Après l’accord signé avec l’ATP il y a quelques semaines, le PIF, le fonds souverain saoudien, récidive avec la WTA.
Comme pour le golf ou le football (sans oublier les sports mécaniques et la boxe), l’irruption de l’Arabie saoudite sur la scène du tennis mondial a suscité des critiques. Mais cela ne freine pas les ambitions de Riyad qui agit tel un rouleau compresseur. L’Arabie saoudite est désormais une destination prisée des vedettes de la petite balle jaune. L’Espagnol Rafael Nadal, 22 fois vainqueur dans des tournois du Grand Chelem, a même accepté de devenir « ambassadeur » de la Fédération saoudienne de tennis, alors que le royaume a obtenu l’organisation des trois prochaines éditions des finales de la WTA de 2024 à 2026.
L’Arabie Saoudite apprend de ses erreurs. A la différence du golf, où sa tentative de prise de contrôle hostile de la PGA et du golf professionnel international il y a deux ans (un dossier qui n’est toujours pas réglé, ndlr), le royaume entre par la grande porte au tennis, invité par les instances dirigeantes à déverser ses milliards de dollars pour « améliorer le tennis mondial » dans les années à venir selon l’expression dévoilé à l’occasion de l’annonce en début d’année du « partenariat stratégique pluriannuel » du fonds souverain saoudien (PIF) avec le circuit ATP. Outre le naming du classement mascuclin, il accorde au royaume jusqu’en 2027, le tournoi Next Gen, une compétition test pour de nouvelles règles et qui regroupe les huit meilleurs joueurs de moins de 22 ans.
« Le PIF continuera à être un catalyseur de la croissance du sport féminin »
Quelques mois plus tard, le PIF récidive. Il devient le partenaire-titre du classement du circuit féminin. L’instance dirigeante du tennis féminin marche ainsi dans les pas de l’ATP Tour. D’ailleurs, les éléments de langage sont les mêmes. « Nous sommes impatients de partager le parcours de nos talentueuses joueuses tout au long de la saison, alors que nous continuons à développer le sport, à créer plus de fans de tennis et à inspirer plus de jeunes à se lancer dans ce sport », commente Marina Storti, PDG de WTA Ventures. « Grâce à son partenariat avec la WTA, le PIF continuera à être un catalyseur de la croissance du sport féminin », estime pour sa part Mohamed Alsayyad, responsable du marketing et de la communication au sein du PIF. « Ce partenariat s’inscrit dans notre ambition d’élever le jeu et d’apporter une croissance positive au sport dans le monde entier. »
Le dessein de l’Arabie saoudite sur le sport n’est même pas caché. Il s’inscrit dans une volonté de changer son image, pour attirer les investisseurs et les touristes, essentiels à la réussite de son vaste programme de réformes économiques et sociales baptisé « Vision 2030 ». Il a été conçu pour préparer le premier exportateur mondial de pétrole brut à continuer de prospérer après la fin de l’exploitation de ses réserves pétrolifères.
Certaines réformes sont survenues en Arabie saoudite. Les femmes ont obtenu le droit de conduire ou le droit à l’éducation sans devoir, au préalable, obtenir la permission d’un tuteur masculin. Toutefois, les mouvements féministes y sont toujours sévèrement réprimés. Mais il est difficile d’ignorer le sort infligé à celles qui s’érigent en porte-parole de la cause féminine. En janvier, Manahel al-Otaibi a été condamnée à 11 ans de prison pour avoir critiqué sur les réseaux sociaux les lois sur la tutelle masculine et le port de l’abaya. Riyad affirme que le verdict, qui n’a été rendu public que le mois dernier, concernait des « infractions terroristes sans aucun rapport avec l’exercice de sa liberté d’opinion et d’expression ».
Cela dit, il sera intéressant de voir comment cette prise de contrôle larvée du tennis va continuer. Avec l’unification prochaine des circuits masculin et féminin ? Elle changerait radicalement la face du tennis mondial. L’idée d’une fusion flotte dans l’air depuis plusieurs années. Mais elle signifierait aussi qu’une partie des dirigeants actuelles de l’ATP et de la WTA devraient abandonner une partie de leur pouvoir comme dans toute fusion qui se respecte pour se ranger sous la bannière du « PIF Tour ».