Suite et fin de la synthèse de létude réalisée par la Fédération française de spéléologie (FFS), le Syndicat national des professionnels de la spéléologie et du canyon (SNPSC) et le Pôle ressources national des sports de nature (PRNSN) avec lappui de deux cabinets de consultants (Versant Sud et EMConsulting). Rappelons que cette photographie des professionnels de la spéléologie paraît au moment de la refonte des filières de la spéléologie et du canyon. Elle permettra ainsi aux acteurs de ces dernières de sappuyer sur des données chiffrées pour construire des filières adaptées aux besoins des professionnels de terrain. Après nous être intéressés aux professionnels de la spéléologie à proprement parler, penchons-nous sur lemploi des professionnels de la spéléologie, leurs profils-types et leur vision du métier.
Quelle est limportance de leur activité professionnelle ? Il ressort de létude que les professionnels de la spéléologie sont des professionnels très actifs, avec la spéléologie comme base solide de leur activité. «Les répondants sont encore très actifs dans le domaine de la spéléologie puisque 89% dentre eux déclarent exercer effectivement une activité lui étant liée. Il est à noter que plus des 2/3 des professionnels ayant répondu (68%) précisent que leur activité déducateur sportif est dominante dans leur volume global dactivité professionnelle.» 41% des répondants doivent plus de 80% de leurs revenus à leur activité dans le domaine de la spéléologie. Plus du quart en retirent même la totalité de leurs revenus. «Ces chiffres montrent un métier bien installé et économiquement viable pour une grande partie des professionnels», se félicite la fédération. Les activités annexes de type purement commercial (location ou vente de matériel) sont anecdotiques (4%). La fréquence dactivités complémentaires liées aux parcours acrobatiques en hauteur se situe également dans des proportions très limitées (2%). En revanche, les professionnels qui ont des activités complémentaires à la spéléologie recourent le plus fréquemment aux travaux acrobatiques, ainsi quà dautres métiers sportifs.
Un véritable métier plutôt quune activité saisonnière. Une petite majorité des professionnels interrogés (55%) travaille sur un rythme de plein temps, et une proportion identique (57%) déclare une activité permanente. Le métier ne se réduit donc pas à une activité saisonnière (36% seulement) et encore moins occasionnelle (7%), qui doit vraisemblablement se concentrer sur les périodes, bassins, prestations et publics touristiques. Pour autant, le volume dactivité annuel est maximal sur la période mai-septembre, cette tendance étant vraisemblablement accentuée par la saisonnalité spécifique au canyonisme.
Quel est leur statut, leur cadre de travail ? Ce sont avant tout des professionnels indépendants. Seuls 11% des répondants sont exclusivement salariés, ce qui détermine une population de professionnels à la «culture indépendant» dautant mieux ancrée quils sont près de 3/4 à exercer exclusivement sous statut indépendant (travailleurs indépendants, gérants et assimilés). Le regroupement dindépendants sous forme de syndicat local, de type «bureau des guides», est une forme juridique de travail plus fréquemment citée par les «initiateurs saisonniers», qui viennent renforcer ce type de structures en saison touristique.
De quoi est fait leur travail au quotidien ? La réponse est simple : sur un cur de métier toujours fortement centré sur la spéléologie et le canyon. «Malgré une diversification des terrains de pratique, les professionnels de la spéléologie restent avant tout centrés sur leur activité-phare, adossée au canyonisme avec un couple qui se détache nettement devant dautres activités à cordes plus récentes. La présence des professionnels sur ces dernières pratiques témoigne de leur créativité pour décliner leurs compétences en matière de techniques de corde dans le prolongement naturel de la spéléologie.»
La via ferrata reste pour eux une activité annexe, techniquement complémentaire à leurs activités principales, avec vraisemblablement de grandes variétés de fréquence et dintensité de pratique derrière les chiffres globaux. En effet, si lactivité est souvent citée, cela ne concerne quun volume global de clientèle et dactivité peu important et plutôt des professionnels polyvalents que des spécialistes de la via ferrata.
Les publics récréatifs et éducatifs sont prédominants. En examinant la répartition des types de publics encadrés, on retrouve bien dans le peloton de tête les clientèles qui sont à lorigine de la profession, à savoir les touristes, les centres de vacances et les scolaires. Le métier est clairement positionné en priorité dans le champ récréatif et touristique bien plus que purement sportif. Le secteur éducatif, déjà bien couvert, offre des perspectives intéressantes à exploiter en jouant sur la dimension scientifique de la spéléologie. Lactivité elle-même est alors à considérer comme le vecteur privilégié dune approche environnementaliste du milieu souterrain. Le fait quil sagisse dune activité dexploration «responsable» par essence du fait de la fragilité du milieu renforce encore sa légitimité dans le champ éducatif. En outre, cest avec les publics scolaires que létalement de la saison dactivité est le plus envisageable. Cest dailleurs la spéléologie en tant quoutil pédagogique qui permet en grande partie aux professionnels dadapter leur activité en sadressant à plusieurs types de publics pour différents types dintervention, participant de ce fait à leur longévité professionnelle.
Technicité et adaptabilité. Le panorama du type de prestations encadrées met en évidence la tonalité ludique et tournée vers le grand public du métier. En effet, les professionnels encadrent dabord des sorties de type «course» ou «initiation» dans lesquelles ils sont en position de guides-animateurs pour des explorations dans le monde souterrain. «Celles-ci sont de niveau technique très variable, allant de la simple promenade sous terre sans lendemain à des explorations au parfum daventure, en passant par linitiation de futurs pratiquants autonomes.» Même sils sont moins fréquents, les savoir-faire de guidage plus technique, denseignement et de formation spécialisée font bel et bien partie de la palette de prestations du professionnel de la spéléologie. Les prestations de formation notamment, souvent très techniques, représentent une des facettes très spécialisée et à forte valeur ajoutée du métier des professionnels de la spéléologie.
Les 3 profils-types des professionnels de la spéléologie. «On observe tout dabord deux profils très distincts de professionnels, avec des différences entre eux qui sont statistiquement significatives, voire très significatives sur bon nombre de critères. Nous pouvons ainsi distinguer «linitiateur saisonnier» du «technicien formateur». Une troisième catégorie regroupe des professionnels «polyvalents» dont le profil est nettement caractérisé par des situations demploi multiples. Les professionnels relevant du profil «polyvalent» sont les plus représentés dans les répondants à lenquête. A lopposé, les «initiateurs saisonniers», très fortement conditionnés par la saisonnalité touristique, sont relativement peu nombreux.»
Quelle est leur vision du métier ? Quelles perspectives ? Si, lors de la création du BEES 1er degré, option spéléologie, beaucoup sinterrogeaient sur la possibilité de vivre toute lannée de cette activité, cette enquête démontre clairement que la pratique professionnelle de la spéléologie est un véritable métier qui ne se réduit pas à une simple activité saisonnière. Si elle saccompagne souvent dactivités complémentaires comme le canyonisme ou les travaux acrobatiques, elle nen génère pas moins un volume dactivité qui sappuie également sur lexternalisation de la pratique et la création de produits directement issus des techniques de la spéléologie. «Il est donc important, voire essentiel que la formation prenne en compte ces approches originales. Le chantier du Diplôme détat ( DE) quil convient douvrir sans attendre devra intégrer cette dimension et élargir les prérogatives de ces professionnels en conséquence.»
De même, il est indispensable de maintenir les passerelles entre formations professionnelles et formations fédérales afin quelles se nourrissent les unes les autres et sadaptent aux évolutions de la pratique. Ceci dautant plus que les résultats de cette enquête mettent en évidence le lien très fort qui unit les professionnels et la Fédération française de spéléologie. «La pratique de la spéléologie quelle soit professionnelle ou bénévole sappuie sur une culture commune quil convient de maintenir et de renforcer. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de réfléchir aux contenus et à la fréquence des stages de formation continue. Lancrage de nombre de professionnels sur un territoire, lié pour une bonne part au potentiel local en matière de sites de pratique est à la fois une richesse et un frein. Une richesse car leur démarche sinscrit dans une logique de territoire et de développement durable, un frein car en raison du nombre limité de sites adaptés un développement raisonné du nombre de professionnels simpose.»
La FFS en souhaitant se positionner, dans les années à venir de plus en plus comme un secteur de professionnalisation peut contribuer à offrir à cette profession de nouveaux débouchés. «Certains de lintérêt et de la richesse que présente la spéléologie aussi bien en tant quactivité sportive de nature pour tous publics, quen tant que support pédagogique pour des actions éducatives menées auprès de publics de jeunes ou de populations spécifiques, il convient de mieux communiquer sur cette activité et de mettre en avant un métier encore trop mal connu. La FFS et le SNPSC seraient-ils condamnés à travailler ensemble ? Nous le pensons dans lintérêt de la spéléologie, des pratiquants et de tous ceux qui contribuent à explorer, faire connaître et protéger le milieu souterrain.»