L’annonce par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, suscite de nombreuses réactions. Réunis par la commission des affaires culturelles du Sénat, les principaux acteurs du secteur ont débattu de l’avenir du paysage audiovisuel au cours d’une table ronde en février dernier. Le moins qu’on lui puisse dire, c’est qu’ils ne partagent pas la même vision de l’avenir du service public. Notamment en matière de droits sportifs.
Alors que Daniel Bilalian, Directeur des sports de France Télévisions, assurait récemment que la suppression de la publicité sur les antennes du service public ne changerait rien à la programmation sportive de la chaîne, les concurrents de France Télévisions ont une autre vision des choses. Nonce Paolini par exemple. Le directeur général de TF1 ne propose ni plus ni moins que d’imposer un plafond de dépenses à France Télévisions en matières d’achat des droits sportifs, puisqu’il conviendrait de définir les montants jusqu’auxquels il peut aller en termes d’achats de programmes, notamment pour des événements sportifs. Car, toujours selon Nonce Paolini, Plutôt que de s’égarer dans des appels d’offre coûteux sur les droits sportifs, ce service public ferait mieux de se concentrer sur le financement de la création et du cinéma français. Je pense que ce financement relèverait davantage de sa mission que l’obtention à tout prix des droits du magazine du championnat de France de Ligue 1. Le pilonnage a continué ainsi : Il me semble qu’en termes de création de valeur, les interventions du service public sur un certain nombre de sports particulièrement onéreux ne relèvent pas nécessairement de sa mission, estime Paolini. Prenons l’exemple du magazine du dimanche consacré au championnat de France de Ligue 1. Des sommes absolument gigantesques ont été dépensées pour un droit sportif qui n’en valait pas le tiers, ce qui a d’ailleurs été démontré par les audiences réalisées, assène-t-il. Dès lors, la course aux droits des séries américaines, de films américains et de sports dont les tarifs sont considérables, avec une rentabilité réduite pour ne pas dire nulle et même parfois négative, ne relève pas de la mission du service public, conclut le patron de TF1.
La diffusion du tournoi de Roland-Garros et du Tour de France sur les chaînes publiques est un choix. Mais j’attire l’attention des sénateurs sur le fait que les contrats signés sont pluriannuels. Le service ‘public privé’ d’aujourd’hui est donc en train d’engager des sommes pour le futur. Celles-ci devront être financées. Il ne s’agira pas de nous expliquer ensuite que des ressources sont nécessaires pour le secteur public, afin de financer des décisions prises à un moment où le financement était mixte. Une cohérence est donc nécessaire. Elle recommande que le service public, dans le cadre de la réflexion que vous allez mener, repense ses missions. Certains sports olympiques pourraient être davantage présents sur ses antennes, conseille Nonce Paolini.
Ces observations n’ont évidemment pas fait plaisir aux représentants de France Télévisions. Patrice Duhamel, Directeur général de France Télévisions, a trouvé la proposition hallucinante. Je ne vois pas au nom de quoi TF1 ou M6 puissent dire à France Télévisions qu’elles ont le droit de diffuser le tournoi de Roland-Garros ou le Tour de France, mais pas de football. Il n’appartient pas, à nos concurrents privés, de déterminer quels sont les sports que France Télévisions doit traiter et le plafond que les droits sportifs ne doivent pas dépasser. Tous les grands groupes publics de télévision du monde couvrent les plus grands évènements sportifs. Au nom de quoi France Télévisions serait-il le seul grand groupe de télévision publique au monde à ne pas pouvoir les traiter sur ses antennes? Le sport n’est pas seulement un spectacle. Il s’agit également d’un lien social, conclut Patrice Duhamel. Le débat reste ouvert.