Le RC Lens et l’AS Saint-Etienne se sont associés dans la création d’une chaîne de télévision commune. Si une chaîne dédiée au football n’est pas une nouveauté, la présence sur la même antenne de deux clubs est un cas unique. Mais qu’est-ce qui pousse les clubs de football à vouloir absolument leur chaîne de télévision ?
Mardi 26 septembre, l’AS Saint-Etienne et le RC Lens ont inauguré Onzeo. Une chaîne de télévision au nom étrange, commune aux deux clubs de Ligue 1 de football. Accessible sur le canal 72 du bouquet de base de CanalSat (3,5 millions d’abonnés, et plus de cinq millions après la fusion avec TPS), Onzeo est coordonnée par Jean-Michel Roussier, ex-président délégué de l’Olympique de Marseille (juin 1995-avril 1999). La chaîne partage son antenne entre ASSE TV et RCL TV. L’idée maîtresse étant la maîtrise des coûts. Etre à deux nous permet de partager les coûts et, d’après nos études, aucun club n’est capable de produire assez de programmes pour toute une journée. Le modèle de la chaîne exclusive n’était pas celui que nous souhaitions, a expliqué Vincent Tong Cuong, directeur général de l’AS Saint-Etienne. Disposant d’un budget annuel supérieur à 2 millions d’euros, Onzeo doit diffuser une émission quotidienne d’actualités de 26 minutes, des magazines hebdomadaires consacrées à des séquences d’archives, des plateaux mais aussi la retransmission des rencontres, en différé, des deux clubs. Les téléspectateurs auront également la surprise de retrouver au programme un certain Charles Biétry pour des documentaires.
Outre l’ASSE et le RCL, Marseille, pionnier du genre en France en 1999, et l’Olympique Lyonnais disposent également de leur propre chaîne de télévision. Le Toulouse FC bénéfice d’un accord avec Télé Toulouse (TLT), télévision locale, qui diffuse des programmes consacrés au club toulousain. Si on ajoute la diffusion de rencontres des Girondins de Bordeaux sur l’antenne de W9, filiale de M6, le propriétaire du club, et l’existence d’une web TV pour le LOSC, le phénomène n’est plus marginal.
L’ère de la communication
Quelles sont les raisons qui poussent les clubs français à vouloir absolument disposer d’un canal de diffusion aussi coûteux que la télévision ? Le modèle économique reste encore à trouver. Lors de son lancement, l’OM TV, s’inspirant de MUTV, la chaîne de Manchester United, était une chaîne payante. En plus de l’abonnement à CanalSat, le souscripteur devait verser un complément pour voir sa télévision en blanc et bleu. Mais en 2005, l’OM TV est passée au gratuit, comme la version internationale de Real Madrid TV. Mécaniquement, l’audience potentielle de la chaîne a été multipliée par 10, de 200.000 à plus de 2 millions de foyers. L’enjeu n’est pas économique. Les revenus publicitaires et les redevances versées par les opérateurs doivent couvrir les charges de la chaîne. Non, ce qui importe vraiment aux clubs, c’est le gain d’image. Comme le magazine officiel du club ou le site internet, la chaîne de télévision est un outil de communication vers l’extérieur. Le stade ultime d’une stratégie de contrôle de son image.
Une ambition démesurée ?
Vous avez dit mégalomanie ? Il y a un peu de cela. Quand Lens, Saint-Etienne, Marseille, Lyon et Toulouse s’adressent à leurs supporters, l’audience ne peut être que nationale, voire régionale. Avec Barça TV, le FC Barcelone parle à ses 150.000 socios, mais également à ses millions de supporters à l’étranger.
La marque du club
La chaîne d’un club professionnel fait également partie d’une stratégie marketing. Elle participe à la création d’une marque. C’est encore plus vrai pour les clubs français qui ne disposent, ni des même moyens, ni de la même notoriété que leurs voisins européens.
Enfin, n’oublions pas le message subliminal que les présidents de club cherchent à envoyer aux dirigeants des chaînes de télévision. Dans un an et demi, le mirifique contrat de la Ligue de football professionnel (LFP) avec Canal + (600 millions d’euros par an) prendra fin. En se donnant dès aujourd’hui une visibilité sur la petite lucarne, les clubs rappellent ainsi à leur partenaire audiovisuel qu’ils pourraient se passer de lui si les prochaines négociations devaient échouer. Une idée folle ? Assurément tant que les clubs ne produisent pas eux-mêmes les images des rencontres. Mais la multiplication des chaînes pourrait fort bien entraîner une mutualisation des moyens et la création d’une super chaîne dédiée au football français. Un projet défendu en son temps par l’ancien président de la ligue de football, Gérard Bourgoin, mais finalement restée lettre morte.