Marcel Benz et Steffen Gehring gagnent à être connus. Le premier dirige l’unité services juridiques de l’UEFA, alors que le second est avocat. Ensemble, ils ont rédigé un mémoire sur les causes des crises survenant dans le football professionnel. Sont-elles comparables aux crises que connaît le monde économique ordinaire ? Est-il possible de prévenir ses crises ? Leur travail ne répond pas à toutes les questions, mais il permet de mieux comprendre comme le football crée lui-même les conditions d’une crise. Une crise que ne semblent pas connaître les clubs participants à la Ligue des champions comme le prouve le tableau de répartition des recettes de la dernière édition.
Marcel Benz et Steffen Gehring dressent la liste des principales causes des crises financières dans une économie classique. Ils notent des manquements au niveau du contrôle de la gestion, des erreurs de financement, des erreurs dans la gestion même de l’entreprise et de son personnel. Autant de facteurs auxquels les clubs professionnels sont également soumis avec des différences liées au principe de la concurrence sportive. A savoir le besoin de résultat immédiat, la portée géographique et limitée des championnats, un marché des transferts incontrôlable ou bien encore le principe de la promotion-relégation propre à une compétition sportive. Les deux auteurs dressent ensuite le catalogue des causes des crises spécifiques au football : le manque de résultats sportifs, les salaires des joueurs, l’investissement inconsidéré dans les infrastructures, la perte d’un mécène ou bien encore la manipulation des matches et les paris illicites.
Un catalogue impressionnant que l’UEFA elle-même aurait du mal à endiguer. D’après, Marcel Benz et Steffen Gehring, la licence, octroyée aux clubs pour participer aux compétitions européennes, serait un puissant instrument dans le cadre du fair-play financier cher à Michel Platini, président de l’UEFA. Mais elle serait aussi insuffisante.
A cela plusieurs raisons. D’une part, une licence est accordée pour un an, quand une crise peut s’étaler sur plusieurs années. D’autre part, les causes d’une crises peuvent être différentes d’un pays à un autre.
Afin de diminuer les risques financiers, les auteurs font cette recommandation toute bête, mais pas toujours suivie : ne pas dépenser au-delà de ses recettes. Ils recommandent également de nommer les bonnes personnes aux bons postes. Les auteurs prônent aussi une gestion des risques institutionnalisée au sein des clubs, avec une étude de tous les scénarios possibles et de leurs conséquences. Autrement dit, décorréler la gestion d’un club professionnel du court terme en planifiant les différentes étapes qui jalonnent sa vie.
Sur le papier, les conseils de Marcel Benz et Steffen Gehring sont de bons aloi et font appel au bon sens. Reste à savoir comment les deux hommes réagiraient à la barre d’un club bon dernier de son championnat dont les supporters pénètreraient sur la pelouse en réclamant la démission de l’entraîneur…
Reste que le football n’est pas à un paradoxe près. L’univers du ballon rond a été, comme tous les marchés financiers, affecté par la crise financière. Toutefois, il n’y a pas de catastrophe en vue. Le Real Madrid continue d’évoluer dans une sphère à part. A moins que le pouvoir d’achat des spectateurs soit si impacté qu’ils désertent les stades. Mais dans ce cas, ce serait la télévision, le poumon financier des clubs de football, qui verrait ses audiences augmenter. Et à regarder le tableau de distribution des recettes générées par la Ligue des champions (voir tableau ci-dessous), la crise semble à des années lumières des clubs participants. Les 32 clubs de l’édition 2008-2009 se sont partagés près de 584 millions d’euros !
Si impact de la crise il y a, il faut aller le chercher du côté des infrastructures. Et l’exemple français est frappant à cet égard. Moderniser les stades permettraient à la Ligue 1 d’engranger 250 millions d’euros supplémentaires selon une étude d’Ineum Consulting. Mais encore faut-il avoir les fonds pour réaliser ces investissements. A Strasbourg, le projet Eurostadium est tombé à l’eau lorsque le groupe britannique Hammerson, touché par la crise, s’est retiré. Et à Saint-Etienne, l’idée de construire un tout nouveau stade a fait long feu. Ce sera, au mieux, une rénovation de Geoffroy-Guichard. Freinés par des problèmes financiers, les clubs de Ligue 1 ne sont pas prêts d’avoir leur Allianz Arena ou leur Emirates Stadium. A Nantes, les conditions financières ont tout simplement conduit la municipalité à renoncer à présenter un dossier pour accueillir des matches de l’Euro 2016 si la France devait être retenue.
Reste Lyon et son OL Land. Un stade de 60.000 places, des installations sportives, des hôtels, un centre commercial et des bureaux d’affaires. Mais le projet a déjà pris tellement de retard qu’il est difficile d’avancer le moindre calendrier….
Renseignements
Krisen im Profifussball : www.boorberg.de