Plusieurs semaines avant le terme de la décision attendue, la cour d’appel de Paris autorise Orange à commercialiser Orange Sports, considérant que l’opérateur peut subordonner l’abonnement à la chaîne sportive à son offre triple play (télévision, téléphone et internet), contrairement à ce qu’affirment ses concurrents Free et SFR. Le sport professionnel français respire, mais une polémique vient de naître.
Dans son arrêt, la cour d’appel de Paris annule donc la décision du tribunal de commerce de Paris, prise le 23 février. Celui-ci avait interdit à Orange de subordonner l’abonnement à Orange Sports. Selon la cour d’appel, la stratégie d’Orange ne constitue pas une pratique commerciale déloyale. En outre, il ne peut être dit qu’Orange a recouru au harcèlement ou à la contrainte pour imposer son offre aux consommateurs. Contrairement à ce que prétendent SFR et Free, le seul fait que le consommateur doive souscrire un abonnement ADSL Orange pour obtenir un accès à la chaîne Orange Sports ne répond pas à la définition de la contrainte, écrivent les magistrats. Dont acte.
A leurs yeux, il est en effet constant que, dans le cadre de la concurrence qu’ils se livrent, tous les fournisseurs d’accès à internet s’efforcent d’enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par la mise en place de services innovants ou l’acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels, cinématographiques ou sportifs événementiels. Il ne saurait être considéré, concluent-ils, que le fait que l’accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l’offre ADSL de Orange altère de façon significative sa liberté de choix à l’égard des offres ADSL, bien au contraire. Dont acte bis.
Une excellente nouvelle donc pour France Télécom, qui a acquis, notamment, les droits télévisés d’un match de Ligue 1 par journée en exclusivité, contre 203 millions d’euros par an jusqu’en 2012 (quand Canal Plus dépense 465 millions par an pour les autres matches). Evidemment, la décision de justice a satisfait également la Ligue de football professionnel (LFP) qui avait apporté son soutien à son client lors du procès. C’est le retour du bon sens, s’est réjoui Frédéric Thiriez, président de la LFP. Cette décision valide la stratégie de la Ligue qui, lors du lancement de l’appel d’offres pour les droits de la Ligue 1, a su recréer la concurrence en permettant l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, dont France Telecom, estime encore le président de la LFP.
La bataille n’est pas encore terminée
Mais si Orange n’est pas aujourd’hui condamnée pour de la vente subordonnée, pratique interdite en France, la bataille n’est pas pour autant terminée. Les opérateurs concurrents d’Orange ne devraient pas manquer de faire appel, tandis que d’autres décisions sont attendues, dont celle de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci avait été saisie en janvier par la ministre de l’Economie d’une demande d’avis sur les relations d’exclusivité qui existent entre les activités de fournisseurs d’accès à Internet et de distribution de contenus et de services. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dont l’avis n’est que consultatif, a déjà considéré que l’exclusivité de distribution d’Orange Sport remettrait probablement en cause le développement de la concurrence sur Internet. De plus, la décision de la cour d’appel intervient dans un moment particulièrement mal choisi. Dans ce dossier, outre la LFP, les observateurs avaient remarqué l’intervention, en faveur de l’opérateur, des services de Bercy. La cour d’appel de Paris a notamment reçu le 30 avril dernier des conclusions d’intervention de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), révèle le Canard Enchaîné. Or l’organisme dépend de Bercy, donc de Christine Lagarde… dont le directeur de cabinet Stéphane Richard vient d’être propulsé numéro deux de France Telecom ! Il prendra ses fonctions cet été, et prendra la tête du groupe (dont l’Etat détient encore 26%) en 2011. Un télescopage de calendrier pour le moins mal-venu et qui sème la confusion. Cette intrusion d’un service administratif dans un tel litige est tellement inhabituelle que la cour d’appel lui a demandé de préciser à quel titre il intervenait, précise le journal satirique. Après l’affaire Pérol, l’affaire Richard ? Pas pour la commission de déontologie qui a déjà validé ce transfert.
Toujours est-il qu’Orange peut donc dès maintenant reprendre la commercialisation de sa chaîne qui compte 112 000 abonnés.