C’est fait. La Ligue nationale de rugby (LNR) a officiellement lancé sa consultation pour ses droits de diffusion. Comme à chaque négociation, le détenteur des droits escompte une substantielle revalorisation. Le rugby professionnel français a plusieurs atouts à faire valoir auprès des diffuseurs. Mais la balle est désormais dans la camp des diffuseurs.
Si le dossier a été adressé à 80 acteurs (chaînes de télévision, agences de marketing, opérateurs mobiles, etc.), un seul intéresse vraiment la Ligue nationale de rugby (LNR) et les présidents de club : Canal+. Inutile de tourner autour du pot. Le groupe de télévisions à péage est le seul en France à pouvoir répondre aux attentes du rugby professionnel. Et comme il est le seul, la tentation pourrait être grande pour lui de profiter de la situation. Comme en football, le désengagement d’Orange dans l’achat de contenus tous azimuts lui ouvre un boulevard.
Cette saison, la dernière du contrat de quatre ans conclu en 2007, la chaîne cryptée débourse 29 millions d’euros pour la totalité des matches du Top 14. Un montant que les acteurs du rugby professionnel jugent insuffisant. Le Top 14 (NDLR : pour les clubs de l’élite, les reversements de la LNR, comprenant les droits de retransmissions, représentent 12% de leur budget) qui attire les meilleurs joueurs de rugby du monde, ou peu s’en faut, vaut-il réellement seize fois moins que les 465 millions d’euros que déverse Canal+ pour le football et la Ligue 1 ? En réalisant des audiences inférieures de moitié environ au football, le rugby pourrait considérer que non. Mais si le Top 14 est sous-évalué, c’est peut-être aussi parce que la L1 est surévaluée… Aux dires de plusieurs présidents de clubs, Canal+ devrait tripler son engagement. Avec 87 millions d’euros, le Top 14 pulvériserait tous les records alors que le championnat français est déjà économiquement la compétition dominante dans le monde. Une fois n’est pas coutume, c’est la France qui fait la course en tête. Son pendant anglais, la Premier League rugby, n’est valorisée que 22 millions d’euros par an par son détenteur. Le déséquilibre serait si énorme qu’il provoquerait à coup sûr un séisme sur la planète rugby.
Pour entretenir cette illusion, la LNR a opté pour une consultation ouverte qui permettra à tous les opérateurs intéressés de présenter des offres correspondant à leur positionnement et à leur stratégie, en dehors de tout contexte de lots prédéfinis. En clair, ils peuvent proposer ce que bon leur semble. Avec des gardes fous tout de même. Ainsi, il n’est pas possible pour deux chaînes concurrentes de sassocier afin de formuler une offre commune. Ce qui aurait pour effet de limiter la concurrence. Mais même en ouvrant son appel à candidatures aux agences de marketing sportif, la consultation est également ouverte aux intermédiaires ayant pour vocation de commercialiser des droits audiovisuels auprès des diffuseurs indique la ligue, la LNR ne parviendra pas à répondre aux désirs les plus fous des présidents. Président de la LNR, Pierre-Yves Revol souhaite que cette renégociation des droits de retransmission débouche sur une revalorisation significative qui tienne compte à la fois de la croissance du rugby et des efforts fournis par les clubs. A la réception des offres, la LNR se réserve le droit de retenir la ou les propositions les plus intéressantes et d’entamer un cycle de négociation de gré à gré. Ou bien d’organiser un nouveau tour de consultation avec une constitution de lots cette fois.
A l’occasion des précédents appels d’offres, Canal+ a déjà augmenté son financement du rugby professionnel. La chaîne cryptée déboursait 20 millions d’euros en moyenne par an au milieu des années 2000. Certes l’affluence dans les stades est en progression constante avec 13.577 spectateurs en moyenne en 2009-2010, +40% en quatre saisons, mais Canal+ doit également veiller à ne pas envoyer un mauvais signal au football dont l’appel d’offres devrait être lancé d’ici la fin de l’année.
Tous les postulants doivent en tout cas rendre leur copie avant le 28 janvier. Mais la LNR ne donne pas d’échéance pour le résultat final. Toutefois, les candidats sont avertis. Ils seront engagés financièrement jusqu’au 27 avril, à 18 heures.
Près de 32 millions d’euros cette saison
Canal+ boucle un bail de quatre ans. La chaîne a versé en moyenne 26 millions d’euros par saison. Le contrat a démarré à 24 millions d’euros en 2007-2008 pour grimper à 29 millions cette saison. France Télévisions paye 725.000 euros pour chaque finale du Top 14. Le service public diffuse aussi la Pro D2 avec Sport+ (100.000 euros par an en tout). Tandis que pour les droits mobiles, Orange verse 1 million d’euros par saison à la LNR.