Le directeur du marketing, Guy-Laurent Epstein, s’attend à une augmentation des revenus et à une audience mondiale record pour le tournoi organisé en Allemagne jusqu’au 14 juillet.
Après avoir accueilli avec succès la Coupe du monde 2006, les regards sont de nouveau fixés sur l’Allemagne, pays hôte du Championnat d’Europe des nations de football. Le pays accueille le tournoi pour la première fois depuis 1988 lorsque l’Allemagne ne jurait que par l’ouest ou l’est. Après un Euro 2020 singulier (disputé en 2021 en raison de la Covid-19), organisé dans 11 villes différentes sur le continent pour célébrer le 60e anniversaire de la compétition, l’UEFA est revenue au pays hôte unique, avec de grandes attentes pour l’un des plus grands marchés de football en Europe. Pour l’UEFA, la compétition est déjà une réussite. L’organisation a écoulé la plupart des 2,7 millions de billets mis en vente. Avec plusieurs des plus grands stades d’Europe, l’Euro 2024 pourrait établir de nouveaux records en matière de fréquentation.
L’UEFA prévoit d’engranger plus de 1,7 milliard d’euros de profits pour 2,4 milliards de revenus. Ce sont les droits de retransmission qui vont générer l’essentiel du chiffre d’affaires (60 %) contre 12,5 % pour la billetterie. D’un point de vue commercial, la confédération a mené un programme de parrainage national et mondial avec son agence CAA Eleven et décroché 18 partenaires pour le tournoi. Bitburger, Deutsche Bahn, Deutsche Telekom, Ergo et Wisenhof sont les cinq sponsors nationaux aux côtés des partenaires mondiaux Adidas, AliExpress, Alipay, Atos, Betano, Booking.com, BYD, Coca-Cola, Engelbert Strauss, Hisense, Lidl, Visit Qatar/Qatar Airways et Vivo. « Nous connaîtrons une augmentation de 25 % par rapport aux derniers Euros », révèle le directeur marketing de l’UEFA, Guy-Laurent Epstein, en totalisant l’ensemble des flux de revenus (commercial, parrainage, licence, radiodiffusion et billetterie). Avec un seul pays hôte, l’UEFA a pu adapter son programme commercial et le partager entre un objectif local et mondial, par opposition à l’Euro précédent, où l’organisation s’est tenue à une approche essentiellement mondiale. Avec l’avancée de la technologie, l’UEFA lance une approche publicitaire ciblée pour les sponsors locaux en Allemagne, en utilisant des solutions publicitaires virtuelles. « Comparée au passé, la technologie nous permet de gérer le programme commercial différemment », explique Epstein.
Mais c’est surtout le fait que les dix villes hôtes prennent en charge les coûts et les investissements liés à l’événement (infrastructures, transports, sécurité…), qui fait la différence. Le Land de Berlin a dépensé 84 M€, dont 11 M€ pour la sécurité. A Stuttgart, la ville évalue les dépenses à une centaine de millions d’euros, dont environ 60 M€ pour la rénovation du stade. D’après une enquête du Spiegel et de la chaîne de télévision allemande ZDF, l’organisation de l’Euro 2024 aurait coûté au total 650 M€ à l’État fédéral, aux Länder et aux villes hôtes.
Quel sera l’impact de la compétition sur l’économie du pays ? Beaucoup s’attendent à des retombées assez faibles. D’après une enquête de la Fédération de l’hôtellerie-restauration, à peine 16 % des propriétaires de bars et restaurants tablent sur un effet positif sur leur activité. Dans les villes hôtes, les attentes sont plus fortes, avec un taux de 40 %. Pour les économistes, des consommateurs profiteront sans doute de l’Euro pour s’acheter un nouveau téléviseur, s’inviter les uns chez les autres ou boire quelques bières. Mais ils compenseront en économisant ailleurs. Il y a aussi des phénomènes d’éviction. Lorsque des supporters débarquent en ville, d’autres clients ne viennent pas parce que les prix augmentent. Après avoir analysé la Coupe du monde 2006, « nous n’avons trouvé aucun effet significatif » sur l’hôtellerie, la restauration ou le secteur de l’alimentation et des boissons, déclare Klaus Wohlrabe, de l’Institut Ifo. Organisé à un moment où la première économie européenne reprend timidement des couleurs, après avoir encaissé les chocs des pénuries post-Covid-19 et des coûts élevés d’énergie, l’événement de quatre semaines ne permettra donc pas de miracles, affirme l’Ifo. « Les effets de ce type de grands événements sont plutôt faibles, exception faite du tourisme », selon Timo Wollmershäuser. Un peu plus de 600.000 touristes étrangers et 1,5 million de nuitées supplémentaires sont attendus pendant le tournoi, en se basant sur l’expérience de la Coupe du monde 2006. De quoi rapporter un milliard d’euros de recettes supplémentaires au pays, soit « environ 0,1 % de performance économique en plus au deuxième trimestre de l’année », avance l’institut. Ce n’est tout de même pas négligeable alors que l’Allemagne devrait voir son PIB progresser de seulement 0,3% sur l’année, selon la dernière prévision du gouvernement, après un recul de 0,3% en 2023.
L’impact sera négligeable car les Allemands vont certes davantage dépenser dans l’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail alimentaire lors des matchs, mais ils réduiront d’autres postes. « Au final, la consommation privée globale ne progressera pratiquement pas », avance l’Ifo. A défaut d’impacter positivement sur l’activité, l’Euro pourrait reproduire l’effet du Mondial 2006 qui avait changé l’image de l’Allemagne dans le monde.
D’un point de vue de la diffusion, l’UEFA rappelle que l’Euro 2020 avait attiré en cumulé et en direct 5,2 milliards de téléspectateurs, tandis que la victoire de l’Italie contre l’Angleterre en finale a été regardée par 328 millions de téléspectateurs, au même niveau que le record établi en 2016 (France-Portugal). En moyenne, chaque match en direct a été regardé par plus de 100 millions de téléspectateurs. Une façon pour l’UEFA de rappeler que chacune des 51 rencontres réalise une audience supérieure à un Super Bowl. « Le Super Bowl a cette image d’attirer un public énorme, et c’est vrai aux États-Unis, mais nous sommes mondiaux et donc nous pouvons atteindre les gens partout », appuie Epstein.