Avec Dominique Jubert, nous abordons ce mois-ci l’identité visuelle des tournois du Grand Chelem en tennis. A quelques jours du début de l’Open d’Australie, le directeur associé de l’agence Leroy-Tremblot évoque les particularités.
Dans quelques jours débutera lOpen dAustralie à Melbourne. Quelle est la particularité de ce tournoi en termes didentité ?
Parmi les quatre tournois du Grand Chelem, on peut distinguer deux familles, avec des cultures et des approches identitaires différentes. LOpen dAustralie et lUS Open sont fortement tournés vers une exploitation très sport business de leur identité à limage des sports US. Cela confère une identité plutôt moderne mais assez froide. Sur lOpen dAustralie, les marques partenaires sont traitées en quadrichromie dans leur code couleur (Kia en rouge et noir, ANZ en bleu et noir). Le logotype du tournoi est fortement représenté sur les courts (silhouette noire dun tennisman sur un fond de soleil couchant) tout comme lidentité de la ville de Melbourne où se déroule la compétition. Il y a une forte théâtralisation de cette identité dans un univers coloriel bleu. Celle-ci est renforcée par les jeux de lumière lors des sessions de nuit ou lors de la fermeture du toit ainsi que par lutilisation des LED en deuxième niveau de panneautique. Wimbledon et Roland Garros sont des tournois plus emprunts de tradition dans leur traitement identitaire. Cela nempêche pas Roland-Garros davoir développé un cadre dexploitation moderne de sa marque en intégrant les partenaires dans un code fort aux valeurs historiques du tournoi. Il y a une identité Roland-Garros et une identité Wimbledon. Elle paraît plus floue pour les deux autres tournois.
Des codes qui se distinguent dun tournoi à lautre ?
En effet. En premier lieu, les tournois australiens et américains se disputent sur des surfaces synthétiques à la différence des tournois français et anglais qui se jouent sur des surfaces naturelles qui ont leurs particularités et leurs contraintes liées aux aléas météos. Sur les courts de Roland-Garros, les 9 partenaires officiels sont traités en bichromie (fond vert et lettrage noir), ce qui participe fortement à lidentité et à lélégance du tournoi. Identité renforcée par le fait que le code couleur du parrain officiel (BNP Paribas) est lui aussi à dominante verte. Paradoxalement, la marque Roland-Garros est très peu présente sur les courts.
Cela conduit-il à des ajustements pour certaines marques ?
Oui et non car cest plus une question de perception de la marque par rapport à son environnement corporate. Un exemple intéressant pour illustrer cette différence de code est celui de Lacoste partenaire de Roland-Garros et de Melbourne sur les mêmes emplacements : les chaises des juges de ligne. Sur le tournoi français, la marque saffiche sur fond vert pale, en typographie noire ou avec le crocodile en quadrichromie suivant les cotés des chaises. En revanche, sur le tournoi australien, Lacoste sexprime sur un fond blanc ou bleu. Si le blanc et le vert font partie des codes Lacoste, cela est moins vrai du bleu. Il serait intéressant danalyser limpact identitaire du fond de couleur sur la perception de la marque. Au-delà de cet aspect, sur chaque tournoi, ce qui importe cest la qualité de lemplacement de la marque.
Quels sont ces principaux emplacements ?
Il y a schématiquement deux dispositifs de visibilité pour les marques sur les courts de tennis. Premièrement les bâches de fond de court qui sont réservées au partenaire principal du tournoi comme KIA sur lAustralian Open ou BNP Paribas sur les Internationaux de France. Lemplacement est qualitatif dans la mesure où les déplacements caméras sont faibles pendant toute la durée de léchange. Il est intéressant de noter que sur le court central de lOpen dAustralie, la hauteur du mur de fond de court permet de découper intelligemment lespace en deux zones de visibilité pour le même partenaire, lune à hauteur du sol et lautre à hauteur dépaule. Lautre dispositif se situe aux quatre coins du terrain ainsi que sur les panneaux latéraux, de part et dautre et en face de la chaise arbitre.
Le nouveau Roland-Garros devrait amener de nombreux changements ?
Cest incontestablement une opportunité à saisir pour renforcer son attractivité et son positionnement. Si lon remonte dans lhistoire du tournoi, force est de constater que larchitecture des lieux et des courts na pas été conçue au regard du développement de sa médiatisation. Le dispositif médiatique a suivi lévolution des techniques mises en place par les diffuseurs. Il a fallu placer les caméras à des endroits qui nétaient pas prévus initialement pour cela. Le projet du Roland-Garros 2016 devrait permettre danticiper sur les enjeux de médiatisation et de branding du tournoi mais aussi de répondre aux enjeux du tennis de demain en conjuguant tradition et innovation. La tradition peut être traitée avec élégance et modernité.
Pascale Baziller