Daniel Bilalian, directeur des Sports de France Télévisions, veut une intervention du législateur pour permettre la diffusion partielle de la Ligue 1 sur les chaînes en clair. Le président de la Ligue de football professionnel (LFP) Frédéric Thiriez demande à France Télévisions de ne pas essayer d’obtenir par la loi ce que le marché ne vous a pas donné. Le CSA engage une concertation.
Amis de France 2, vous ne nous avez pas laissé le choix, compte tenu de vos contraintes budgétaires et de nos contraintes légales, a déclaré Frédéric Thiriez devant les présidents de clubs de Ligue 1 et de Ligue 2. Alors n’essayez pas d’obtenir par la loi ce que le marché ne vous a pas donné. Le président de la Ligue répond à Daniel Bilalian, le directeur des sports de France Télévisions, favorable à une loi qui donnerait aux chaînes gratuites un droit de cinq ou dix minutes d’images à chaque journée de Ligue 1. Une révolution tout simplement puisque le droit à l’information est limité à 1 minute et 30 secondes d’images par journée de championnat – à noter qu’un certain laps de temps doit s’écouler entre la fin de l’événement et la diffusion desdites images; c’est ainsi que, par exemple, la chaîne d’info sportive L’Equipe TV se voit contrainte de diffuser des… photos de matches quand elle annonce les résultats d’une journée de Ligue 1 tout juste après la fin des rencontres. Il faut être sportif, estime Gervais Martel, le président du RC Lens et président de l’Union des clubs professionnels français (UCPF). France 2 sait se positionner sur de grands événements, il n’a pas souhaité ou pas pu le faire là. Mais est-ce que le championnat ne va pas ainsi se couper de ses racines populaires ? Il y aura encore le droit à l’information, et ça ne va pas être un traumatisme ou un tsunami parce que le magazine du dimanche passe sur une chaîne qui n’est pas en clair, estime M. Martel qui trouve totalement hors-sujet l’idée d’une nouvelle loi.
La privatisation, un vol du championnat ?
France Télévisions apparaît comme le grand perdant de l’attribution des droits de retransmission de la Ligue 1. La chaîne dénonce la privatisation du Championnat de France de football. La section du Syndicat national des journalistes CGT de France 2 parle d’un vol de la compétition. Les syndicalistes affirment que les téléspectateurs français qui paient seulement une redevance ne peuvent plus désormais voir les matches de Ligue 1 et de Ligue 2 ou même leurs résumés sur une chaîne généraliste. Dont acte. Mais n’est-ce pas le même groupe France Télévisions, qui critique aujourd’hui la mainmise de l’argent sur le football français, qui avait l’an passé, obtenu les droits du magazine dominical en renchérissant (24,5 millions d’euros) sur l’offre de TF1 pour créer France 2 Foot ? Daniel Bilalian demande l’intervention du législateur pour octroyer aux chaînes de télévision gratuites un temps minimal d’images de la Ligue 1. Pour l’instant, Canal + se tient à l’écart du débat. Mais l’opérateur qui vient de s’engager à débourser 2,67 milliards d’euros sur quatre ans (hors frais de production), aura sûrement son mot à dire si l’affaire devait aller plus loin.
Concertation du CSA
France Télévisions a trouvé un relais politique en la personne de Didier Bariani. Ce dernier, vice-président national de l’UDF-Modem de François Bayrou, et anciennement à la tête du Paris FC, plaide pour la diffusion d’un résumé d’un quart d’heure des matches de L1 sur France Télévisions. Le football est un fait de société qui intéresse le plus grand nombre, déclare Didier Bariani. Aussi, je suis favorable à ce que le grand public ait accès à une synthèse d’un quart d’heure, le quart d’heure de l’amateur, sur le service public. L’idée est arrivée aux oreilles du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a annoncé le lancement d’une réflexion concertée sur le sujet. La concertation est par ailleurs justifiée par le fait que la directive européenne Services de médias audiovisuels prévoyant la diffusion de courts extraits des retransmissions des événements d’un grand intérêt pour le public doit être transposée durant l’année. Prudente, l’instance de régulation ne se risque pas à évoquer une quelconque durée.
Alors question : est-ce du ressort du législateur de s’interroger sur l’accès à un large public du sport le plus populaire en France ? Ceux qui répondent oui, diront que passé de 1 minute et 30 secondes à, disons 5 ou 10 minutes, ce fameux droit à l’information ne grèvera pas les exclusivités acquises à prix d’or, tout en faisant profiter au plus grand nombre des images de la Ligue 1 et de la Ligue 2, notamment à ceux qui n’ont pas les moyens de s’abonner à des offres payantes. A contrario, l’autre camp aura beau jeu de rappeler que la Ligue défend les intérêts de ses clients, Canal+ et Orange, qui ne verraient pas d’un très bon il une profusion d’images de L1, pour lesquelles ils paient très chers (668 millions d’euros par an), être distribuées gratuitement. N’oublions pas que le football français aurait payé dans les années 1970 pour passer à la télévision !
Le mot de la fin à Noël Le Graët, ex-président de la Ligue. Canal+ est organisé pour avoir l’ensemble des buts. Leur intérêt, c’est de vendre des décodeurs et donc de passer tous les buts, résume le vice-président de la Fédération française de football (FFF). Une analyse pour le moins limpide…