Ce que certains redoutaient est en train de se réaliser. Mediapro veut obtenir une baisse du contrat signé avec la Ligue de football professionnel (LFP) en raison de la crise sanitaire.
La déflagration était annonciatrice de la tempête. Après le coup de semonce, révélé par L’Équipe, du non-paiement par Mediapro de l’échéance du 6 octobre (172 M€), le patron du groupe sino-espagnol annonce son souhait de renégocier, à la baisse, le contrat signé avec la LFP. « Nous voulons rediscuter le contrat de cette saison. Elle est très affectée par le Covid-19, tout le monde le sait car tout le monde souffre. On ne remet pas en cause le projet en tant que tel. Mais les bars et les restaurants sont fermés, la publicité s’est effondrée… », explique Jaumes Roures dans L’Équipe du jour. C’est la double-peine pour le football professionnel français. Non seulement, sa bouée de sauvetage vient d’exploser, mais les clubs se retrouvent également coincés par les engagements pris, sur le marché des transferts, en se basant sur le nouveau contrat de diffusion, effectif depuis quelques mois seulement.
Les droits de Mediapro pour la saison 2020-2021 s’élèvent à 780 M€ pour la Ligue 1 et 34 M€ pour la Ligue 2. Jamais un opérateur n’avait misé autant d’argent sur le football français. « Le contrat a été établi dans des conditions qui n’ont rien à voir avec la situation actuelle », souligne M. Roures. « C’est évident. Il faut en parler. Après, on verra comment cela se termine. On ne remet pas en cause le contrat, mais on remet en cause la situation actuelle (…) On a un accord pour quatre saisons. Il y a plusieurs façons d’arranger la situation actuelle ». Mediapro justifie aussi sa requête par les propres demandes du football français. Le dirigeant catalan ne se prive pas de rappeler que la LFP, elle-même, appelle l’État à l’aide. « La Ligue a elle-même demandé au gouvernement de compenser ses pertes à cause du Covid, souligne Jaume Roures. On est dans cette dynamique. On n’a pas un montant concret. On veut renégocier le prix. »
À peine élu président de la LFP, Vincent Labrune hérite d’une situation compliquée et inquiétante. On apprend notamment que Mediapro n’a pas fourni de garantie bancaire à la LFP au moment de l’acquisition de ses droits, mais seulement une garantie de son actionnaire (un fonds d’investissement chinois). Juridiquement, la bataille pourrait être tortueuse et surtout longue. Pour l’instant, la LFP refuse d’accorder un délai de paiement et de renégocier le contrat. En cas de changement de pied, ce serait la porte ouverte pour les autres diffuseurs des championnats. Canal + retransmet deux matches de L1 par journée pour un montant annuel de 330 M€, tandis que Free propose des extraits des matches en « quasi direct » pour ses abonnés fixes et mobiles contre un chèque annuel de 50 M€. Un produit qui peut faire du tort d’ailleurs à Mediapro… Enfin, beIN Sports vers 30 M€ pour deux affiches de Ligue 2 par journée.
LA LFP PRÉCISE
Dans un communiqué, la Ligue de football professionnel a indiqué, ce jeudi, avoir signifié par courrier à Mediapro son refus de lui accorder un délai de paiement. « Suite aux articles de presse parus ce jour, la LFP confirme que Mediapro a demandé le 24 septembre 2020 un délai de paiement sur l’échéance des droits audiovisuels de Ligue 1 et de Ligue 2 en date du 5 octobre 2020 », poursuit l’instance. La LFP, qui ne fera aucun autre commentaire, précise avoir désormais « pour priorité d’être en capacité d’assurer le paiement aux clubs de l’échéance en date du 17 octobre 2020 ».
Le ministère des Sports suit l’affaire
La ministre des Sports Roxana Maracineanu soutient la LFP. « Quand des engagements contractuels sont pris, il s’agit de les respecter », a déclaré Maracineanu. « Donc nous veillerons de très près au niveau du ministère des Sports et de l’État à ce que ce contrat soit respecté, que les engagements pris, soient maintenus. Parce qu’il en va aujourd’hui de la survie non seulement du football professionnel, mais du football tout court, puisque cette convention qui lie la Ligue et le football amateur est conséquente et qu’une bonne partie des fonds qui émanent de ce contrat revient au sport amateur », a rajouté la ministre des Sports.