Contre toute attente, la LFP est parvenue à préserver et même à légèrement augmenter le pactole de ses Droits TV pour la période 2008-2012. La concurrence entre Canal + et Orange a joué à plein. La chaîne cryptée obtient les deux premiers lots et conservera donc la quasi-totalité des affiches de Ligue 1. Orange obtient le lot 3 et diffusera en exclusivité l’affiche du samedi soir.
Annoncée pour le 31 janvier, l’attribution des douze lots mis aux enchères par la Ligue de football professionnel (LFP) pour les droits de retransmission de la Ligue 1, a finalement été reportée d’une semaine. Le 31 janvier, la Ligue de football professionnel (LFP) décidait d’ouvrir une deuxième phase de la procédure pour l’ensemble des douze lots mis aux enchères dans le cadre de l’appel d’offres des droits télévisuels pour la période 2008-2012. Au cours de la première phase de l’appel à candidature, la LFP a reçu et examiné 31 offres de la part de 9 candidats. Les résultats obtenus ce soir (jeudi 31 janvier) font apparaître une réelle compétition entre deux acteurs désormais majeurs. La LFP se félicite ainsi de la candidature d’Orange, y compris sur les lots Premium. Le conseil d’administration a pris acte avec satisfaction des résultats obtenus à l’issue de cette première phase et a décidé comme le prévoit le règlement d’ouvrir une deuxième phase de la procédure qui couvrira l’ensemble des lots et qui interviendra dans les prochains jours, indiquait la LFP. A ce stade, l’ensemble du football français tremblait. Au lieu des 750 millions d’euros annoncés par Jean-Michel Aulas, président de l’Olym-pique Lyonnais, le football professionnel français n’allait-il pas voir sa principale source de recettes (50% du budget des clubs) fondre ?
Canal + tire l’appel d’offres vers le bas
Pas un mot sur Canal +, pourtant le partenaire historique de la Ligue. Pas un mot non plus sur les prix de réserve. Ce qui laissait supposer que les offres émises par les candidats n’avaient pas atteint ces prix plancher. A juste titre, Frédéric Thiriez, le président de la LFP, parle d’une deuxième mi-temps. Car Canal +, en plus de conduire une guérilla juridique contre l’appel d’offres de la ligue, a tiré l’appel d’offres vers le bas et l’entrée en force d’Orange, candidat pour les 12 lots proposés, n’a pas été suffisante pour compenser cette baisse. Les rumeurs laissent alors entendre que les montants émis dépassent à peine 450 millions d’euros. Un montant proche de celui du championnat d’Allemagne, mais les clubs français n’ont ni les mêmes recettes de billetterie, ni les mêmes recettes de sponsoring ou de merchandising que leurs voisins allemands. C’est le krach assuré.
Thiriez conforté
Mais la stratégie offensive de Frédéric Thiriez finit par payer. Il avait raison de prétendre que la structure du marché est nettement plus concurrentielle, en dépit des apparences. Un véritable numéro d’équilibriste. Dans une sorte de Yalta du football, Canal + et Orange se partagent les droits. Le montant global obtenu s’élève à 668 millions d’euros par an, soit 8 millions de plus environ que lors de la dernière année du contrat en cours, qui s’achève au mois de juin. Avec une grosse partie du gâteau pour Canal +. La chaîne cryptée obtient les deux premiers lots et conservera donc la quasi-totalité des affiches de Ligue 1.
Les trois lots Fans, relatifs au paiement à la séance, sont attribués à Canal+ sport. Par ailleurs, Canal+ décroche quatre des cinq lots magazines (multiplex, magazine L1, magazine toutes compétitions, et magazine du lundi), alors qu’Orange obtient le lot 3 et diffusera en exclusivité l’affiche du samedi soir, plus le lot des vidéos à la demande (VOD), ainsi que les droits concernant les téléphones mobiles. Avec une facture de 465 millions d’euros par an, Canal+ réalise une substantielle économie par rapport à l’actuel contrat. L’ambition de la chaîne cryptée d’atteindre 1 milliard d’euros de résultat d’exploitation à l’horizon 2010 prend forme. A périmètre constant, nous économisons 170 millions d’euros par an, se félicite Alexandre Bompard, directeur du pôle sport de Canal +. Si on prend en compte le nouveau magazine du dimanche, c’est une économie de 130 à 140 millions d’euros.
Orange aveuglé par Canal + ?
De son côté, Orange, après avoir fluctué sur sa stratégie (NDLR : Compte tenu du niveau des droits de diffusion auquel se situent ceux de la L1 et de notre parc d’abonnés, il est absolument impossible pour nous, comme pour tout opérateur de communication, quel qu’il soit, de se payer ce championnat, expliquait Patricia Langrand, directrice des contenus d’Orange en juillet 2007), paie très cher son arrivée dans le monde de la diffusion des rencontres de football. Pour les 38 matches du samedi soir, Orange met 140 millions d’euros dans la corbeille. Et il convient d’ajouter 63 millions d’euros pour conserver les droits sur le mobile et obtenir le nouveau magazine VOD. Sans doute le prix à payer pour avoir un pied dans la place dans quatre ans. Et le prix à payer également pour avoir pensé que Canal + voulait absolument le lot du samedi soir alors que la chaîne cryptée était surtout intéressée par les lots Fan. Orange a décidé de participer à la compétition dans le cadre de sa stratégie de contenu avec un raisonnement économique et financier à la mesure de sa base de clientèle mobile et triple play (abonnement couplant téléphone, internet et télévision) intéressée par les contenus premiums, a précisé une porte-parole de l’opérateur.
Car Orange a revu sa copie. Ainsi Didier Lombard, président de France Télécom, avant d’indiquer que la consultation lancée par la LFP l’intéressait n’expliquait-il pas, fin novembre, ce n’est pas notre boulot d’aller retransmettre à 20 heures de grands événements sportifs.
Dans quatre ans, ce sera une autre histoire
Comme il y a trois ans, la Ligue se retrouve donc avec deux diffuseurs pour ses matches. Orange ayant remplacé TPS. En absorbant son concurrent, Canal+ pensait mettre fin à la surenchère que les deux opérateurs se livraient (sur le sport, mais également le cinéma). Mais dans quatre ans, la chaîne cryptée pourrait trouver sur sa route un concurrent encore plus féroce. Du haut de ses 54 milliards d’euros de chiffre d’affaires (le groupe Canal + pèse 4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires), Orange affiche son ambition de devenir un opérateur audiovisuel en lançant son propre bouquet de chaînes. Les enjeux financiers sont tellement considérables pour l’ensemble des parties engagées que ce vaste poker menteur va continuer. Un scénario qui siérait parfaitement au football fran-çais.
Le compte rendu hebdomadaire en crypté
A la fin du combat, il n’y a que des gagnants… ou presque. France Télévisions se trouve éjectée des places d’honneur puisque le service public perd son émission dominicale, France 2 Foot. La stratégie de France Télévision est, d’ailleurs, apparue curieuse sur ce dossier. Après avoir misé 24,5 millions d’euros pour doubler TF1, France Télévisions a formulé une offre inférieure à 15 millions d’euros annuels pour reconduire son émission. Dans le même temps, Canal + a sorti le bazooka sur ce lot, pas forcément stratégique mais au combien symbolique, avec une proposition supérieure à 30 millions d’euros ! Avec un tel écart, la LFP pouvait difficilement refuser la généreuse proposition de Canal +. Et tant pis si la Ligue 1 se trouve entièrement privatisée comme le suggère Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions. Le constat est incontournable : pour la première fois depuis 31 ans, le compte rendu hebdomadaire des championnats de première et deuxième divisions n’est plus d’accès gratuit. C’est donc la privatisation totale des championnats de première et deuxième divisions, a déclaré à l’AFP M. Bilalian. Il est vrai que pour le téléspectateur-consommateur, les résultats ne sont pas sans conséquence sur son pouvoir d’achat. La façon de consommer le produit football va changer.
En réussissant à maintenir le pouvoir d’achat des clubs, Frédéric Thiriez leur offre un plan de développement pour les quatre prochaines années. Le football français qui a tant de projets dans les cartons ne pouvait pas subir un dramatique retour en arrière dans un contexte de fragile équilibre. Mais le plus dur commence sans doute pour les clubs. Les présidents ont senti le vent du boulet. Ont-ils saisi le message ? Les diffuseurs veulent plus de spectacle. Hélas, la concurrence étrangère empêchera toujours les clubs de Ligue 1 d’attirer les meilleurs joueurs. Tout juste pourront-ils retenir certains d’entre eux lorsque l’acheteur ne sera pas anglais. Sur les infrastructures, quelques clubs commencent à travailler. Mais les clubs ne peuvent que donner des gages de bonne volonté. Dans quatre ans, ils seront jugés sur leur capacité à avoir initié un mouvement de réformes.
Les droits TV dans les principaux championnats – saison 2007-2008
FRANCE : 655,5 millions d’euros
Allemagne : 430 millions d’euros (Bundesliga + Bundesliga 2)
Angleterre : 1.400 millions d’euros (inclus les droits TV vendus à l’international)
Espagne : 350 millions d’euros (les clubs négocient individuellement leurs droits. Ainsi, le Real Madrid percevra, à partir de juin 2008, 1,1 milliard d’euros sur 7 ans. Barcelone a obtenu 850 millions d’euros sur la période)
Italie : 661 (système identique à l’Espagne. Mais à partir de 2010, ce sera la Ligue italienne qui commercialisera collectivement les droits).
Canal_+ 600 M
Orange 31 M
France_Télévisions 24,5 M