C’est la fin d’un cycle. Après dix années de collaboration – dont sept sous le nom TotalEnergies et trois avec Direct Energie – la formation vendéenne de Jean-René Bernaudeau perdra son sponsor-titre à l’issue de la saison 2026. L’annonce, faite conjointement par TotalEnergies et la SA Vendée Cyclisme, marque un moment charnière dans le paysage du cyclisme français : la fin d’un partenariat qui aura accompagné plus de 130 victoires et façonné l’identité d’une équipe à forte valeur patrimoniale.
TotalEnergies ne se retire pas du cyclisme. Au contraire, l’énergéticien redéploie sa stratégie en investissant dans les actifs les plus puissants en matière de visibilité mondiale : le Tour de France (12 millions de spectateurs sur les routes chaque année, sans compter l’audience TV planétaire) et la prestigieuse formation britannique Ineos Grenadiers, avec un partenariat maillot scellé en 2025. « Notre stratégie de sponsoring évolue avec notre partenariat avec le Tour de France annoncé en juin, permettant de renforcer notre dispositif vis-à-vis des 12 millions de spectateurs sur le parcours », a rappelé Bertrand Blaise, directeur de la communication du groupe.
Ce choix illustre un basculement en passant du sponsoring d’équipe à un modèle centré sur les événements premium et les synergies industrielles. Le rapprochement avec Ineos, justifié par « de fortes relations industrielles » autour du projet pétrochimique Amiral en Arabie Saoudite, démontre que le cyclisme est aussi pour TotalEnergies un levier de diplomatie économique autant que de visibilité marketing.
Une perte majeure pour Bernaudeau
Pour Jean-René Bernaudeau, l’enjeu est de taille. Le manager général devra convaincre un nouveau sponsor de rejoindre l’aventure à partir de 2027, dans un marché où les grands partenaires français sont rares, même si CMA CGM arrive pour s’associer à Decathlon. « Notre singularité, nos valeurs, notre politique d’éducation et de formation, notre trajectoire de développement sportif sont autant d’atouts pour convaincre des marques », insiste le manager historique de la formation vendéenne.
Depuis sa création en 2000, la SA Vendée Cyclisme s’est imposée comme une référence de la formation tricolore. Elle a révélé des coureurs comme Didier Rous et Thomas Voeckler et a su attirer des stars internationales. Mais sans sponsor-titre, son modèle économique sera menacé.
Cette annonce confirme une tendance lourde du sport business : la concentration des investissements autour de quelques propriétés phares. D’un côté, le Tour de France, actif premium qui garantit une visibilité incomparable ; de l’autre, les super-équipes internationales (Ineos, UAE, Jumbo-Visma/Visma-Lease a Bike) capables d’attirer les multinationales.
En revanche, les structures historiques françaises, souvent construites sur une logique territoriale et éducative, peinent à suivre le rythme. Sans mécène industriel ou projet global, la pérennité est fragilisée.
Quelles solutions ?
Trois pistes s’imposent pour Bernaudeau. La plus évidente consiste à séduire une marque française prête à investir sur les valeurs de proximité, de formation et d’héritage véhiculées par l’équipe. L’épisode récent de l’équipe Arkéa-B&B Hôtels, contrainte d’arrêter faute de partenaires solides, rappelle que la piste nationale n’est pas la plus facile à exploiter. Il ne sera pas aisé non plus d’attirer un partenaire étranger, sauf s’il est désireux de pénétrer le marché français ou de profiter de l’image populaire du cyclisme hexagonal. Imaginer un modèle hybride associant sponsors secondaires, collectivités territoriales et partenariats divers, pour limiter la dépendance à un sponsor unique, est une autre solution. Mais encore une fois, l’exemple Arkéa-B&B Hôtels démontre toute la difficulté de la tâche.
Le manager vendéen a déjà fixé le cap : « Je suis tourné vers 2027 et déterminé à perpétuer notre histoire. »
À court terme, la SA Vendée Cyclisme devra gérer la transition. Mais au-delà, le risque est double : perte d’attractivité pour les coureurs et incertitude sur la survie de la structure si aucun accord n’est trouvé.
À long terme, l’émergence de rapprochements entre structures (comme l’hypothèse d’une fusion TotalEnergies–Ineos ou Lotto avec Intermarché Wanty évoquée ces derniers mois) pourrait rebattre les cartes. Mais pour l’instant, Bernaudeau se retrouve face au défi le plus stratégique depuis la création de son équipe.