Le marché des transferts a fermé ses portes le 30 juin à minuit. Le syndicat de joueurs de rugby Provale dresse une liste officielle de 60 professionnels au chômage, contre 35 en 2008. Jamais le rugby professionnel n’avait connu une aussi forte hausse. Et le chiffre n’est pas encore définitif.
Nicolas Jeanjean (28 ans, 9 sélections en équipe de France), Julien Brugnaut (27 ans, 2 sélections), Mohammed Dridi (26 ans, 3 sélections en France A). Le CV quelques joueurs de rugby professionnel à la recherche d’un club neuf jours après la clôture de la période des mutations est impressionnant. Avec une hausse de 30,1% de chômeurs supplémentaires par rapport à la saison dernière, le rugby professionnel français est frappé de plein fouet par la crise économique. Le chiffre de 60 chômeurs avancé par Provale serait même inférieur à la réalité puisqu’il ne prend pas en compte ceux qui ont préféré rejoindre un club amateur ou ceux qui ont refusé de figurer sur cette liste.
Deux matches sont prévus pour que ces chômeurs puissent s’illustrer et retrouver un club. Une extension jusqu’à septembre sera mise en place pour les chômeurs inscrits sur la liste officielle de Provale.
Les clubs sont victimes de la baisse des budgets de leurs partenaires alors que le sponsoring est l’une des principales sources de revenus des clubs. Au contraire du football où la manne des droits de retransmissions amortit les effets de la crise. Certains anticipent aussi une baisse prochaine de leur partenariat. Avec des recettes en moins, les clubs cherchent à faire des économies et par répercussions, les joueurs en font les frais. Perpignan, le nouveau champion de France, a déjà annoncé un budget en baisse (de 12,7 à 12 millions d’euros). Et Toulon, qui augmente le sien d’un million, fait figure d’exception. La plupart des clubs ont choisi de diminuer leur masse salariale. Et l’une des techniques consiste à réduire le nombre de joueurs sous contrats. Pour la saison à venir, le nombre de contrats professionnels par club devrait être inférieur à 30, alors que la limite autorisée leur permet d’aller jusqu’à 33 contrats. Forcément, cela fait de la casse. Mais dégraisser ne suffit pas toujours. Les clubs ont aussi rogné sur les salaires. Pour un joueur médian, le salaire mensuel serait passé de 10.000 euros à 7.500 euros ! Dans le journal L’Equipe, Provale relate même l’exemple d’un joueur dont la rémunération aurait plongé de 18.000 à 9.000 euros ! Si l’exemple est excessif, il peut également symboliser la fin d’une époque. Celle où les clubs ne regardait pas à la dépense, offrant des ponts d’or à des joueurs moyens. Le marché va se purger en quelque sorte.
Si les internationaux confirmés ne souffrent pas et si les rémunérations offertes restent confortables – par rapport à un salarié lambda -, la situation actuelle est en revanche inquiétante pour ceux qui n’ont pas préparé l’après rugby. Provale tire le signal d’alarme. Le niveau d’études et de formations des joueurs de rugby professionnel baisse. Une vraie surprise. On était à Bac +2 entre 2000 et 2004, mais la tendance est à la baisse, précise Gaël Arandiga, le directeur de Provale. Son président livre même un pronostic sombre en misant sur des carrières de plus en plus courtes du fait de la hausse du chômage et par la multiplication des blessures traumatologiques. Les meilleurs feront peut-être dix ans, les moyens cinq ans et les plus faibles peut-être deux ans, anticipe Sylvain Deroeux.
Après des années de croissance, le rugby professionnel semble entamer une nouvelle ère. Celle où les clubs, surveillés par la DNACG, se montrent plus regardant sur la qualité des joueurs engagés et sur ses dépenses. Celle aussi où les joueurs vont devoir adopter de nouveaux réflexes en anticipant une fin de carrière prématurée.