Dans son film 127 heures, Danny Boyle, lun des plus grands cinéastes contemporains expose sa vision du drame dAron Ralston, un alpiniste bloqué au fond dun canyon. Parti pour une randonnée en solitaire dans les gorges de lUtah, ce jeune alpiniste expérimenté se retrouve bloqué au fond dun canyon isolé lorsquun rocher séboule, lui emprisonnant le bras. Pris au piège, menacé de déshydratation et dhypothermie, il est en proie à des hallucinations avec pour seule compagnie le souvenir des siens. Cinq jours plus tard, comprenant que les secours narriveront pas, il va devoir prendre la plus grave décision de son existence : couper son membre bloqué. Entretien.
– Tous ceux qui ont entendu le récit dAron Ralston, cet homme, complètement isolé, la main bloquée par un rocher impossible à déplacer, avec très peu de nourriture et quelques gouttes deau, et qui ne sen est sorti que par un acte de bravoure incroyable, se sont posés les mêmes questions. Qua-t-il éprouvé durant ces heures extrêmes, jusquà cette minute de vérité, comment a-t-il trouvé la force et la volonté de tenir dans une situation aussi désespérée… et chacun sinterroge : «Aurais-je été capable de faire la même chose ?» Comment recréer ce sentiment par limage ?
– Cétait lopportunité de créer une expérience cinématographique innovante, qui plongerait le spectateur dans chacune des secondes intenses vécues par le personnage. Dès linstant où jai lu le récit dAron Ralston, paru en France sous le titre «Plus fort quun roc» aux éditions Michel Lafon, jai su très exactement quel genre de film je voulais faire. Pour amener le public à vivre cette aventure de lintérieur, je voulais utiliser une caméra hautement subjective afin de pénétrer dans la tête du personnage principal et dans son corps, et de restituer au premier degré ces circonstances de vie ou de mort. Je voulais conduire les gens au fond du canyon avec Aron et ne plus les lâcher jusquà ce que lui-même sen sorte. Bien sûr, je voyais dans ce sujet une extraordinaire leçon de survie en pleine nature dans des circonstances extrêmes, mais il y a aussi une autre dimension à cette histoire. Cela ne tient pas seulement à la manière dont il a survécu, aussi incroyable soit-elle. Ce qui mintéressait, cétait aussi cette force vitale dans laquelle il a puisé. Cest ce que nous nous sommes efforcés de capter. Cette force impalpable qui nous réunit tous. Lune des idées du film, cest quAron na jamais été réellement seul dans ce canyon mais quil était entouré spirituellement par tous ceux quil a connus, aimés, ou dont il a rêvés. Et cest ce sentiment que nous voulions rendre avec ce film.
– Le plus surprenant, cest que vous êtes parvenu à faire un film daction avec un héros immobile
– Cétait le plus difficile. Comment avoir continuellement de laction si le héros na une amplitude de mouvements que de quelques dizaines de centimètres et si tout ce quil fait se déroule en grande partie dans son esprit ? Javais le sentiment que si nous étions capables de créer une expérience vécue à la première personne par le public tant au niveau visuel quémotionnel, alors les gens pourraient se perdre dans lhistoire de la même manière quAron sest perdu dans les canyons. Selon léquipe, un seul acteur était capable de transmettre la conviction et lémotion nécessaires pour plonger les spectateurs dans lhistoire. James Franco possède ce talent et une technique irréprochable, et cest exactement ce quil nous fallait parce que 127 heures est presque le film dun seul acteur. James a su lemmener plus loin, il a relevé les défis un par un, physiques comme émotionnels.
– Après les taudis surpeuplés et tentaculaires de Mumbai dans votre précédent film (Slumdog Millionnaire), vous vous retrouvez cette fois dans une faille étroite, oppressante, à peine assez large pour quun homme sy glisse.
– Cétait extraordinaire de passer de la multitude grouillante de Mumbai à lautre extrême : un homme complètement seul et livré à lui-même. Le contraste était fantastique et le défi incroyable. Les deux films ne pouvaient pas être plus différents lun de lautre. Et pourtant, dune certaine manière, ils portent tous deux sur le fait de surmonter des difficultés a priori insurmontables. Quand il était pris au piège, Aron a pris conscience de limportance quavaient pour lui les gens et les êtres chers quil allait laisser derrière lui. Et cela a réveillé en lui un profond désir de survivre, il sest jeté corps et âme dans la bataille. Cest de cela dont parle le film. Cest bien plus que la simple histoire dun homme qui a vécu une dure épreuve