Et s’ils avaient raison ? La fédération des supporteurs de Manchester United (Must) accuse depuis des mois la famille Glazer, propriétaire du club, d’être responsable de la dette massive de Manchester United. Une dette qu’elle qualifie de bombe à retardement.
La dette de Manchester United a atteint 716,5 millions de livres (quelque 826 millions d’euros) au 30 juin 2009, selon les comptes publiés par le holding qui détient le club anglais. Un an auparavant, la dette était de 699 millions de livres. Ce chiffre confirme les fuites dans la presse depuis plusieurs semaines sur le sujet.
Il y a quelques jours, MU dévoilait pourtant un bénéfice de 48,2 millions de livres (environ 53,6 millions d’euros) pour la saison 2008-2009. Un millésime d’exception puisque Manchester est arrivé en finale de la Ligue des champions (battu par le FC Barcelone) et a remporté le Championnat d’Angleterre. Mais ce résultat était presque artificiel en incluant les quelque 90 millions d’euros dus par le Real Madrid pour le recrutement de Cristiano Ronaldo, le transfert le plus cher de l’histoire du football. Heureusement d’ailleurs que le Portugais a trouvé preneur à ce prix. Car Manchester United avait aussi alloué 41,9 millions de livres (46,6 millions d’euros) au service de sa dette.
La Premier League est le championnat le plus riche de la planète et ses fondamentaux restent bons. Mais une surenchère sur les transferts, l’inflation salariale et surtout l’arrivée massive d’investisseurs étrangers obnubilés par le LBO, l’achat d’équipes par endettement, font peser un risque sur l’édifice. Les plus fragiles, comme Portsmouth, sont en train de s’en rendre compte. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un Roman Abramovich (Chelsea) ou la famille régnante d’Abu Dhabi (Manchester City) comme propriétaire.
Emprunt obligataire et cession du centre d’entraînement
Les clubs anglais opèrent un tournant dans leur gestion en cherchant à réduire la spirale inflationniste. N’oublions pas deux faits nouveaux pour les prochaines années. Il y a d’abord la volonté de la ligue anglaise de football de vouloir instaurer un contrôle de gestion plus rigoureux. Et il y a aussi l’UEFA. Afin de protéger sa pépite, la Ligue des champions, l’instance européenne dirigée par Michel Platini veut introduire d’ici trois ans un fair-play financier qui consiste à interdire les déficits chroniques. Plus facile à dire qu’à faire, mais l’idée fait son chemin.
On comprend mieux désormais pourquoi les dirigeants de Manchester United sont en quête de 500 millions de livres (quelque 550 millions d’euros) pour refinancer une grande partie de la dette du club via une émission obligataire, et qu’ils comptent vendre le centre d’entraînement de Carrington pour l’occuper en leasing. Un schéma qui rappelle celui du Borussia Dortmund. Au début des années 2000, le club allemand, après s’être introduit sur les marchés financiers, avait revendu son immense (82.000 places) Signal Iduna Park (ex-Westfalenstadion) pour en devenir locataire. Mais des résultats sportifs en berne, un effondrement du marché des transferts, une baisse des droits de retransmission ainsi que des dépenses inconsidérées avaient manqué de conduire la formation de Bundesliga dans le mur.
Manchester United dispose d’arguments plus solides que le Borussia, mais son besoin de se séparer d’une partie de son patrimoine à de quoi inquiéter. Plus les Glazers resteront longtemps, plus ils feront de dégâts, a prévenu Duncan Drasdo, président de la Must. Les fans de Manchester sont d’autant plus en colère que les Glazers ont empoché quelque 25 millions d’euros de dividendes.
La différence avec la situation de la semaine dernière, de celle d’avant ou d’il y a deux ans, c’est que les chiffres ont été mis noir sur blanc. Chacun peut les voir. La réalité saute aux yeux, a déclaré Drasdo, mettant en garde contre une spirale du déclin. Si vous regardez en face le fait que nous n’avons pas remplacé Ronaldo et Carlos Tevez l’été passé, que Ryan Giggs, Paul Scholes, Gary Neville et Edwin van der Sar arrivent en fin de carrière, (l’endettement) est vraiment une bombe à retardement, a prévenu le représentant des supporteurs.
Avec un outil d’alerte adéquat, le championnat anglais aurait évité le désastre de Leeds United il y a quelques années. Le club qui avait accueilli Eric Cantona en Angleterre était passé en quelques saisons, après un crack financier, d’une demi-finale de Ligue des champions avec un effectif en devenir à la troisième division anglaise ! Toute la difficulté consiste à instaurer des règles efficaces. Car rien ne pourra empêcher un actionnaire, si on lui interdit de combler des pertes par des augmentations de capital ou de faire des apports en compte courant, de faire intervenir une de ses filiales et de surpayer un contrat de sponsoring.
Gordon Brown s’inquiète
Le Premier ministre britannique Gordon Brown s’inquiète du haut niveau d’endettement des clubs anglais. Depuis quelques années, certains clubs de football sont devenus très endettés. Ils ont des niveaux de dettes bien supérieurs aux revenus qu’ils sont en mesure de dégager de leur activité footballistique et des droits télévisés, a mis en garde le Premier ministre lors de sa conférence de presse mensuelle. C’est un problème dont les clubs doivent se préoccuper. C’est une inquiétude pour les supporteurs et les dirigeants doivent se pencher sérieusement sur leurs responsabilités, a déclaré Gordon Brown. C’est un problème pour les clubs, ils doivent le gérer, a-t-il insisté.