Betrand Méheut, le nouveau président de Canal +, doit assumer l’héritage de ses prédécesseurs. Les petits actionnaires reprochent à la chaîne cryptée sa politique passée en matière de droits TV.
On croyait le dossier clos depuis mars 2003 et l’accord entre Canal + et les clubs français de football qui scellait la fin du Club Europe. Mais que nenni. L’Association des petits porteurs actifs (Appac) porte plainte contre X pour abus de biens sociaux, dénonçant une série de contrats conclus par Canal + (Vivendi Universal) avec les clubs de football et la Formula One Administration (FOA) de Bernie Ecclestone. Deux dossiers que nous avons déjà évoqués dans La Lettre du Sport (voir n°256 et 265).
Cette action vise à faire la lumière sur des contrats dispendieux signés par Canal + concernant la Formule 1 et le football. L’Appac se base sur des documents internes de Vivendi Universal, révélés en son temps par le journal Le Monde. Ces notes dévoilaient des investissements à perte colossaux de la chaîne cryptée dans les droits sportifs. Pour le football, 160 millions d’euros ont été versés à six clubs (Monaco, Marseille, Paris, Lyon, Lens et Bordeaux) via le Groupe Jean-Claude Darmon entre 1999 et 2003, au travers du Club Europe. L’accord devait permettre à Canal + d’acquérir un droit d’option prioritaire sur l’exploitation de leurs matches. La chaîne anticipait alors sur une éventuelle cession de la propriété des Droits TV aux clubs. Une histoire de fou en fait. A l’époque, les clubs n’avaient aucune chance de récupérer la propriété des droits de leurs rencontres à brèves échéances. Mais en 2003, La Loi du sport de Jean-François Lamour a conféré ce droit aux formations professionnelles qui doivent cependant passer par la Ligue de football (LFP) pour commercialiser les matches en direct. En contre-partie, elles peuvent exploiter, comme bon leur semble, le différé sur n’importe quel support. Canal + a donc cassé un contrat de 220 millions d’euros après avoir versé 160 millions d’euros pour rien au moment où les clubs obtenaient effectivement la propriété de leurs droits…
Histoire de fou encore avec le contrat concernant la Formule 1. Il faut se souvenir que lors du lancement de CanalSatellite, Canal + ne jurait que par le Pay-per-view (PPV). Les abonnés paieraient pour voir des films à la séance, mais aussi du sport. Des rencontres de football et les Grands Prix de Formule 1. Si la diffusion des rencontres de football en PPV n’a jamais décollé, celle de la F1 a carrément fait un flop. Ce qui était prévisible. CanalSatellite proposait à ses abonnés de payer pour chaque Grand Prix afin de voir la course sous six angles différents (stand, caméras embarqués, etc.). Sauf que les dirigeants de Canal + ont sous-estimé un élément. La Formule 1 est diffusée gratuitement sur la plupart des grandes chaînes européennes. Bilan de l’opération lancée en 1996 : 220 millions d’euros envolés en fumée. Enfin pas pour tout le monde. Dans la note interne du 16 janvier 2001, son auteur écrit que Le contrat entre Formula One et Canal + apparaît plus que gravement déséquilibré (…) Canal + a pris la totalité du risque financier technologique et commercial sur un marché totalement inexistant pour un montant disproportionné sans se ménager aucune possibilité de renégociation. Il n’hésite d’ailleurs pas à parler de malversations : Il y a quelque chose de tellement énorme que j’ai du mal à croire à la bonne foi des initiateurs. Quel est le profit des bénéficiaires et des intermédiaires ?