiste qui me permettait de suivre mon parcours de haut niveau tout en poursuivant mes études. J’y ai vécu une très belle aventure humaine, qui m’a construit et qui reste encore un très beau souvenir. Par la suite, et je dirais plus classiquement, ce sont les choix de carrière professionnelle qui m’ont envoyé encore plus loin de mes bases nîmoises dans toute la France et en Europe pour le compte de deux grandes sociétés internationales dans lesquelles j’ai passé les 27 dernières années.
« Justement, comment avez-vous intégré le secteur de la grande consommation à l’issue de vos études (Ndlr : au sein de la société Mars) ? »
Je suis parti dans la grande consommation plutôt par hasard. J’avais monté une société de production audiovisuelle à Nice qui n’avait pas fonctionné et je cherchais du travail. On m’a présenté Mars comme étant une très belle société dans laquelle je pourrais m’épanouir. J’y ai passé effectivement 17 ans. Assez loin du sport il faut bien le dire. Et à cette période, pendant 10 ans exactement, je n’ai plus pratiqué de sport, même si je n’ai jamais cessé d’en être passionné. Je regardais tous les sports à la télévision et j’allais aussi au stade assister aux matchs de football dès que je le pouvais, mais je ne faisais pas de lien direct avec mon quotidien professionnel. Et même si, peut-être inconsciemment, j’avais développé, pour le compte de Mars, des activations orientées sport et développement de la pratique, il ne s’agissait en aucun cas du cœur de mon activité.
« A quel moment avez-vous eu le déclic et comment s’est fait votre « transfert » chez Puma »
En 2002 je suis nommé directeur commercial en France, et je crois que c’est à ce moment-là que je commence à réfléchir vraiment à la suite de ma carrière. Je me disais très clairement que la seule opportunité qui me ferait quitter une société dans laquelle je me sentais très bien, serait d’intégrer l’industrie du sport ; avec l’objectif de cumuler un métier que j’aime, celui de directeur général, que j’exerçais d’ailleurs depuis plusieurs années au Portugal, et ma passion pour le sport. Cette réflexion est devenue une évidence au fil des années, puis un objectif et enfin, 8 ans plus tard, une réalité grâce à la proposition de PUMA.
« En rejoignant donc PUMA en 2010, qu’est-ce qui vous a le plus surpris et comment vous êtes-vous adapté à cette industrie du sport qui vous avait tant attiré ?»
Clairement ce qui m’a le plus surpris en arrivant, et ce dès les premiers jours, c’est le rythme, qui est très différent de celui de la grande consommation. C’est extrêmement énergivore. Tous les six mois nous changeons tout. J’ai découvert une sorte de machine infernale, très différente de l’univers que je venais de quitter, extrêmement exigeante et finalement très en phase avec l’exigence du sport de haut niveau. La deuxième chose qui m’a surpris, c’est la place de la passion dans notre activité. Pour tous les acteurs de notre univers, le business est guidé par la passion. Je venais d’un secteur qui était davantage drivé par l’analyse, au plus près des besoins des consommateurs. Bien sûr nous faisons tout cela également dans notre industrie mais nous y mettons sûrement plus d’émotion. Ce sont par exemple les passionnés qui vont nous amener l’innovation technique.
« Y a-t-il un moment, peut-être plus fort en émotion que les autres, qui vous a particulièrement marqué au contact avec les athlètes ?»
Je dirais ce voyage avec Usain Bolt en Jamaïque en 2016 avant les Jeux Olympiques. Cela m’a marqué et je pense me marquera pour toujours. Les matchs au Vélodrome à Marseille sont aussi toujours des moments particulièrement intenses. Mais je pense aussi aux programmes que nous menons pour accompagner le développement de la pratique sportive. C’est notre programme « à la base » qui nous permet d’aider les clubs amateurs avec des partenaires qui partagent nos valeurs. Je suis très admiratif des bénévoles, des entraîneurs de clubs qui font et sont le sport. Ils et elles m’inspirent véritablement et donnent du sens à mon engagement au quotidien. Puma est avant tout une marque de sport. C’est d’ailleurs ce qui a favorisé notre rebond chez Puma : retrouver une légitimité par le sport. Le Lifestyle est une conséquence car nous apportons aux consommateurs des produits confortables et lookés, mais je crois avant tout aux bénéfices fonctionnels des produits qui contribuent à la performance sportive. Par ailleurs je crois que nous avons bien réussi à mettre en valeur des parcours de vie qui inspirent, que ce soit dans le secteur du haut niveau ou de la musique. Nous aimons bien accompagner des gens qui ont des aspérités, qui ont des choses à dire.
« En tant que Directeur général de Puma France, comment avez-vous géré la situation totalement inédite que nous venons de vivre ? »
Je l’ai vécu comme un challenge, avec des moments intéressants et d’autres difficiles. J’avais déjà vécu des crises mais bien sûr jamais de cette ampleur. On a commencé par protéger nos salariés. Nous étions heureusement déjà prêts pour le télétravail. Le 16 mars à midi tout le monde était chez soi en capacité de poursuivre l’activité. Ensuite nous nous sommes appliqués à protéger le business. Je pense notamment à la difficulté de gérer le stockage des produits, qui continuaient à arriver, en essayant qu’il n’y ait pas de rupture de chaines. Nous nous sommes également occupés de nos clients, avec lesquels nous sommes restés en lien permanent. On réinventait toutes les semaines des organisations spécifiques. Et puis nous avons communiqué et communiqué encore… et préparé la suite. Au déconfinement nous avons été aussi très présents pour accompagner les salariés, nos fournisseurs et nos clients et nous nous sommes projetés sur les saisons suivantes. Nous avons notamment organisé tout le lancement des gammes en visioconférence et de manière digitalisée, ce qui était très nouveau pour nous et pas encore intégré dans notre culture interne faite de proximité. Et puis, dès la fin du mois de mars, nous avons envisagé notre programme de relance. Je veux remercier ici toutes nos équipes, en France et à l’international, sous l’autorité de notre CEO Monde, Bjorn Gulden, pour la qualité de leur travail durant cette période et le niveau d’engagement dont ils ont fait preuve. Mais je veux aussi remercier vivement nos ambassadeurs qui ont eu un rôle très fort, toujours dans cette logique d’inspiration et de continuité de nos activités au plus près des besoins de nos clients.
« Cette période a-t-elle fait évoluer votre vision du management de vos équipes ? »
Cela m’a surtout challengé dans ma capacité à manager à distance. J’aime beaucoup le contact physique, la présence physique, le « visible leadership ». J’ai participé, en visio, à beaucoup de réunions d’équipes en répondant à toutes les questions des salariés, pour garder ce lien autrement. J’ai essayé de le faire avec le plus de simplicité et de transparence possible. Une des choses qu’apprend le sport c’est la résistance à l’échec, la gestion de la contre-performance. On le vit dans le business de la même manière. Et c’est ce qu’il fallait faire dans cette période. Travailler très fort et en ressortir meilleur. C’est ce que j’attendais des équipes de Puma et elles ont été totalement à la hauteur de cette attente. Cette période a été aussi un révélateur de personnalités. La crise a poussé chacun d’entre nous dans les extrêmes. La gestion de ces extrêmes a été un challenge fort. Maintenant on est revenu à un modèle plus classique, même si on prend en compte fortement les conditions sanitaires.
« Qu’attendez-vous de vos collaborateurs en cette période de reprise ? »
Clairement de recréer un mouvement positif au cœur de l’entreprise. Respecter les règles pour ne mettre en aucun cas la santé de nos salariés en danger, mais recréer l’envie. Dès la mi-juin j’ai senti cette énergie, confortée par de bons résultats. Avec un retour très positif des clients qui ont semblé satisfaits de la manière dont nous avons géré cette situation très complexe. Au niveau du business, le running et les produits conforts ont explosé pendant le confinement… et ce trend continu. Je veux dire aussi, du point de vue de notre image, que la signature au niveau international avec Neymar Jr a un impact extrêmement fort et positif. De par son niveau technique et bien entendu sa personnalité, son style, nous sommes convaincus qu’il va amener énormément à la marque.
Vous savez, je crois que mon moteur reste la recherche de la performance collective. Comprendre ce qui se passe, quels sont les leviers pour amener des collectifs à la réussite ; chercher et sélectionner les bonnes personnes pour les mettre à la bonne place. Cette épreuve a renforcé mes convictions en ce domaine et j’espère avoir appris de cette situation pour être encore plus pertinent dans mes choix et la structuration des équipes.
« Ancien nageur de haut niveau, la pratique sportive semble avoir tenu un rôle prépondérant dans votre parcours. Est-ce toujours le cas dans votre vie de dirigeant ? »
C’est aujourd’hui un élément majeur de mon équilibre. Je cours et je nage toutes les semaines, de 2 à 4 fois, quand le corps m’y autorise. Cela me permet de canaliser mon énergie et cela a des bénéfices physiologiques et psychologiques majeurs. Quand je pars courir entre midi et deux, je pars avec des problèmes et je reviens avec des solutions.
Est-ce qu’il y a encore un job qui vous fait rêver ?
Je crois qu’il y a un moment donné où on trouve sa place et j’ai probablement trouvé la mienne au sein de PUMA. Je suis heureux, équilibré, passionné et très bien avec les gens avec qui je travaille. Que pourrait-on demander de plus ?