Il a couru nu dans les rues de Paris pour faire sa pub. Perche à la main, Romain Mesnil a réussi son buzz. Lâché par son principal commanditaire, Nike, l’athlète de 31 ans a décidé de mettre en vente son image aux enchères sur Internet ! Mais où va l’athlétisme ?
Le terme est arrivé pour le lot réservé aux entreprises. Non sans mal. La recherche de partenaires de Romain Mesnil sur le site d’enchères eBay a vite dérapé, atteignant des millions d’euros. Fictifs, malheureusement. Le perchiste a décidé de les faire repartir de zéro et d’instaurer un système de pré-approbation pour les enchérisseurs deux jours avant le terme de l’échéance. L’enchère s’est arrêtée à 16.100 euros pour un contrat de parrainage entre le 1er juin et le 31 décembre 2009. Elle a été remportée par On Vous Héberge, une société informatique, basée à Roubaix, et qui se présente comme le numéro 1 de l’hébergement en France, le numéro 2 en Europe avec sept millions de sites Web. Le logo OVH figurera donc sur un espace de 30 cm2 sur la poitrine de Mesnil. OVH partagera le maillot de l’athlète avec l’Association pour la recherche contre les tumeurs du cerveau (ARTC) et Un maillot pour la vie, grâce à l’enchère remportée par un particulier pour 7.550 euros.
Quand je me suis retrouvé sans sponsor, je n’étais pas à la rue car j’ai la chance d’avoir un club mais je me suis dit : Il y a l’opportunité de faire quelque chose de marrant, a expliqué le Français à l’occasion de la mise en place de son opération de communication. L’esprit ce n’est pas d’être prêt à tout pour avoir un sponsor. Ce n’est pas réellement l’objectif. On le fait et on verra bien ce que ça donne. Reste que le nouveau partenaire ne remplacera pas le contrat de 40.000 euros estimé avec Nike à la belle époque. Le nouvel accord est même inférieur à la dernière proposition de Nike (25.000 euros) formulée à l’automne dernier. Ultime paradoxe : l’enchère maximale qu’OVH était prêt à débourser était de 51.000 euros. A défaut de concurrents, le sponsor économise les deux tiers de son budget !
L’important, c’était l’idée, pas le prix, or ç’a marché, a confié Mesnil. On a bougé les choses. Lesquelles ? Avec cette histoire, un nouveau modèle de sponsoring se dessine peut-être, estime Loïc Yviquel, patron de l’agence marketing Sportlab Group, qui a soutenu l’opération de Mesnil. De toute manière, il serait faux de comparer le contrat Nike et le nouvel accord. On ne peut pas comparer ces 16.100 euros avec ce que me proposait Nike parce que ce contrat ne porte que sur six mois et qu’il inclut une seule opération de relations publiques, alors qu’on en fait cinq ou six avec un partenaire traditionnel, indique Romain Mesnil.
Loïc Yviquel : Le marché du sponsoring est aussi un marché d’offre et de demande
Faut-il alors parler d’athlète déclassé ? La valeur d’un athlète répond à une logique de marché et nous ne nous fions pas aux enchères d’eBay pour la déterminer, répond Sophie Kamoun, directrice de la communication de Nike, dans L’Equipe. Je trouve juste dommage que les journalistes parlent plus de Romain parce qu’il se balade nu dans les rues que quand il fait deuxième aux Mondiaux. Même sentiment chez Loïc Yviquel qui regrette qu’il suffise de se mettre à poil et de courir dans Paris pour faire parler de soi.
Quel enseignement faut-il tirer de cette première ? Le coup tenté par Romain Mesnil a permis de faire émerger des projets, estime Loïc Yviquel. Il ne faut pas avoir peur de faire bouger les lignes. Selon lui, et de manière plus anecdotique, l’opération a démontré qu’eBay n’était pas adapté à ce type de problématique. Faut-il alors inventer une place de marché des sportifs ? Et par là-même, quelle serait la place du conseil dans ce type de démarche ? Sans répondre à la question, le dirigeant de Sportlab note que le marché du sponsoring est aussi un marché d’offre et de demande. C’est même bien souvent un marché de négoce avant d’être un marché de conseil. Un discours volontiers provocateur. Dès qu’on parle d’enchères, il y a un côté péjoratif, estime Loïc Yviquel. Nous, à Sportlab, nous aimons faire bouger les lignes. On aurait pu employer l’expression appel d’offres pour situer l’opération à un autre niveau.
Le vice-championn du monde 2007 de la perche a cassé un carcan. Qui sera le prochain à tenter sa chance ? Car l’athlétisme ne vit pas une époque dorée. Pour la plupart des athlètes qui ont renégocié leur contrat de sponsoring cet hiver, il a été revu à la baisse ou ils l’ont perdu. Les organisateurs de meeting ressentent aussi la baisse du sponsoring, indiquait Mesnil il y a quelques semaines. Pensait-il à Christine Arron, autre figure de l’athlétisme français, qui a également perdu son équipementier (Asics) ? Le niveau des enchères atteint correspond à l’état du marché, estime Loïc Yviquel. La situation de Romain est malheureusement représentative de l’état de l’athlétisme en France. Un certain nombre d’acteurs se sont retirés (NDLR : Caisse d’Epargne, Gaz de France). Certains finalistes olympiques perçoivent le RMI. Et de s’interroger : Les valeurs de l’athlétisme qui sont l’effort et la répétition des gammes sont-elles en rapport avec celles de notre société ?
La plus belle des réussites de cette opération se trouve peut-être dans la naissance d’un partenariat à plus long terme. OVH entend s’engager au-delà des six mois initiaux. C’est le début d’une histoire, confie Octave Klaba, directeur général d’OVH. L’histoire d’OVH démontre le potentiel existant sur le marché français, remarque Loïc Yviquel. Il y a une démarche d’éducation à faire auprès de toutes de ces PME qui réalisent un chiffre d’affaires de 10 millions mais qui jugent le marketing sportif comme inaccessible.
S’il entend continuer d’être innovant dans sa communication, Romain Mesnil l’a pourtant promis : Courir nu dans la rue c’est fini pour moi, maintenant il faut passer à autre chose.