Pendant que la NBA démarre sa saison et cherche de quelle façon mettre fin à la polémique avec la Chine à la suite d’un tweet d’un dirigeant des Houston Rockets, un autre pilier du sport américain traverse une tempête qui ne dit pas son nom. L’Etat de Californie vient d’approuver une loi autorisant les sportifs universitaires à exploiter leur image et, ainsi, à être rémunérés, à partir de 2023. La puissante NCAA (National Collegiate Athletic Association’s), qui gère les principaux championnats universitaires américains, n’a pas encore dit son dernier mot.
Encore une fois, l’Etat de Californie joue les pionniers pour réformer le système américain. Le gouverneur Gavin Newsom a signé le texte, voté par le Congrès de l’Etat plus tôt cette année, autorisant les athlètes universitaires à exploiter leur image, pouvant ainsi être sponsorisés. La loi ne s’applique qu’à cet Etat. Mais comme la Californie est l’un des Etats les plus riches des Etats-Unis et qu’il compte quelques-unes des meilleures équipes universitaires du pays, en basket et en football américain notamment, comme UCLA, Stanford ou USC, le texte pourrait pousser d’autres Etats à franchir le pas. Plusieurs doivent d’ailleurs se prononcer prochainement sur des projets de loi similaires, comme l’Etat de New York, l’Illinois, la Caroline du Sud et la Floride.
«C’est le début d’un mouvement national, qui transcende les frontières géographiques et partisanes, affirme le gouverneur de Californie. Les athlètes universitaires risquent tout, leur santé, leurs possibilités de carrière et des années de leur vie en jouant pour des universités qui les empêchent d’en retirer le moindre dollar.»
Pas de rémunération pour les joueurs malgré des recettes considérables
Jusqu’ici, les joueurs universitaires ne pouvaient pas être rémunérés, hormis la prise en charge de leurs frais de scolarité et d’hébergement par des bourses. Or, le sport universitaire génère des enjeux colossaux. En 2012, par exemple, ESPN avait déboursé 7,2 milliards de dollars pour la retransmission, sur douze ans, des phases finales des compétitions de football américain universitaire. Pour le basket, CBS et Turner paient plus d’un milliard de dollars par saison. Certaines équipes disposeraient de budgets annuels de plusieurs centaines de millions de dollars. Les matchs sont suivis par des millions de téléspectateurs à travers le pays. Ce n’est pas pour rien que la phase finale du championnat de basket universitaire en mars est surnommée la «March Madness» («la folie de mars»). Avec cette nouvelle loi, les jeunes athlètes pourront négocier des contrats avec des marques et ainsi profiter de leur notoriété. Ils pourront aussi travailler ouvertement avec un agent, autant de cas interdits par l’amateurisme défini par la NCAA.
Pour certains, il ne s’agit là que d’officialiser des pratiques qui existent déjà. Plusieurs marques avaient été montrées du doigt pour avoir offert des «cadeaux» à de jeunes joueurs dans l’espoir de leur faire signer des contrats de sponsoring, une fois sortis du système universitaire. Des agents, des entraîneurs se sont retrouvés poursuivis en justice pour des montages alambiqués (cadeaux divers à l’entourage, etc.) pour attirer les meilleurs talents dans leur université.
Pour la NCAA, une contagion à l’ensemble du pays de la décision californienne serait une révolution et sans doute une remise en cause de son business model. La NCAA interdit aux joueurs universitaires d’être rémunérés, mais elle n’est pas non plus une entreprise de philanthropie… Sur la défensive, elle redoute un véritable casse-tête juridique et annonce de profondes inégalités entre joueurs. «La NCAA reconnaît que des changements sont nécessaires et continue d’apporter son soutien aux étudiants-athlètes, mais ces améliorations doivent avoir lieu au niveau national, à travers les règles de la NCAA, a-t-elle fait savoir. Malheureusement, cette nouvelle loi crée la confusion pour les étudiants-athlètes actuels et à venir, les entraîneurs, les administrateurs, les campus, et pas seulement en Californie.» Pour l’instant, sonnée, la NCAA n’a pas encore précisé si elle allait porter l’affaire devant les tribunaux. Mais le contraire serait étonnant.