La dernière décennie a engendré une nouvelle génération de groupes de supporters n’hésitant pas à commettre des exactions de plus en plus violentes, exacerbées par des rivalités extra-sportives, avec des conséquences parfois tragiques. C’est pourquoi l’Etat s’est doté d’un arsenal répressif afin de prévenir de telles situations concernant spécialement les associations de supporters. Dans un premier temps en 2006 avec l’instauration d’une procédure de dissolution d’une association, puis de suspension avec la loi du 2 mars 2010.
Par Vincent Fauchoux, Avocat associé Deprez Guignot & Associés – DDG
La Butte paillade 91 est une association de supporters montpelliérains connue pour sa ferveur mais également pour sa virulence. Le premier ministre a donc, par décret, suspendu l’activité de l’Association Butte paillade pour quatre mois. Le décret attaqué devant le conseil d’Etat retient plusieurs faits commis à l’occasion de déplacements de supporters du Montpellier Hérault Sport Club qui peuvent être qualifiés d’actes répétés de dégradation de biens ou de violences sur des personnes au sens de l’article L. 332-18 du code du sport. Ces supporters ont notamment allumé des fumigènes et bombes agricoles qui ont occasionné une blessure au visage d’un policier. Des actes violents ont également été commis envers des supporters d’équipes adverses. La haute assemblée a considéré que les faits avaient le caractère d’actes répétés de violence sur des personnes et que de plus ils avaient été commis en réunion, en relation ou à l’occasion de manifestations sportives, par des membres de l’Association Butte paillade 91, laquelle a pour objet le soutien à une association sportive.
Le conseil d’Etat, dans cet arrêt du 9 novembre 2011, examine la requête d’annulation de ce décret et vient préciser le champs d’application de la loi du 12 avril 2000 relative à la procédure préalable de dissolution ou de suspension d’activité d’une association de supporters en étudiant la proportionnalité de la sanction au regard des risques pour l’ordre public. Le Conseil d’Etat se trouve pour la première fois confronté à la suspension d’activité d’une association de supporters. Ce n’est que depuis la loi du 2 mars 2010 qu’il est possible de procéder à une telle suspension, pour une durée maximale de 12 mois, par décret, et après avis de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. Pour le Conseil d’Etat, la sanction doit également être réalisée au regard du risque de trouble à l’ordre public : en effet, la suspension de l’activité de l’association pour une durée de quatre mois ne constitue pas une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques pour l’ordre public que présentent les agissements de certains des membres de l’association à la veille de la finale de la coupe de la ligue. Ainsi, il ressort de l’argumentation de la haute assemblée qu’il faut exercer un contrôle de proportionnalité au regard des risques pour l’ordre public mais également être particulièrement vigilant sur les spécificités du contexte. La requête de l’Association héraultaise est donc rejetée.
Cette première décision sur la suspension d’activité vient conforter la jurisprudence récente. Le conseil d’Etat a d’ailleurs confirmé la légalité de décrets de dissolution dans deux décisions du 13 juillet 2010. La lutte contre la violence dans les stades était en effet devenue une problématique particulièrement importante notamment à la lumière des évènements tragiques qui ont conduit au décès d’un supporter parisien en février 2010. Les deux associations de supporters du Paris Saint-Germain mises en cause, les Authentiks et les Supras Auteuil, étaient impliquées dans les affrontements fratricides contre d’autres groupes parisiens à l’origine du passage à tabac létal. Les juges ont retenu que les faits étaient d’une particulière gravité et que la mesure de dissolution était donc parfaitement justifiée. Il convient de retenir que pour restreindre la liberté d’association, il faut assurer la conciliation entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties. L’atteinte aux libertés qu’implique l’article L.332-18 du code du sport est rendue nécessaire lorsque les actes reprochés sont d’une particulière gravité. En l’espèce, c’est parce que les faits reprochés ne sont pas aussi graves que la solution de la suspension de l’activité de l’association a été préférée à la dissolution pure et simple. Le conflit entre la liberté d’association et le maintien de lordre public est bien sûr épineux et doit être l’objet de la plus grande précaution ; mais concernant des groupes de supporters violents, nul doute que dès lors que des actes.