Antoine Tremblot, fondateur et directeur de création de l’agence Leroy Tremblot, revient sur la notion de naming et les points essentiels pour la réussite d’un naming dans une compétition sportive. Entre la Transat Jacques Vabre et La Route du Rhum – La Banque Postale, il a choisi son camp.
La 10e édition de la Transat Jacques Vabre s’élance ce week-end. Quel regard portez-vous sur le naming de cette course transatlantique ?
C’est une compétition qui fonctionne très bien avec un partenaire largement accepté par les médias et les compétiteurs. Le nom du namer est gravé à tout jamais. La persévérance et la durée finissent toujours par payer. La réussite de cette association va jusqu’à presque interdire à Jacques Vabre de parrainer un autre événement sportif.
Plusieurs contrats ont fait la Une ces derniers mois. Sommes-nous entrés dans l’ère du naming ?
Loin de là. On a l’impression que le naming est une expression récente et moderne. Or, le naming existe depuis plusieurs décennies. Les premiers namings sont apparus dans la voile, les équipes cyclistes et les sports mécaniques. Pour les épreuves à proprement dit, il y avait le Challenge Martini créé en 1953, une compétition d’escrime et de fleuret qui porte aujourd’hui le nom de Challenge International de Paris. Le Trophée Lancôme a été une très grande compétition de golf de portée internationale. On peut aussi citer la Solitaire du Figaro dont le journal est le sponsor depuis 1980 mais qui précédemment s’appelait la Course de l’Aurore, organisée par le journal éponyme. Parmi les plus vieux naming, il ne faut pas oublier la passerelle Dunlop des 24 heures du Mans. Elle est présente sur le circuit depuis la première édition de 1923. C’est un naming descriptif dans une épreuve mais c’est du naming quand même.
Comment s’inscrit le naming dans les compétitions sportives ?
Je perçois aujourd’hui deux grandes familles autour du naming. Une première autour des entreprises qui créent un événement, une compétition qui portent leur nom et qui décident de s’investir dans un projet marketé avec les instances sportives. C’est le cas de la Danone Nations Cup, compétition internationale de football organisée par le groupe Danone depuis 2000. La seconde famille est celle des marques qui proposent ou tentent d’associer leur nom à une épreuve légendaire comme par exemple la Route du Rhum – La Banque Postale qui à mon sens, est un échec.
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. Le nom Route du Rhum La Banque Postale est beaucoup trop long. Pour être efficace et relayé par les médias, il faut aller vers des raccourcis pas de longueurs. La course aurait pu s’appeler La Route Banque Postale, le résultat aurait été différent, mais le mythe et la légende auraient disparu et la Route du Rhum aussi. Par ailleurs, sur le plan de l’identité visuelle, le logo est mal marketé, mal composé, mal construit et mal exécuté. Il n’y aucune passerelle entre les deux identités. Un logo incrusté dans un autre logo ne peut garantir aucune visibilité à la marque partenaire sans un travail rigoureux et sans une certaine réflexion. Autre élément qui participe à l’échec de ce naming : l’aspect de légende de la course. La Route du Rhum est un événement historique depuis 20 ans. On l’appelle Route du Rhum et on continuera à l’appeler le Rhum sur les pontons. Un nom trop long qui s’exprime avec un signe illisible pour identifier un événement historique, cela ne peut pas fonctionner. Il faut faire des choix.
Que préconisez-vous ?
Il faut que sa dénomination commence par la marque partenaire : Evian Master, Danone Nations Cup, Renault Roadshow etc
Il faut se différencier, ne pas faire comme les autres et définir des objectifs sur du long terme. Il sera toujours préférable de créer une compétition de toutes pièces plutôt que de parrainer un événement historique en tentant de lui accoler le nom d’une marque. Concevoir une identité graphique simple et impactante. Celle de l’Evian Masters dont la golfeuse en jupe se fond dans un décor de montagne est une réussite esthétique et efficace. Elle se mémorise vite et bien en communiquant sur les valeurs de la discipline. Elle réunit tous les atouts en étant graphiquement très synthétique. Par ailleurs, quand une marque investit dans une compétition, elle n’est pas sur son territoire d’expression. La marque doit raconter une histoire qui justifie sa présence. Elle doit s’approprier la communauté de valeurs et l’exploiter dans sa communication.
Quels sont les indicateurs de réussite d’un naming ?
La reprise du nom du namer dans l’ensemble des citations. Le nombre de participants à l’événement. La possibilité de revendre à d’autres partenaires le droit de citer votre nom dans leur communication. Benetton l’a fait en F1 en vendant des emplacements à d’autres marques. Les namings pratiqués par des collectivités ou des régions comme le Vendée Globe, ou la Barcelona World Race en sont une illustration avec de très bons retours médiatiques et économiques pour leur région.
Pascale Baziller