Le tribunal de commerce de Paris demande à l’opérateur Orange de mettre fin à l’exclusivité portant sur la retransmission de certains matches de football, ceux de la Ligue 1, donnant ainsi raison aux concurrents Free et SFR. Si la décision était confirmée en appel, Orange pourrait remettre en cause son contrat signé avec la LFP.
Orange, qui avait accepté de débourser, début 2008, 203 millions d’euros par an pour obtenir trois lots des droits audiovisuels de la Ligue 1, a lancé en août dernier sa chaîne de football. Baptisée à l’origine Orange Foot avant de devenir Orange Sport, elle comptait 59.300 abonnés à fin septembre. 100.000 selon l’opérateur au début de l’année 2009. Pour avoir accès à cette offre, qui comprend notamment un match de championnat en exclusivité le samedi soir, le téléspectateur doit être abonné à l’offre triple play de l’opérateur, qui comprend le téléphone fixe, l’internet haut débit (ADSL) et le bouquet basique télévisuel. Cette pratique permet à France Télécom d’acquérir une clientèle qu’elle détourne de ses concurrents, a estimé le tribunal de commerce. Selon Free et SFR, cette pratique est assimilable à une vente liée. Chose interdite en France. En conséquence, le tribunal fait injonction à la société France Télécom, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard, pendant trois mois, à compter d’un délai d’un mois, de cesser de subordonner l’abonnement à Orange Foot à la souscription d’un abonnement internet haut débit Orange.
Ce verdict est un nouveau coup dur pour l’opérateur après la perte de l’exclusivité de l’iPhone en France. D’autant que d’autres jugements sont attendus. Le gouvernement, par exemple, a saisi début janvier le Conseil de la Concurrence d’une demande d’avis sur les offres exclusives de contenus par des fournisseurs d’accès internet, visant implicitement les chaînes de télévision d’Orange, à la fois dans le sport (foot surtout mais aussi rugby, handball, basket-ball…) et les films et séries télévisées (Cinéma Séries). Le groupe Canal+, conjointement avec SFR, également filiale de Vivendi, a également porté plainte contre Orange, pour le même motif.
La Ligue et nous, nous sommes embarqués dans la même galère
Orange n’entend pas se laisser faire. Dans un entretien au Journal du Dimanche paru le 1er mars, Xavier Couture, le directeur des contenu d’Orange, annonce que le groupe a fait appel. Si la décision était toutefois confirmée, il laisse entendre que la confirmation pourrait remettre en question l’accord conclu avec la Ligue de football professionnel (LFP) et plus généralement la stratégie de diversification de l’opérateur dans les médias : Notre modèle économique serait impacté, ce qui nous conduirait à nous poser des questions. Par exemple, nous examinions l’acquisition des droits de la Coupe de la Ligue. Le tribunal a douché notre enthousiasme. Si elle était confirmée, cette décision provoquerait un cataclysme pour le monde de la création, dont les premières victimes seraient les ayants droit. Les moyens financiers que nous apportons sont devenus indispensables, en particulier pour les acteurs du sport. Si les opérateurs télécoms ne peuvent plus obtenir d’exclusivités, les droits du foot et du cinéma vont soit rester entre les mains d’un seul acteur [Canal +] soit être achetés par des acteurs étrangers, comme Google ou Yahoo!, qui n’ont pas les mêmes préoccupations que nous en matière de protection de la diversité culturelle et de financement de la création.
Xavier Couture, qui estime que ce jugement résulte d’une mauvaise analyse des faits et d’une interprétation du droit, associe la LFP à sa cause. L’exploitation de la L1 est très valorisante pour Orange. Mais si les conditions globales de l’environnement étaient modifiées au point que ça devienne impossible, il faudrait traiter le problème. La Ligue et nous, nous sommes embarqués dans la même galère. Nous devons nous battre ensemble.
Orange annonce 300 000 abonnés
France Télécom annonce pas moins de 300.000 abonnés, à fin février, à ses chaînes payantes Orange Sport et Orange Cinéma Séries. Dans quelles proportions se répartissent-ils entre les deux offres ? Mystère.
Le groupe explique la progression (100.000 à fin décembre) par la montée en puissance du contenu des chaînes, notamment Orange Sport. Mais la politique commerciale y a sans doute aussi contribué. Certaines offres couplées à un abonnement triple play donnaient accès à l’une des chaînes pour 1 euro !