Le Parti socialiste (PSOE) au pouvoir en Espagne renonce à modifier la loi fiscale afin de taxer plus lourdement les hauts-revenus… dont ceux des footballeurs étrangers. Appliquée avec le transfert de David Beckham au Real Madrid en 2003, cette exception fiscale reste très critiquée. Mais dans son genre, la France ne se défend pas mal non plus.
Le projet était de réformer la loi fiscale afin de taxer plus lourdement les plus haut-revenus, et également de mettre un terme à une loi (trop ?) favorable aux footballeurs étrangers qui leur permettait de payer moins d’impôts. Mais le Parti socialiste, qui ne dispose que d’une majorité relative et qui doit passer des alliances pour faire passer ses projets (le PSOE dispose de 168 sièges, alors que la majorité absolue est de 176 sièges), a rompu un pacte passé avec l’extrême-gauche au motif que ses alliés n’étaient pas disposés à voter en faveur du projet de loi socialiste sur les plafonds de dépenses du budget 2010. Le groupe écolo-communistes a rétorqué que le PSOE s’était incliné sous la pression des nationalistes catalans de droite de CIU.
Bref, ce conflit politico-politicien a débouché sur un statu quo alors que le transfert du Portugais Cristiano Ronaldo, 24 ans, au Real Madrid a failli remettre en cause cet avantage fiscal. Après l’annonce du transfert du joueur au Real Madrid pour la somme record de 94 millions d’euros, la presse espagnole a révélé que l’ancien joueur de Manchester United, Ballon d’Or 2008, négociait avec le club madrilène un salaire annuel de 12 millions d’euros bruts annuels (contre d’environ 7,5 millions d’euros bruts par an à Manchester United). Soit un salaire net (impôts déduits) annuel de quelque 9 millions d’euros. José Luis Rodriguez Zapatero, Premier ministre espagnol, avait alors jugé ces chiffres excessifs. La gauche espagnole avait alors rebondi sur la polémique naissante pour demander une modification de la loi dite Loi Beckham. Cette loi qui porte le nom du premier footballeur anglais à en avoir bénéficié, n’impose sur le revenu les joueurs étrangers évoluant en Espagne qu’à hauteur de 24%, au lieu de 43% comme les Espagnols disposant de revenus comparables. A la base, cette exception fiscale avait été conçue pour favoriser l’implantation d’entreprises, cadres ou scientifiques étrangers sur le territoire espagnol.
La France cache son jeu
A mêmes exigences de salaire net annuel, un club espagnol paie jusqu’à 29% de moins que Chelsea, 32,5% de moins que l’Inter Milan et 26% de moins que le Bayern Munich en salaire brut annuel, selon le cabinet Ernst & Young. Si l’on ajoute à cela le montant également plus faible des cotisations sociales et patronales en Espagne, les différences de coût salarial d’un joueur deviennent abyssales entre un club espagnol et ses concurrents étrangers. Pour un salaire net de 2 millions d’euros, il en coûtera au total 5,4 millions d’euros à un club français, près de 4 à une équipe italienne, 3,8 à un club anglais ou 3,6 à une équipe allemande, contre à peine 2,7 millions d’euros à un club espagnol.
Faut-il pour autant faire de l’Espagne un paradis fiscal ? Non. En 2007, une étude comparative de l’Union Financière de France (UFF) sur les revenus des sportifs professionnels français mettait à mal les préjugés sur l’imposition made in France.
Selon UFF Sport Conseil, la France, sans être un eldorado fiscal, possède quelques atouts pour les sportifs professionnels. Encore plus depuis l’adoption d’une loi taillée sur mesure pour eux : le droit à l’image collective. Pour les footballeurs, rugbymen, basketteurs ou cyclistes professionnels l’introduction en 2004 de ce droit à l’image collective se traduit par la défiscalisation d’une partie des revenus. Et pour l’employeur, ce sont des charges qui disparaissent. Elle accorde un abattement de 30% sur les charges sociales patronales et salariales. Autre cadeau : la refonte du barème de l’impôt sur le revenu avec la réduction de sept à cinq tranches. Valable pour tous les contribuables français, son incidence est spectaculaire sur les hauts revenus, ceux dont la rémunération annuelle dépasse 66.679 euros, avec une dernière tranche d’imposition ramenée de 48,04% à 40%. Si tant est que jouer en France peut devenir intéressant. La prime d’impatriation aide aussi à faire aimer le territoire. Une disposition du Code général des impôts offre en effet de nouvelles perspectives. Ce dispositif permet de faire venir des talents étrangers, ou des Français partis depuis cinq ans, en leur versant une prime conséquente à la signature exonérée d’impôts ou presque. Destinée, comme en Espagne, à des chercheurs ou des ingénieurs, la loi française a également été reprise à leur compte par les clubs sportifs (voir La Lettre du Sport n°935).
Dans le sport business, la fiscalité est une devenue une composante essentielle de la concurrence que se livrent différents marchés entre eux. L’intérêt sportif, particulièrement dans un sport collectif, influence le choix d’une carrière. Mais l’aspect économique ne peut pas être mis de côté. Lorsqu’un sportif évolue à l’étranger, les salaires s’entendent net-net, c’est-à-dire net de charge et net d’impôt. Mais d’autres paramètres entrent en ligne de compte : le niveau de vie à l’étranger, le climat ou encore la sécurité sociale par exemple.
Pour revenir au cas Cristiano Ronaldo, la banque portugaise Espirito Santo a fait preuve d’opportunisme. En pleine polémique, elle a lancé en Espagne une campagne publicitaire avec de pleines pages dans les journaux où Cristiano Ronaldo affirme, souriant devant une pile de valises : C’est ici qu’est mon argent.