TNT, ADSL, téléphone mobile… Pas de doute, la télévision fait sa révolution. Alors que les cartes promettent d’être redistribuées par l’introduction de nouveaux acteurs, TF1 amorce ce changement par un profond renouvellement de ses équipes. En attendant de revoir sa programmation. Et si TF1 arrêtait de diffuser du sport ?
Non, TF1 ne va pas arrêter la diffusion des rencontres de l’équipe de France. Malgré son élimination précoce de l’Euro 2008, l’équipe de France est une star de la chaîne qui n’a jamais déçu son diffuseur (sauf durant la Coupe du monde 2002, peut-être). Il n’empêche, les contrats mirobolants contractés par la chaîne pour acquérir les plus grandes compétitions de football font grincer les dents de certains analystes financiers, qui conseillent à TF1 de réduire à l’avenir son budget consacré aux programmes sportifs. Le contrat actuel entre TF1 et les Bleus sélève à 45,35 millions d’euros par an (contre 27 millions d’euros annuels lors du précédent accord) et court encore jusqu’en 2010. Les liens sont très étroits entre la Une et les Bleus, au point que la chaîne a également contracté avec la Fédération française de football (FFF) un accord de sponsoring de 2,5 millions d’euros par an, toujours jusqu’en 2010. La chaîne est donc non seulement le premier client de la FFF mais aussi l’un de ses principaux partenaires. Excellent pour l’image, moins pour les finances…
Des accords qui courent jusqu’en 2014
Toutefois, un désengagement du sport ne pourrait intervenir avant 2014. La Une est engagée financièrement jusqu’à cette date pour la retransmission de la Coupe du monde de football 2010 (qui aura lieu en Afrique du Sud) et de celle de 2014 (Brésil), dont elle avait acquis les droits en même temps pour 250 millions d’euros (respectivement 120 millions d’euros pour le Mondial 2010 et à 130 millions d’euros pour 2014). TF1 a également acheté la prochaine édition de la Coupe du monde de rugby, en 2011, qui était vendue en même temps que l’incontournable Mondial 2007 en France. Facture globale : 80 millions d’euros, dont 48 millions affectés à l’édition 2007. TF1 devrait rester pour quelques années encore la chaîne des grands événements sportifs comme elle aime à se définir.
Pleinement satisfaite des audiences de la Formule 1 le dimanche après-midi – entre 3,5 et 4 millions de téléspectateurs en moyenne -, la chaîne, là encore, ne paraît pas devoir se désengager à court terme. TF1 détient un accord jusqu’en 2011. Mais les droits de retransmissions sont progressifs. Ils atteindraient 40 millions d’euros pour la dernière année, alors qu’ils étaient de 23,5 millions d’euros en 2003. Les performances du constructeur national, Renault pour ne pas le citer, ne sont pas des plus brillantes et un pilote français de premier plan fait défaut. De plus, la F1 semble attirée par l’Asie et ses horaires de diffusion moins favorables (sauf à courir la nuit). Rien n’empêche donc d’imaginer que la prolongation de la F1 au delà de 2011 ne tombe pas sous le sens…
Argument supplémentaire en faveur des détracteurs des dépenses excessives en matière de droits sportifs : TF1 a prouvé cette année qu’elle pouvait maintenir une émission emblématique comme Téléfoot au sommet de l’audience sans détenir les images ni de la Ligue 1, ni de la Coupe de France, ni de la Coupe de la Ligue ! La Une sest appuyée sur les images de la Ligue des champions et de l’équipe de France, dont elle détient les droits, ainsi que sur un accord avec Canal + pour les images du championnat anglais. Pour le reste, TF1 a utilisé le droit à l’information qui lui a permis de diffuser de courts extraits de la L1. Une petite révolution !
Vous l’aurez compris, tous les éléments sont réunis pour inciter TF1 à réduire, voire couper ses dépenses sportives. Les analystes financiers ont passablement malmené l’action du groupe depuis quelques mois : l’action TF1 évolue sous la barre des 12 euros, soit un plus bas depuis octobre 1998; en un an, l’action a perdu 57% de sa valeur. Ils verraient d’un bon oeil que la chaîne cesse d’investir autant d’argent dans les manifestations sportives qui sont toujours déficitaires.
Les marchés financiers demandent à TF1, qui a en Europe la part de marché publicitaire la plus importante (56% en 2007), plus de rentabilité alors que la chaîne présente, pour 2007, une marge nette de 8,2% pour un chiffre d’affaires de 2,76 milliards d’euros. Les coûts de TF1 ne sont pas rationnels et sont significativement plus élevés que ses comparables cotés attaque la Deutsche Bank. Deux postes en particulier sont visés : l’information et le sport. Aucune autre chaîne européenne ne diffuse et ne dépense autant dans le sport, attaque JP Morgan. Or, il est de notoriété publique que les droits sportifs ne sont pas rentables s’ils sont financés uniquement par la publicité. Les Anglo-Saxons ne sont pas tendres. Si TF1 ou Bouygues s’étaient sérieusement concentrés sur l’amélioration de la rentabilité, ils se seraient désengagés de la diffusion des sports, comme l’ont fait Mediaset (Italie) et Telecinco (Espagne), plutôt que d’accroître leur investissement, assène Morgan Stanley. Pour l’anecdote, la banque n’a pas balayé devant sa porte : elle est actionnaire du Paris SG…
Bref, après avoir attaqué le chantier de l’info, TF1 va-t-elle se lancer dans une remise à plat de ses contrats de diffusion de programmes sportifs ? La chose n’est pas si simple. En tant que leader, TF1 doit continuer à acheter des programmes coûteux : c’est le prix à payer pour maintenir son avance sur ses concurrentes. En abandonnant le sport, TF1 laisserait le champ libre à M6. Lex-petite chaîne qui monte, propriétaire des Girondins de Bordeaux, diffuseur de la Coupe du monde 2006, de l’Euro 2008 et de quelques rencontres de la Coupe de l’UEFA, mise précisément sur le sport pour se donner limage dune grande chaîne généraliste.
Et sur le service public ?
Avec la suppression annoncée de la publicité sur les chaînes du service public, la question des programmes que France Télévisions pourra continuer de financer est posée. Selon un sondage CSA-le Parisien-Aujourd’hui en France, 56% des Français se disent pessimistes quant à l’avenir de la télévision publique.
A la question, parmi les types de programmes suivants, lesquels la télévision publique devrait-elle favoriser en priorité ?, les sondés réclament principalement des programmes d’information (documentaires et reportages pour 51% d’entre eux et journaux télévisés pour 32%) et des émissions culturelles (38%). Les émissions sportives arrivent en cinquième position (22%), à égalité avec les émissions pour la jeunesse, mais devant les séries ou les jeux télévisés.