La cour d’appel de Paris a confirmé l’interdiction faite à Orange de subordonner l’abonnement à Orange Sport à une souscription d’une offre triple play (télévision, téléphone et internet). Avant le jugement sur le fond de l’affaire, probablement en mai ou en juin, la décision plonge l’opérateur dans le doute et par là-même l’ensemble des clubs professionnels.
Orange demandait la levée de l’exécution provisoire ordonnée par le tribunal de commerce le 23 février dernier. Free et Neuf, ses concurrents, contestent le fait qu’Orange pratique la vente liée, obligeant les prospects désireux de s’abonner à sa chaîne sport à souscrire un abonnement triple-play. Pour sa défense, Orange fait valoir que ce modèle économique a toujours été validé par les autorités, comme le conseil de la concurrence. Pour ne pas enfreindre la décision de justice, Orange a cessé depuis le 24 mars de vendre de nouveaux abonnements. Elle a aussi cessé d’acquérir des droits exclusifs dans le sport dans l’attente de savoir si la justice valide sa stratégie économique de mêler contenus et réseaux pour attirer des clients. Le doute va donc continuer d’exister jusqu’à ce que la Cour d’appel se prononce sur le fond (audience le 30 avril).
4.600 abonnés supplémentaires par mois
En appel du référé, Orange soutenait que l’interdiction qui lui était faite compromettait son image, était impossible techniquement à mettre en oeuvre et avait des conséquences disproportionnées sur ses affaires. Les juges rejettent ces arguments en soulignant que la société elle-même avance que son offre a contribué à lui apporter 4.600 abonnés supplémentaires par mois, chiffre qualifié de dérisoire. Orange n’a pas souhaité communiquer le nombre de ses abonnés à Orange Sport, rappelant le total de 300.000 abonnements à la fin février à son offre sport et à Orange cinéma séries, son bouquet de six chaînes lancé en novembre également sur la base d’exclusivités.
Entre Canal Plus et la LFP, l’ambiance est tendue
Cette bataille juridique entre opérateurs provoque des dommages collatéraux. Ce n’est pas seulement le modèle économique d’Orange qui est en danger, c’est aussi celui des clubs français, pour qui une disparition de la chaîne Orange Sport du rang des acheteurs de droits serait une catastrophe. Sans le soutien d’Orange, le football français serait en faillite, avait même récemment prévenu le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Frédéric Thiriez (voir La Lettre du Sport n°539). Avec 203 millions d’euros versés chaque saison pour, notamment, le match du samedi soir sur Orange Sport, l’opérateur est devenu un partenaire de poids du football professionnel. Cette somme devrait continuer d’être versée chaque saison jusqu’en 2012. Mais au-delà c’est le vide. Inquiets pour leurs propres intérêts, les autres sports collectifs (handball, basket, rugby…) ont d’ailleurs décidé d’intervenir auprès des tribunaux aux côtés de France Télécom.
Ce qui ne plaît pas du tout à Canal Plus, concurrent d’Orange. Le Point révèle ainsi un échange à fleurets mouchetés entre Bertrand Méheut, président de Canal Plus, et Frédéric Thiriez. Dans une missive adressée au président de la LFP, Bertrand Méheut reproche à la LFP de prendre fait et cause pour Orange. Méheut exige également de Thiriez qu’il mette en demeure Orange de mettre sa chaîne Orange Foot à disposition des autres distributeurs. La réponse du président de la LFP, publiée par Le Point, vaut tous les résumés du monde : Vous avez décidé de diminuer fortement votre soutien au football français (de 600 à 450 millions d’euros). C’est là un choix d’entreprise qu’il ne m’appartient pas de juger, même si une autre stratégie, moins agressive, eût été envisageable. Quoi qu’il en soit, votre décision a placé le football français dans une situation extrêmement délicate, dont il n’est sorti qu’en réussissant à intéresser au championnat un nouvel acteur. Grâce à cela, vous avez pu atteindre votre objectif d’économies et nous avons pu, en partageant les droits, maintenir un championnat de qualité qui, reconnaissez-le, satisfait vos abonnés. C’était, nous l’avons dit tous les deux à l’époque, un résultat gagnant-gagnant tant il est vrai que Canal Plus, notre diffuseur principal, n’a pas intérêt à ce que le Championnat de France s’appauvrisse. Constatant que Canal Plus a multiplié les initiatives, directement ou indirectement, pour empêcher Orange d’exploiter paisiblement les droits qu’il avait acquis, Frédéric Thiriez ne se gêne pas pour renvoyer dans les cordes le président de Canal Plus : Je me souviens qu’en 2004, votre groupe avait décidé de conclure un accord d’exclusivité avec Orange pour la distribution de la chaîne Foot +, décision dont vous n’aviez pas jugé utile d’informer la LFP et les clubs, qui en avaient appris l’existence par voie d’affiches publicitaires (…). Nous considérons donc votre mise en demeure totalement inappropriée.
Mais pour l’instant, c’est la chaîne cryptée qui marque des points. Le PDG du groupe a qualifié de bonne décision le rejet en appel de la demande d’Orange. C’est une bonne décision pour les consommateurs comme pour les ayant droits, a déclaré M. Méheut lors d’un dîner de presse à l’occasion du MIPTV à Cannes. Cela nous conforte dans l’idée que l’acquisition de droits sportifs par Orange était un prétexte pour vendre du téléphone, a-t-il commenté. Le président du syndicat des clubs (UCPF) Jean-Pierre Louvel, a de son côté accueilli la décision comme une très mauvaise nouvelle. Affaire à suivre.
L’Arcep contre l’exclusivité
L’Autorité de régulation des télécoms (Arcep) s’est prononcée, dans un avis transmis à l’Autorité de la concurrence, contre l’exclusivité des chaînes TV d’Orange, souhaitant qu’elles soient disponibles chez les autres fournisseurs d’accès internet. Si cet avis était suivi par l’Autorité de la concurrence, qui doit se prononcer bientôt sur ce sujet, il s’agirait d’un nouveau coup dur pour Orange.