Le sport a beaucoup changé depuis 1996 et les derniers Jeux Olympiques d’été à Atlanta. Le sport-business a explosé, la Coupe du monde de football a eu un impact énorme, et les chaînes de télévision sportives se sont multipliées. Le marché français du sponsoring sportif a-t-il connu la même évolution ? Pas vraiment.
En 1996, le marché français du sponsoring sportif était évalué à 3 milliards de Francs. Plus de deux tiers des investissements étaient réalisés par des groupes étrangers. Qu’en est-il aujourd’hui ?
1. L’investissement est stable
Si aucune étude exhaustive n’existe en France du fait de l’opacité des contrats (les sponsors ne révèlent que rarement le montant de leur apport), il semble que le marché global n’a pas progressé. L’investissement des entreprises françaises en sponsoring est évalué à 600 MF pour l’année 1998 hors Coupe du monde de football. Ce montant, qui englobe les investissements réalisés à l’étranger, est stable. Selon l’Union des Annonceurs, le sport a repris à la culture son rôle de leader sur le marché du sponsoring : 63% des entreprises françaises mènent ou ont mené une action de parrainage dans le sport, contre 52% dans la culture et 42% dans les oeuvres humanitaires et sociales. Le sport a donc seulement repris quelques “parts de marché” à la culture et à l’humanitaire; pas de quoi pavoiser…
2. Peu d’effet Coupe du monde, pas d’effet Festina
Le montant des contrats n’a pas davantage progressé. On peut toujours en 1999 s’offrir pour à peine 3 MF un an le parrainage-maillot d’une équipe de football solidement implantée en D1 : tel est le montant du contrat liant Nouvelles Frontières au SC Bastia. L’effet Coupe du monde a bien eu lieu, mais il n’a pas perduré. De même, le désinvestissement massif des sponsors cyclistes que l’on redoutait après l’affaire Festina ne s’est pas produit. Au contraire, Bonjour et Jean Delatour feront leur apparition dans le peloton cette année.
Cette stagnation du marché s’explique par la longueur des contrats signés (plusieurs années) et par le manque de visibilité sur le retour sur investissement du parrainage sportif; de ce point de vue, rien n’a changé. Mais elle s’explique également par la faible corrélation entre l’image du sponsor et celle de l’événement, de l’équipe ou du sportif auquel il est associé. Une étude publiée cette semaine (commandée par le CNOSF et réalisée par l’agence SportLab) confirme cette impression. Selon cette enquête, l’image du sport est peu affectée par le dopage et l’argent. Le sponsor risque gros en terme d’image (Festina en sait quelque chose), mais ne bénéficie pas forcément d’un report d’admiration de la part du public en cas de victoire. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que Nike, Adidas et Reebok ont réduit leurs contrats personnels.
3. Le poids des sponsors a baissé
En 1996, les sponsors apportaient 20% du budget des clubs de football de D1, soit à peu près autant que les télévisions (25%). Aujourd’hui, les droits TV représentent 50% des recettes des clubs, alors que les sponsors représentent toujours 20%. La voix des sponsors est beaucoup moins forte au sein des clubs, et les privilèges qui leur sont accordés sont moins nombreux. En ce qui concerne les contrats personnels, la tendance est la même. Les principaux équipementiers ont réduit – pour faire face à la crise asiatique – leurs dépenses dans ces contrats à la rentabilité incertaine. Ils pèsent aujourd’hui moins lourds dans le revenu des sportifs que les employeurs directs. Historiquement, la situation était inverse.
4. Seuls les gros sponsors sont visibles et reconnus
Les partenaires du sport les plus fidèles ont été largement récompensés lors de la Coupe du monde de football. La notoriété assistée (à ne pas confondre avec la notoriété spontanée) de Coca-Cola et Adidas a franchi le cap des 60%. C’est un score tout-à-fait étonnant, qui fait rêver bien des marques de produits de consommation courante. Mais pour bien des sponsors, cette réussite de quelques uns est un arbre qui cache la forêt. Un investissement massif sur plusieurs années est nécessaire pour atteindre des tels résultats, sans pour autant les garantir. Opel est l’une des marques les plus visibles à la télévision, grâce à ses partenariats avec le PSG, l’équipe de France de football, plusieurs grands clubs de football européens, ou encore la tenniswoman Martina Hingis. Pourtant, la marque n’apparaît pas dans le hit-parade des sponsors les plus reconnus, pas même lorsque l’on limite le champ d’étude au football.
5. L’avenir
Même la Coupe du monde de football n’a pas réussi à développer le marché français du sponsoring sportif. Pourtant, tout porte à croire que ce marché va exploser dans les années à venir. Les organisateurs d’événements n’ont jamais été aussi professionnels. Les offres faites aux sponsors sont désormais claires et cohérentes : on passe d’un système de “coups de coeurs” à un système d’investissements rationnels. Les innovations technologiques permettent d’optimiser la visibilité des sponsors et de démultiplier les contrats : on entre dans l’ère de la publicité virtuelle. Enfin, le développement considérable des programmes sportifs à la télévision, lié à l’explosion du numérique, va drainer un nouveau marché. De plus en plus de sports, de sportifs et d’équipes auront une couverture télévisuelle à proposer à leurs sponsors : le montant des contrats devrait augmenter de façon significative. Quant à l’apport d’internet, il sera progressivement sensible à trois niveaux. D’une part, le web proposera de nouveaux espaces de visibilité. De l’autre il complètera l’offre télévisuelle pour les sports les moins médiatiques, offrant à ces derniers une brèche pour séduire des sponsors. Enfin et surtout, internet offre ce qui fait le plus défaut au sponsoring sportif classique : une mesure du taux de retour. Entre publicité virtuelle, télévision numérique et internet, le sponsoring sportif français devrait changer de visage… et d’envergure. Mais paradoxalement, le principal moteur du marché du sponsoring sportif en France au cours des prochaines années pourrait être des plus archaïques. Le gouvernement s’apprête à entériner une mesure permettant aux entreprises de déduire de leurs bénéfices leurs dépenses en sponsoring faites auprès d’associations. Cette disposition fiscale, qui existe déjà pour le mécénat, convertit en dons des dépenses qui étaient jusqu’alors considérées comme des charges. Il suffisait d’y penser…
LES VAINQUEURS DE LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL
Selon une étude de Médiamétrie, les 16 principaux sponsors du Mondial ont été vus au moins une fois par 98,1% des Français de 4 ans et plus.
Selon Démoscopie, 7 groupes figurent parmi les sponsors les plus reconnus, avec une notoriété spontanée qui dépasse aujourd’hui 10% (avant la Coupe du monde, seuls 2 sponsors dépassaient ce seuil : Coca-Cola et Adidas). Notoriété spontanée en France des 7 groupes :
– 1. Coca-Cola – 42%
– 2. Adidas – 36%
– 3. France Télécom – 23%
– 4. Crédit Agricole – 20%
– 5. Nike – 19%
– 6. La Poste – 16%
– 7. Mc Donald’s – 15%