Comme à Biarritz avec Serge Kampf (créateur de Capgemini) ou à Clermont (soutenu par Michelin), le Castres Olympique s’appuie sur un généreux mécène, Pierre Fabre. Créateur du géant pharmaceutique et cosmétique éponyme, il soutient le club financièrement depuis 25 ans. Toujours dans la plus grande discrétion.
Ce qui me pose problème, c’est quand on m’explique que Pierre Fabre est moins riche que Mourad Boudjellal, là je rigole. Je n’ai pas de jet privé, pas de filiales à l’étranger… Avec son sens de la formule, Mourad Boudjellal, président et principal actionnaire du RC Toulon, avait planté le décor avant la finale du Top 14. Entre la conquête du titre européen à Dublin et la finale du championnat perdu contre Castres, le président toulonnais s’est échiné à convaincre ses interlocuteurs que le Castres Olympique n’était pas moins riche que son RCT. J’avais une boîte qui faisait 40 millions d’euros, Pierre Fabre c’est un ou deux milliards d’euros, comparaît-il. Ils ne peuvent pas dire qu’ils n’ont pas de moyens. Ça ne me dérange pas qu’ils en aient. Juste, il faut arrêter de faire le pauvre quand on est riche. Peine perdue, le CO restera le petit poucet qui a terrassé le riche RCT.
Le club castrais cultive cette différence, préférant la discrétion à la lumière. A l’image de son mécène, Pierre Fabre, 87 ans. Depuis vingt-cinq ans, l’homme soutient le club tarnais. C’est même tout le département du Tarn qui lui est redevable. Son groupe réalise près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires (1,972 milliard en 2012), avec des filiales dans 42 pays et des produits diffusés dans plus de 130 pays. Dans un bassin économique limité, Pierre Fabre est un créateur d’emplois. Avant la finale du Top 14, le président de la République François Hollande s’est même rendu dans le Tarn pour inaugurer l’extension d’une unité de production dermo-cosmétique du groupe.
Pierre Fabre fait preuve d’engagement citoyen
Sans le soutien et la fidélité de Pierre Fabre, le CO ne pourrait plus être en mesure de rivaliser. C’est notre atout numéro un. Le parcours de cette année est une reconnaissance et une récompense de sa fidélité, estime Pierre-Yves Revol, un de ses proches, président du club entre 1989 et 2008, puis président de la Ligue nationale de rugby (2008-2012) et aujourd’hui à la tête du holding personnel de Pierre Fabre qui regroupe plusieurs entreprises dont le CO. Les Castrais parviennent à exister dans un environnement où la pression financière et la concurrence sportive sont multiples. Toulouse n’est qu’à 80 kilomètres. On a franchi un pas dans l’engagement en 1987, quand le club avait des difficultés. On a pris le contrôle du club, j’en ai pris la présidence et ça a créé une proximité entre l’entreprise et le club, raconte Pierre-Yves Revol. Mais il est impossible de connaître le montant de la participation du groupe dans le budget du club, le 8e du Top 14 cette saison avec 15,61 millions d’euros. Un budget conséquent pour une ville de 45.000 habitants. L’apport est significatif, se contente de répondre Pierre-Yves Revol en signalant la présence de deux autres sponsors nationaux, l’assureur Matmut et le groupe alimentaire Bigard. On investit dans des limites qu’on juge raisonnables, c’est pour ça que notre budget reste stable depuis trois ans alors que les autres augmentent sensiblement.
Pour se maintenir au plus haut niveau, le CO n’entre pas dans une politique de surenchère au niveau salarial. En revanche, le groupe Pierre Fabre intervient pour fidéliser des joueurs avec des propositions de reconversion. Pour son fondateur, la fibre régionale est pour moi plus forte que tout, comme il l’a expliqué récemment au quotidien local La Dépêche du Midi dans une de ses rares interviews. Son engagement est un engagement citoyen, confirme Revol. En soutenant le club de rugby, il participe à la notoriété de la cité et à son dynamisme. Le rugby est une façon de fédérer nos collaborateurs autour d’une dynamique autre que professionnelle et de donner de la fierté à tout notre environnement.
La conquête du titre de champion de France ne changera rien. Ni extension du suranné stade Pierre Antoine (qui appartient à la ville de Castres), ni recrutement clinquant ne sont au menu du CO à court terme. Castres ne peut prétendre chaque année viser Championnat et Coupe d’Europe, soulignait Pierre-Yves Revol il y a peu. Pierre Fabre pourrait se passer du Castres Olympique mais le Castres Olympique ne pourrait pas se passer de Pierre Fabre, résume-t-il en forme de conclusion.