La Premier League et Manchester City ont annoncé, le 8 septembre, avoir trouvé un accord sur le contentieux entourant les Associated Party Transactions (APT), ces règles qui encadrent les partenariats entre un club et des entités liées à ses propriétaires. Derrière ce compromis officiel, c’est en réalité la préparation d’un duel autrement plus stratégique qui se joue : celui des 115 accusations de fraude financière pesant sur les Citizens.
Adoptées en 2021 après le rachat de Newcastle par le fonds saoudien PIF, les règles APT visent à éviter les partenariats gonflés artificiellement avec des sociétés proches des actionnaires. Manchester City, propriété de l’Abu Dhabi United Group, en a fait une spécialité avec Etihad Airways, son sponsor principal. Pour le club, ces restrictions sont jugées discriminatoires, alors qu’elles touchent directement son modèle économique. Après deux procédures d’arbitrage, la décision rendue en octobre 2024 restait floue, chaque camp criant victoire. L’accord signé début septembre met fin au litige… mais laisse planer le doute : City reconnaît « la validité et l’applicabilité des règles actuelles », mais seulement « dans le cadre de cet accord », précise le communiqué. Un compromis plus politique que juridique, qui permet à la Premier League d’économiser des frais d’avocats évalués à plus de 200 millions de livres en deux ans ! C’est un peu le problème lorsque vous attaquez un club-État. Sa capacité de résistance est sans limite. « Les sommes dont on parle sont exorbitantes », confiait en août au Times le dirigeant d’un club rival.
Le vrai dossier : 115 infractions
Car le cœur de l’affaire se situe ailleurs. Depuis février 2023, Manchester City est accusé de 115 infractions pour avoir sciemment contourné le fair-play financier anglais entre 2009 et 2018. Selon la Premier League, le club aurait maquillé ses revenus, notamment via des contrats de sponsoring émiratis, et dissimulé une partie des salaires de son entraîneur Roberto Mancini et de certains joueurs. L’enjeu dépasse la conformité comptable : il touche à la légitimité même des succès sportifs engrangés sous l’ère du Cheikh Mansour. Trois titres de champion d’Angleterre ont été remportés durant la période incriminée, et City a bâti depuis une domination sans équivalent en Premier League. « Ceci touche à l’intégrité de la compétition et, au bout du compte, à sa valeur », rappelait Richard Masters, directeur exécutif de la ligue.
Une preuve difficile à établir
Reste que la charge de la preuve s’annonce redoutable. Les éléments rassemblés par la Premier League reposent sur des échanges internes révélés par les Football Leaks, dont l’authenticité est contestée. Les montages financiers passent par une nébuleuse de holdings liées au City Football Group, rendant l’imputation directe complexe. Et la défense du club, financée hors des comptes officiels par sa maison-mère, dispose de moyens quasi illimités pour contester chaque argument. Correction : la défense du club, financée hors des comptes officiels par sa maison-mère, dispose de moyens illimités pour contester chaque argument. La procédure, instruite à huis clos par une commission indépendante de trois juristes, dure depuis des mois. Le verdict attendu pour octobre prochain, ou pas, ne marquera qu’une étape : appel quasi certain, procédures croisées, demandes de compensation… Le feuilleton est parti pour s’éterniser encore et encore, avec des risques systémiques pour la Premier League si l’accusation échoue.
Une affaire d’image et de valeur marchande
L’affaire City illustre la ligne de crête sur laquelle évolue le championnat le plus riche du monde. L’intégrité sportive est son actif immatériel majeur, celui qui justifie des droits TV supérieurs à 6 milliards de livres par cycle et attire des sponsors globaux. Une sanction trop légère nuirait à la crédibilité du produit ; une sanction trop lourde risquerait d’entraîner une guerre judiciaire interminable. En toile de fond, l’équation est simple : préserver la valeur économique du championnat tout en montrant que les règles s’appliquent à tous, même au club le plus puissant de l’ère moderne après le Paris Saint-Germain.
Les grandes périodes de l’affaire
- 2008 : Rachat de Manchester City par l’Abu Dhabi United Group.
- 2009-2018 : Période durant laquelle la Premier League accuse City d’avoir contourné les règles financières, via des sponsors liés à ses propriétaires.
- 2020 : Le TAS annule la suspension européenne infligée par l’UEFA pour non-respect du fair-play financier.
- 2021 : Introduction des règles sur les Associated Party Transactions (APT), encadrant les sponsors liés aux propriétaires (notamment après le rachat de Newcastle par un fonds saoudien).
- 2023 (février) : La Premier League renvoie City devant une commission indépendante, avec 115 chefs d’accusation (infractions financières et manque de coopération).
- 2024 (octobre) : Première décision d’arbitrage sur les règles APT, donnant lieu à des interprétations opposées entre City et la PL.
- 2024 (fin d’année) : La Premier League amende son règlement APT, mais City engage une nouvelle procédure.
- 2025 (8 septembre) : Accord entre City et la Premier League : le club reconnaît la validité des règles APT mais l’arrangement reste secret.
- 2025 (octobre attendu) : Verdict du « procès sportif du siècle » sur les accusations principales, avec des sanctions possibles allant de l’amende à l’exclusion du championnat.