Même si la diffusion des Jeux olympiques de Pékin en long, en large et en travers a été un succès d’audience pour France Télévisions, l’événement s’est également révélé gourmand financièrement. Les JO de Pékin resteront largement déficitaires pour le service public. Aux Etats-Unis, NBC a, au contraire, réussi à rentabiliser son investissement.
Sortons tout de suite les aérofreins. Vouloir à tout prix équilibrer financièrement une telle opération en plein mois d’août, même pourri sur le plan climatique, avec un tel décalage horaire relève de la gageure. A plus forte raison lorsque les jeux olympiques de Pékin, puisque c’est d’eux dont il s’agit, se retrouvent diffusés sur plusieurs canaux pour un même territoire (France Télévisions, Canal + et Eurosport). France Télévisions n’a donc pas réussi à rentabiliser ses lourds investissements consentis pour Pékin 2008. C’était attendu et le résultat n’étonnera personne. Il n’empêche, le déficit paraît abyssal. Notamment en période de rigueur budgétaire. La diffusion des Jeux, plus de 400 heures de programmes en direct, a brûlé 56 millions d’euros, dont 44 millions pour les seuls droits de diffusion, dans les caisses de France Télévisions alors que les recettes publicitaires ne s’élèvent qu’à quelques millions d’euros.
C’est le revers de la médaille. Côté pile, les retransmissions ont atteint 25,3% d’audience en moyenne, soit 1,4 million de téléspectateurs. Sans surprise, la meilleure audience revient à France 2 avec la diffusion de la cérémonie d’ouverture suivie par 4,992 millions de personnes (contre 3,893 millions pour la cérémonie du clôture sur France 3), soit 48,2% d’audience. Un événement non sportif soit dit en passant. Sportivement, la meilleure audience a été obtenue par l’escrime qui ne déçoit jamais et qui a apporté son lot de médailles (4 dont 2 en or). Le dimanche 17 août, à 13h40, 4,3 millions de téléspectateurs (34% de part d’audience) ont regardé la victoire de l’équipe de France de sabre.
Laure Manaudou a également frappé les esprits. Par voyeurisme ou par curiosité, 3,9 millions de téléspectateurs ont suivi dimanche 10 août, à 14h29, son calvaire en finale du 400 m nage libre. Faute d’avoir réussi à monétiser ses succès, France 2 a gagné 2,6 points d’audience lors des deux semaines de diffusion. La part d’audience de France 3 (15,9% contre 19% pour France 2) a augmenté de 2,1 points. Des gains obtenus au détriment de chaînes comme TF1 et M6 dont les parts d’audience ont reculé dans le même temps.
France Télévisions Publicité n’a communiqué aucun chiffre. Une étude de l’institut Yacast fait froid dans le dos : les JO n’auraient rapporté que 4,4 millions d’euros en cumulant les 1.713 spots de publicité diffusés sur France 2 et France 3… Ces chiffres s’entendent bruts. C’est-à-dire qu’ils sont calculés en fonction des prix affichés des spots de publicité et non selon la facture réellement acquittée par l’annonceur. Et dire qu’à Athènes, France Télévisions avaient engrangé 24,3 millions d’euros de recettes publicitaires. Mais à Athènes, la moitié des épreuves bénéficiaient d’une retransmission en prime-time.
A noter enfin, qu’au cours de cette riche année, les Jeux olympiques s’inscrivent comme le deuxième événement sportif le plus suivi sur le service public. Le Tour de France demeure loin devant : 3,2 millions de téléspectateurs et 37,5 % d’audience. Les Jeux de Pékin devancent le tournoi de Roland Garros dont l’édition 2008 a intéressé, en moyenne, 2,1 millions de téléspectateurs, soit 21% d’audience. Toutes chaînes confondues, l’Euro 2008 demeure l’évènement le plus fort avec 6,3 millions de téléspectateurs sur TF1 et M6.
NBC a rentabilisé son investissement
Etre déficitaire avec la diffusion d’un événement sportif n’est pas une fatalité. NBC prouve le contraire. Le network américain a déboursé une somme record pour obtenir l’exclusivité de la diffusion des Jeux olympiques d’Athènes : 894 millions de dollars (près de 600 millions d’euros). Un montant astronomique que NBC a pourtant réussi à rentabiliser après avoir vendu plus de 1 milliard de dollars d’espace publicitaire au cours des deux semaines de compétition. Certes, le marché publicitaire américain reste incomparable, mais il existe une raison à cette conclusion.
Pour NBC, le Comité international olympique (CIO) peut faire du sur-mesure. La chaîne a obtenu la programmation des finales de natation et de gymnastique, les deux disciplines qui plaisent le plus aux Américains lors des Jeux, le matin à Pékin. Soit en plein prime-time aux Etats-Unis. Avec Michael Phelps décrochant sa huitième médaille d’or en une semaine, NBC a obtenu sa meilleure audience depuis 1990 : 31 millions de téléspectateurs. NBC a non seulement le pouvoir de décider de l’organisation des épreuves aux Jeux – on dit d’ailleurs que la chaîne aurait déjà pris langue avec Londres pour programmer la finale du 100 m en 2012 à 00h00 heure locale, soit 1 heure du matin en France -, mais elle a en plus la baraka. Le défi de Michael Phelps de remporter huit médailles d’or au cours des mêmes jeux olympiques restait un pari avant qu’il ne le réalise. Et puis NBC peut compter sur l’attitude toujours surprenante des téléspectateurs américains. Afin de retransmettre la cérémonie d’ouverture en prime time, la chaîne n’a pas hésité à utiliser le différé. Une faute de goût, mais une prise de risque récompensée par 34,2 millions d’Américains. Plus que pour les jeux d’Athènes (25,4 millions de téléspectateurs).
Pékin_2008 1737 M$
Athènes_2004 1494 M$
Sydney_2000 1332 M$
Atlanta_1996 898,3 M$
Barcelone_1992 636,1 M$
Seoul_1988 402,6 M$
Los_Angeles_1984 286,9 M$
Moscou_1980 88 M$
Montréal_1976 34,9 M$
Munich_1972 17,8 M$
Mexico_1968 9,8 M$
Tokyo_1964 1,6 M$
Rome_1960 1,2 M$