On ne peut pas vivre avec des milliards de déficits sans en payer les conséquences. A travers cette déclaration, Michel Platini, président de lUEFA a voulu lui aussi tirer la sonnette dalarme. Car le football professionnel est en danger. Les clubs européens enregistraient 1,2 milliards deuros de déficit cumulé sur la saison 2009 / 2010, dont 130 millions pour les clubs français. Un an plus tard, les pertes pour ces derniers restent conséquentes : au moins 91 millions d’euros avec une baisse de 60 millions des recettes billetterie et sponsoring. Par Laurent Damiani.
Et le sujet est contagieux. Au début de la crise, en 2008, nous vivions avec la certitude que les droits marketing étaient signés sur le long terme et que le financement du sport par les entreprises nétait pas menacé. En fait cest lactivation de ces droits qui a été en premier lieu touchée, avec un effet extrêmement pervers puisquil pénalise aujourdhui le retour sur investissement des marques dans une phase de renouvellement de leur partenariat. De plus, il est rare de voir arriver de nouveaux acteurs majeurs. La « glorieuse incertitude du sport » qui était un atout en période de croissance devient un terrible handicap en période de crise.
Quatre leviers de croissance durable pour le secteur du marketing sportif
Le sport professionnel et de haut niveau nest que la face visible de liceberg. Au delà, cest lambition de faire du sport un enjeu pour la France en termes déducation, de santé, de lien social et de création demplois qui serait ainsi remis en cause. Quels sont alors les leviers de développement pour lavenir ? Nous pouvons en identifier quatre. Le premier est et demeure les grands événements sportifs. Ils représentent un formidable moteur de croissance pour notre économie, pour nos régions, pour nos entreprises. Mais la concurrence internationale est de plus en plus forte. Dans ce contexte, une politique volontariste et coordonnée qui rassemblerait lensemble des parties prenantes (pouvoirs publics, mouvement sportif, collectivités et entreprises) est essentielle. Elle doit sappuyer sur des méthodes éprouvées en termes de management, un lobbying international affirmé, une analyse sans concession des succès et des échecs passés, et enfin des outils dévaluation des retombées directes et indirectes. Cest tout lobjet du projet porté par Philippe Augier, maire de Deauville, auteur du rapport prospectif pour une politique gagnante des grands événements.
Le second levier conditionne le succès du premier. Il sagit des infrastructures. Cest le point dappui nécessaire pour de futures candidatures, avec en ligne de mire lhéritage quelles pourraient laisser. Labsence dun stade nautique, la pénurie de grandes salles omnisports ou encore la désuétude des grandes enceintes malgré lorganisation des dernières Coupes du monde de football et de rugby sont des problèmes majeurs. Lorganisation de lEuro 2016 devrait y remédier en partie. Ces stades nouvelle génération permettront de créer des emplois et de promouvoir de nouveaux modèles économiques. En devenant des lieux de vie, dhospitalités et dactivités, ils apporteront des solutions en termes de diversification des sources de revenus.
Le troisième levier est porté par les médias. Lexplosion des médias digitaux vient bouleverser la consommation du sport. Elle force les opérateurs à repenser le traitement du sport et à inventer de nouveaux modèles économiques. Pour les marques, le retour sur investissement devient directement lié à lévolution des contenus et à la valeur des droits. Quant aux fédérations sportives, elles vont devoir prendre en compte ces enjeux pour gérer leur relation client et répondre mieux aux attentes de leurs publics.
Enfin le dernier levier, mais pas le moindre, relève du champ de la responsabilité sociétale communément appelée RSE. Cette vague de fond qui touche toutes les économies, leur manière dêtre et de faire, népargne heureusement pas le sport. La crise a incité opportunément les entreprises à engager des actions citoyennes. Aujourdhui, lenjeu est de convaincre les acteurs de léconomie du sport de faire de la RSE un levier de croissance durable. A ce titre le panorama sociétal du football réalisé par la Fondation du football est un exemple utile de ce que peut représenter ces défis environnementaux et socio économiques, à travers notamment le poids méconnu du bénévolat et ses atouts pour la société.
Alors certes, le marketing sportif néchappe pas à la crise économique. Mais les opportunités que cette dernière révèle deviennent un enjeu pour les acteurs de léconomie du sport. En redécouvrant les vertus de la régulation, de la concertation, de linnovation et de la solidarité. Bref en considérant que cette crise économique est aussi morale.
Laurent Damiani, Président de Sporsora, PDG de l’agence Community