2004 a bien entendu été marquée par l’appel d’offres sur les droits TV de la Ligue 1, écrasé par Canal + (600 millions d’euros par an de 2005 à 2008). Mais l’année a aussi été animée par une crise sans précédent au sein du service des sports de France Télévisions.
– Deux ans plus tard, on retrouve les mêmes acteurs et le même résultat. Enfin presque. En 2002, Canal + avait remporté haut la main l’appel d’offres pour les droits de retransmission du football français avec une proposition de 490 millions d’euros, dont 290 millions d’euros de prime d’exclusivité. Mais la contestation de TPS devant les tribunaux avait conduit au statu quo. Cette fois, il n’y aura pas de deuxième round judiciaire. Le législateur est passé par là. Un décret, avalisé par le Conseil constitutionnel, a précisé la notion d’exclusivité pour un spectacle sportif et attribué la propriété des droits télévisuels aux clubs professionnels tout en maintenant de leur commercialisation par une ligue. Ces nouvelles règles du jeu rendaient impossible toute prime d’exclusivité, mais si un opérateur audiovisuel était mieux disant sur tous les lots, il pouvait remporter l’ensemble. C’est exactement ce qui s’est passé : Canal + a proposé 600 millions d’euros par an en moyenne pendant trois ans. Jamais le sport français n’a vu autant d’argent. D’un seul coup, la L1 est comparée à la Premier League et son 1,129 milliard de livres (1,638 milliard d’euros) que le bouquet satellite BSkyB et la BBC ont mis sur la table en 2003. TF1 et M6, les deux propriétaires de TPS, parlent de non-sens économique. Les deux chaînes essaient de faire croire que ce sont elles les grandes gagnantes de cet appel d’offres. TPS dit ne pas avoir besoin du football pour survivre. Mais la seule présence sur son antenne du football anglais, chipé à Canal + pour 27 millions d’euros sur trois ans, ne justifie pas forcément un abonnement à ses programmes. Il lui faut trouver un autre produit appel. Canal + le tient, mais la question de sa rentabilité reste posée. Les clubs, eux, jubilent. A court terme, ils sont les grands gagnants de ce non duel. Mais dans trois ans ? Est-ce que TPS tentera à nouveau sa chance après avoir reçu d’excellentes notes qualitatives et mêmes meilleures que celles de Canal+ sur les quatre lots, avec une moyenne de 9 sur 10 contre 6 pour Canal+ ? Ou bien les deux bouquets fusionneront-ils… entraînant une baisse des droits ?
– France Télévisions a perdu la Coupe du Monde 2007 de rugby. Une info passée presqu’inaperçue. Et bientôt, le service public pourrait perdre beaucoup plus. TF1, battu sur les droits de la L1, a non seulement reconduit son contrat pour l’équipe de France de football, mais aussi signé un joli coup en enlevant les droits de retransmissions des Coupes du Monde 2007 et 2011 de rugby. Car dans le lot, il y a l’édition qu’organisera la France avec des rencontres diffusées aux heures de grande écoute pour remplir les pages de publicité. Avec 80 millions d’euros, l’offre de TF1 a été préférée à celle de France Télévisions qui proposait 70 millions d’euros et la diffusion de 36 matches sur 48. TF1 s’est engagée sur la diffusion de 20 rencontres en direct sur son antenne. Le reste des rencontres étant proposé sur sa filiale Eurosport. Le rugby sur TF1 n’est pas à proprement parler une nouveauté. En 1991, 1995 et 1999, la Une avait déjà diffusé la Coupe du Monde, mais les prochains mois pourraient être annonciateurs d’une profonde révolution. En 2005, la plupart des contrats de France Télévisions avec le rugby (équipe de France et Tournoi des Six Nations) arrivent à échéance. Si l’on reprend les chiffres cités précédemment, jamais confirmés par France Télévisions, de 10 millions d’euros pour le XV de France et de 7 millions d’euros pour le Tournoi des Six Nations, il reste de la marge à TF1 pour récupérer ces deux produits d’appel…
– Pour France Télévisions, 2004 restera comme une mauvaise année. Malgré des succès d’audience avec le Championnat d’Europe des Nations en football au Portugal et les Jeux olympiques d’Athènes, c’est le service des sports qui a fait parler de lui. La greffe Canal + n’a pas pris : Charles Biétry et Frédéric Chevit, les deux anciens de la chaîne cryptée, n’ont jamais été acceptés par le service des sports de France Télévisions. Le départ au beau milieu de l’année de Biétry n’a rien changé à l’ambiance. Bombardé directeur de la rédaction des sports, Daniel Bilalian, évincé du journal du 13 heures, a débarqué en plein mélodrame pour prendre la relève. Après un Euro 2004 marqué par de nombreux dérapages, budgétaires notamment, la Société des Journalistes des sports de France Télévisions (SJSF) a voté une motion de défiance au directeur des sports (ndlr : Frédéric Chevit) et à son clan et demandé que les structures et le fonctionnement du service des sports de France Télévisions soient rapidement et concrètement revus et corrigés. La motion de défiance a recueilli 41 voix pour, et seulement 7 voix contre et 5 abstentions. Une seconde motion de défiance sera votée à l’encontre de Frédéric Chevit, qui reste malgré tout directeur des sports de France Télévisions. Les contestataires n’ont plus confiance en la direction des sports qui durant des mois n’a pas su renoncer à un système où le copinage l’emporte sur la qualité professionnelle, où le flou et l’arbitraire sont érigés en valeur de gestion. L’année est finie, mais les rancoeurs ne sont pas terminées…
– La grogne couve également à la Fédération française de tennis. Avant les élections de février prochain, Christian Bîmes, l’actuel président de la FFT, s’est trouvé de nouveaux ennemis avec une succession d’événements qui prêtent à confusion. Il y a d’abord eu cette arrivée au sein de TF1. A la surprise générale, Christian Bîmes est devenu salarié de la chaîne en tant que directeur délégué en charge des dossiers de stratégie et de développement auprès de Patrick Le Lay et d’Etienne Mougeotte. L’annonce est intervenue en pleine négociation pour la vente des droits de Roland Garros à l’international (le tournoi de la Porte d’Auteuil est sous contrat avec le service public jusqu’en 2009 en ce qui concerne la France avec un prix moyen de 11 millions d’euros par an). Quelques mois plus tard, patatra. Le contrat avec l’Union européenne de radiotélévision (UER), dont fait partie Eurosport… une chaîne du groupe TF1, est sérieusement reconduit à la baisse : de 14,8 millions d’euros en moyenne, les droits paneuropéens, sur la période 2005-2007 descendent à 8 millions d’euros par an ! Pour les opposants de Bîmes, le conflit d’intérêt est évident.