Le Tribunal de lUnion européenne (TUE) jette un pavé dans la mare ! Aux termes de trois arrêts importants les juges européens rejettent les recours de la FIFA et de lUEFA contre les décisions de la Belgique et du Royaume-Uni dinscrire sur leur liste dévénements dimportance majeure lensemble des matchs de la Coupe du monde. Le Tribunal valide également la décision du Royaume-Uni dinscrire, en plus des matchs de la Coupe du monde, tous les matchs de lEuro de football. Concrètement, une telle solution signifie que toutes les rencontres desdites compétitions devront être retransmises sur une télévision à accès libre, cest-à-dire gratuitement et en clair. Le droit à linformation du public est ainsi privilégié par rapport aux droits dexploitation détenus par la FIFA et lUEFA sur les compétitions quelles organisent.
A titre liminaire, il convient pour bien comprendre limportance de ces trois arrêts du TUE en date du 17 février 2011 de rappeler les différentes étapes ayant jalonné ces contentieux.
Larticle 3 bis, paragraphe 1, de la directive n° 89/552/CEE du 3 octobre 1989, dite directive «Télévision sans frontières» (Dir. Cons. CEE n° 89/552, 3 oct. 1989, JOCE, 17 oct., n° L 298) devenu article 14 de la directive n° 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 prévoit, dans loptique de protéger laccès des téléspectateurs aux grands événements sportifs, la faculté pour les Etats membres de lUnion européenne détablir une liste de manifestations majeures réservées à la diffusion publique et gratuite.
Ainsi, en France, comme dans de nombreux autres Etats membres, les événements sportifs visés sont notamment le match douverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de football et les demi-finales et finale de lEuro. Le caractère majeur de ces matchs nest dailleurs pas contesté par la FIFA et lUEFA.
Le Royaume-Uni et la Belgique avaient toutefois décidé délargir leur liste respective dévénements dimportance majeure. Ainsi, le Royaume-Uni avait inclus lensemble des matchs de la Coupe du monde ainsi que ceux de lEuro. La Belgique, quant à elle, déclarait dimportance majeure tous les matchs de la Coupe du monde. La Commission européenne, à qui il appartient de vérifier la compatibilité de décisions nationales avec le droit communautaire, a validé lesdites listes en 2007 (cf. concernant le Royaume-Uni, Déc. Comm. CE n° 2007/730/CE, 16 oct. 2007, JOCE L 295, p. 12 ; concernant la Belgique, Déc. Comm. CE n° 2007/479/CE, 25 juin 2007, JOCE L 180, p. 24). Selon la Commission, les listes britannique et belge ont été établies dune manière claire et transparente et les événements visés remplissent au moins deux des critères suivants, considérés comme des indicateurs fiables de limportance des événements pour la société :
– ils trouvent un écho particulier dans lEtat membre concerné et intéressent dautres personnes que celles qui suivent généralement la discipline sportive ou lactivité en question ;
– ils présentent une importance culturelle spécifique largement reconnue pour la population de lEtat membre concerné et constituent notamment un élément didentité culturelle ;
– ils impliquent léquipe nationale dans le contexte dune compétition ou dun tournoi dimportance internationale ;
– lévénement a toujours été retransmis sur des chaînes de télévision gratuites et attiré de nombreux téléspectateurs.
La Commission a finalement retenu que les mesures prises par le Royaume-Uni et la Belgique sont proportionnées et de nature à justifier une dérogation aux principes communautaires, notamment de liberté de prestations de services, de liberté détablissement et de libre concurrence, sur la base dune raison impérative dintérêt public, consistant à assurer un accès télévisé du grand public aux événements dimportance majeure pour la société.
Face à de telles décisions, la FIFA et lUEFA ne pouvaient rester muettes. Les deux institutions ont donc décidé de contre-attaquer en introduisant un recours devant le TUE pour voir annuler les décisions de la Commission. Ce sont ces recours qui sont aujourdhui rejetés par le Tribunal.
Les juges européens, à linstar de la Commission, balayent en effet les arguments invoqués par la FIFA et lUEFA. Et lun des arguments qui sous-tend quasiment tout le raisonnement de la Commission puis du Tribunal et qui, en conséquence, annihile une partie importante de largumentation développée par les instances sportives en cause est le suivant : la Coupe du monde et lEuro sont des compétitions qui peuvent raisonnablement être regardées comme des événements uniques plutôt que comme des compilations dévénements individuels divisés en matchs « prime », cest-à-dire majeurs, et « non prime » (les autres matchs, considérés comme de moindre importance). Pour lEuro, les termes employés sont «gala» et «non gala», mais le raisonnement reste le même. Ainsi, tous les matchs de ces compétitions doivent être regardés comme dégale importance dans la mesure où les résultats de matchs «non prime» ont des conséquences directes sur les matchs «primes», notamment sagissant de la présence ou non de léquipe nationale au tour suivant ou encore lidentité des adversaires de léquipe nationale.
Les chaînes payantes ne pourront plus concourir aux droits exclusifs
Aussi, dès lors que la compétition dans son ensemble est considérée comme dimportance majeure, largumentation de la FIFA et de lUEFA reposant sur le fait que les matchs «non prime» ne remplissent pas deux des critères mentionnés ci-dessus et quen conséquence les mesures prises par les Etats sont disproportionnées ou contraires aux principes communautaires précités, devient totalement inefficace. Selon le Tribunal, largumentation de la FIFA et de lUEFA est, en grande partie, «fondée sur une prémisse erronée».
Le Tribunal rejette, par ailleurs, le grief selon lequel la qualification dévénement dimportance majeure de tous les matchs de la Coupe du monde et de lEuro anéantit le droit de propriété de lorganisateur sur ces événements et, en tout état de cause, le restreint de manière disproportionnée et injustifiée. La FIFA faisait notamment valoir, à cet égard, que linterdiction de céder, de manière exclusive, les droits de retransmission de tout match de la Coupe du monde à un opérateur unique entraînait, mécaniquement, une baisse majeure de la valeur de ses droits et, de facto, une diminution substantielle de ses recettes. Là encore, le Tribunal écarte largument. Pour lui, si les législations nationales concernées sont susceptibles daffecter le prix que la FIFA obtiendra pour loctroi des droits de retransmission de la Coupe du monde dans ces pays, elles nannihilent pas la valeur commerciale de ces droits. Certes
Il reste que ces trois arrêts risquent de remettre en cause les modalités dattribution par la FIFA et lUEFA des droits de retransmission télévisée des matchs de la Coupe du monde et de lEuro. Dorénavant, aucune exclusivité ne pourra plus être attribuée à des services de télévision payants. Or, ce sont majoritairement ces télévisions du fait de leur mode de financement qui jusque-là étaient en mesure de payer les sommes les plus importantes pour obtenir une exclusivité de diffusion de lensemble des matchs. Dans lhypothèse où les solutions dégagées dans ces arrêts ne seraient pas remises en cause lors dun éventuel recours devant la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE), le financement de la FIFA et de lUEFA sen trouverait certainement affecté. Lon peut dailleurs raisonnablement sinterroger, comme le suggère la FIFA, sur le maintien de la qualité dorganisation de ces compétitions à lavenir Toujours est-il que les téléspectateurs belges et britanniques sont, pour lheure, les grands gagnants !
TUE, 17 févr. 2010, aff. T-55/08, T-68/08, T-385/07, UEFA et FIFA