Fondateur et directeur de création de l’agence éponyme, Antoine Tremblot nous éclaire sur les enjeux du design dans le sport et leur prise en compte par les détenteurs de droits.
À l’occasion de la finale de la Coupe de France de football qui sest déroulée le 14 mai dernier, le public a pu découvrir le nouvel habillage graphique de la Coupe de France. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet signé par votre agence ?
Ce nouvel habillage est le dernier volet du travail identitaire initié par le département marketing de la FFF. Cette dernière a repositionné son offre marketing en s’appuyant sur une refonte de son identité graphique. En premier lieu, elle a retravaillé son logotype pour se doter dune nouvelle image. Son ambition est de faire monter en qualité la valeur des matchs et dans le cas qui nous intéresse ceux de la Coupe de France. Notre travail a ainsi consisté à concevoir un habillage graphique modulable qui ne puisse pas être associé à un club de football en particulier et qui se démarque de celui de l’équipe de France. La particularité de ce look & feel est de pouvoir s’adapter à de multiples configurations. Il a ainsi évolué au rythme des tours de la compétition avec une montée en puissance pour aboutir à la déclinaison présentée au Stade de France. L’objectif était de créer un système graphique s’approchant des grandes compétitions comme la Coupe du monde ou la Champions League et permettre de théâtraliser qualitativement les marques.
La création de valeur serait l’enjeu principal du design ?
Oui, bien sûr. Le design répond à des objectifs de création de valeur. Elles sont de deux sortes : la valeur quantitative et la valeur qualitative. Créer de la qualité va permettre de faire monter en gamme la perception d’un événement, d’un club, d’une équipe
Pour un détenteur de droits, nous allons ainsi travailler sur la refonte ou la création de son identité visuelle, un premier élément tangible de son événement. Le logotype va transmettre la valeur qualitative de la manifestation. C’est la première expression du futur positionnement de sa marque. Lemans FC (ex Muc 72) par exemple a accru sa crédibilité et sa montée en puissance par la refonte de son identité visuelle. Quant à l’objectif de créer de la valeur quantitative qui concerne les annonceurs, il conduit à repenser les éléments identitaires dans un souci de visibilité et d’émergence.
Pouvez-vous nous citer un exemple qui fait encore ses preuves aujourdhui ?
Roland-Garros a créé sa griffe aux alentours des années 1990-93. Un nouveau concept identitaire qui lui a permis de s’affirmer en tant que marque, de fidéliser ses partenaires comme IBM et BNP Paribas ou Peugeot et de se projeter dans un système de licences et merchandising avec la ligne de produits Roland-Garros. Tous ces éléments ont contribué à créer de la richesse et des ressources supplémentaires faisant de Roland-Garros une véritable marque de renommée internationale. Roland-Garros a été précurseur dans ce domaine en termes d’identité graphique.
Quand est-il du marché aujourd’hui ? Les acteurs du sport ont-ils pris la mesure des enjeux du design ?
Aujourd’hui, les détenteurs de droits qui n’ont pas pris le pas, sont à la traîne en termes de notoriété, développement et partenariats. Mais, un certain nombre d’acteurs ont engagé des démarches, des réflexions. C’est le cas de l’ACO, créateur et organisateur des 24 heures du Mans. La FFF a initié des changements identitaires dès 2006. D’autres chantiers sont en cours aujourd’hui comme celui de la Fédération Française de Badminton qui s’est préoccupée de son image, de ses partenaires et de ses membres. Les institutions commencent à comprendre les enjeux de l’identité visuelle pour trouver de nouvelles sources de financement auprès des entreprises privées. Les clubs s’organisent et markettent leur offre en se positionnant sur le qualitatif pour inscrire leurs partenariats dans la durée. Quant aux marques dont l’identité n’a pas été conçue pour être représentée dans le sport, elles prennent conscience que cet univers peut s’avérer un prisme déformant pour leur identité visuelle. D’où la nécessité d’anticiper sur cette contrainte et de faire émerger ou redessiner une identité graphique spécifique.