Entreprise d’horlogerie américaine créée en 1892, HAMILTON fait désormais partie du Groupe Swatch. Elle est notamment titulaire de nombreuses marques éponymes, certaines datant des années 1960, pour désigner des produits de la classe 14 (horlogerie). Le champion britannique de Formule 1, Lewis Hamilton, a tenté de déposer une marque à son nom pour commercialiser des produits d’horlogerie. Il a été débouté de sa demande de dépôt de marque après le recours formulé par HAMILTON. L’affaire pourrait rebondir en appel. Explications.
Par Thibault Lachacinski et Fabienne Fajgenbaum, NFALAW, Avocats à la Cour
Septuple champion du monde de Formule 1 (2008, 2014, 2015, 2017 à 2020), Lewis Hamilton a très tôt compris l’intérêt de protéger son nom à titre de marque ; son premier dépôt (non renouvelé entretemps) remonte ainsi à 2006. A partir de 2015, le pilote britannique a relancé sa politique de dépôts et enregistré cette fois une demande de marque verbale de l’Union européenne pour « LEWIS HAMILTON » afin de désigner notamment des « métaux précieux et pierres précieuses, divers articles de bijouterie et d’horlogerie et instruments chronométriques ». Sans surprise, la société HAMILTON s’y est opposée. Aux termes d’une décision du 22 décembre 2021, l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) a accueilli cette opposition pour l’ensemble des produits de la classe 14.
A priori, le fond de la décision semble faire peu débat, s’agissant de deux signes composés du même patronyme (« HAMILTON », plutôt inhabituel pour des publics germanophone, italophone et francophone) et désignant une même catégorie de produits. Pour la Division d’opposition, il en résulte un risque de confusion, c’est-à-dire un risque que le public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.
Le champion de F1 n’a pas bénéficié de la jurisprudence « MESSI »
Se prévalant toutefois du bénéfice d’une précédente décision « MESSI » rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne le 17 septembre 2020, le champion britannique faisait valoir que sa notoriété aurait permis d’exclure toute confusion avec la société horlogère.
Dans cette affaire, en effet, il avait été jugé que la notoriété du footballeur argentin était réputée exister parmi les acheteurs de vêtements et d’articles de sport en raison de l’existence d’un certain lien entre ces produits et le secteur dans lequel le footballeur était connu ; pour cette raison, tout risque de confusion avait été écarté avec la marque antérieure « MASSI ».
Or, la motivation retenue par l’EUIPO pour écarter toute application par analogie de l’arrêt « MESSI » apparaît surprenante. Bien que reconnaissant que le pilote de F1 est une personnalité dans le secteur de la course automobile, la Division d’opposition considère que le monde de la course automobile et le secteur des bijoux et des horloges ne sont pas connus pour être liés d’une quelconque manière et qu’il n’existe pas non plus de preuve que les acheteurs de ces produits connaissent nécessairement des sports tels que la course automobile. Par ailleurs, la décision du 22 décembre 2021 ne nous semble pas pouvoir être suivie lorsqu’elle affirme que « la course automobile ne saurait être considérée comme un sport extrêmement populaire, comme, par exemple, le football ».
Surtout, l’analyse de l’EUIPO est contredite dans les faits par les multiples partenariats conclus entre des marques horlogères et des champions de formule 1, qu’il s’agisse de Jackie Stewart pour Rolex, de Michael Schumacher pour Audemars Piguet, d’Ayrton Senna/Tag Heuer ou encore de Lewis Hamilton avec IWC.
La sévérité de l’appréciation de l’EUIPO nous amène dès lors à considérer qu’un recours ne saurait être exclu. Un champion de l’envergure de Sir Lewis Hamilton ne saurait laisser la pole position à une administration dont la vision ne semble pas avoir vu juste, à la hauteur de sa notoriété. À suivre…