La Ligue de football professionnel (LFP) a déposé un recours gracieux auprès du premier ministre contre la fusion de CanalSat (Groupe Canal +) et TPS (groupes TF1 et M6).
Ce recours gracieux n’est pas suspensif et n’entrave pas le processus de fusion selon les informations dévoilées par le journal L’Equipe. Mais il prolonge de deux mois la possibilité pour la LFP de déposer un recours en contentieux. La ligue se donne ainsi le temps de discuter avec le gouvernement d’aménagements du décret du 15 juillet 2004 qui régit la vente des droits TV concernant la retransmission des matches de football à la télévision. La LFP estime que ce décret la place dans une position d’asymétrie concurrentielle par rapport à l’entité fusionnée, selon L’Equipe, qui reproduit un courrier de la Ligue du 12 septembre adressé à Thierry Breton, ministre de l’Economie et des Finances, et à Jean-François Lamour, ministre des sports. Le quotidien reproduit aussi un courrier envoyé à la Ligue par M. Breton, où ce dernier explique que ces questions nécessitent un examen approfondi, tant à la lumière des règles de concurrence qu’à celles des dispositions législatives et réglementaires spécifiques encadrant le secteur sportif.
La LFP a-t-elle raison d’avoir peur ?
La LFP redoute d’être privée de concurrence lors du prochain appel d’offres. Cette fusion doit donner naissance à un nouveau groupe baptisé provisoirement Canal+ France. Ce nouvel ensemble doit être détenu à terme à 65% par le groupe Canal+ (contrôlé par Vivendi Universal), 20% par Lagardère, 9,9% par TF1 et 5,1% par M6. Pourtant lors du dernier appel d’offres, Canal + et TPS n’étaient pas les seuls enchérisseurs. L’offre de France Télécom pour le pay-per-view avait été remarquée. Depuis, les opérateurs télécoms, grâce à l’ADSL, se sont également positionnés comme des distributeurs de chaînes de télévisions. Dans certains pays – Belgique, Pays-Bas – ce sont même eux qui ont enlevé les droits de diffusion des matches de football.
Plus que sur le manque de concurrence, la LFP doit se pencher sur la structuration des lots. Pour une chaîne sur abonnement comme Canal +, la diffusion du football est essentielle. La LFP a donc tout intérêt à calibrer son offre pour satisfaire son principal client.
La question que tout le monde se pose est : les droits TV vont-ils connaître une déflation ? Le niveau de prix est devenu si élevé qu’il n’y a plus aucun sens à le corréler avec la valeur du produit. Est-ce que la Ligue 1 vaut 600 millions d’euros par an ? Réponse : sportivement sûrement pas. Mais est-ce que la L1 vaut 600 millions d’euros pour provoquer la fusion avec TPS ? Canal + l’a prouvé il y a un an de cela. On en revient à la question : est-ce que les droits TV vont connaître une déflation ? L’appel d’offres de la Ligue nationale de rugby (LNR) donnera une bonne indication. Comme le football, le rugby a profité de la surenchère entre Canal + et TPS. Le ballon ovale doit lui aussi restructurer son offre pour engranger le maximum de recettes. Il faut également prendre en compte une chose. Les chaînes de télévision tiennent dans leur main le destin des clubs de football. Acheter les droits trop bas provoquerait une crise. Déjà handicapé par des recettes plus faibles à tous les étages (sponsoring, billetterie et merchandising) et une fiscalité désavantageuse, le foot français perdrait son dernier moyen de rivaliser avec les autres championnats européens. En appauvrissant la Ligue 1, la chaîne qui remporterait l’appel d’offres ne ferait qu’affaiblir le spectacle proposer à ses abonnés.
Que la LFP se rassure. Ce n’est pas dans les intentions de Canal +, semble-t-il. Je ne changerai pas ma stratégie. Nous sommes prêts à remettre des moyens très importants dans l’acquisition des droits a ainsi annoncé Bertrand Méheut, le président de Canal+ dans les colonnes du Monde.
M. Méheut estime encore que malgré la fusion, il y aura de la concurrence car l’attractivité du football est telle que celle-ci pourra susciter des appétits qu’on ne soupçonne pas aujourd’hui.