Hervé Bodinier n’est pas uniquement le Président Fondateur de l’agence Vmatch avec un nouveau positionnement sur les partenariats collaboratifs. Celui qui a lancé Sponsorship 360 (rachetée par Lagardère en 2016) est aussi un expert de la Formule 1 après avoir collaboré avec Alain Prost et son écurie Prost Grand Prix, puis comme directeur du sponsoring de TAG Heuer et comme dirigeant d’agences avec de nombreux clients en F1. Avec le retour des monoplaces en Europe à l’occasion du Grand Prix de Monaco, il nous apporte son éclairage sur les subtilités d’une discipline à nul autre pareil.
Sponsoring.fr : Beaucoup lient le succès actuel de la Formule 1 à Netflix. Etes-vous d’accord avec cette affirmation ?
Hervé Bodinier. Netflix a apporté beaucoup à la Formule 1, en rajeunissant son public et en offrant un accès à de nouvelles informations. Les fans découvrent des « stories » qui se cachent derrière les résultats sportifs avec les négociations, la vie des écuries et d’autres personnalités que les pilotes. Néanmoins, la stratégie développée par Liberty Media est tout aussi importante. Ce groupe a fait de la Formule 1 un événement sportif et de divertissement qui attire toutes les cibles. Liberty Media définit la F1 comme un « Super Bowl on wheels » (Super Bowl sur roues), porté par
l’innovation. Les codes du sport et du spectacle sont utilisés pour développer l’attractivité de la discipline. En outre, la Formule 1 reste le plus haut niveau du sport automobile. Avec plus de 5,7 millions de personnes sur les circuits en 2022, les Grands Prix sont « sold out » de plus en plus rapidement. Le dernier aspect à prendre en compte sur l’attractivité de la F1 est sa puissance sportive avec des stars mondiales, des écuries de renom mais aussi les courses et le sport lui-même. La dernière course du championnat 2021 à Abu Dhabi, avec le titre attribué à Verstappen dans le dernier tour, est un scénario que même Hollywood n’aurait imaginé.
Voilà six ans que Liberty Media a racheté la F1 pour toujours plus de courses, avec une concentration particulière sur les États-Unis, avec désormais trois Grands Prix (Miami, Austin et Las Vegas). N’est-ce pas un peu trop ?
Il ne faudrait pas que la Formule 1 se coupe de son marché historique. Actuellement, 23 Grands Prix figurent au calendrier, 24 l’année prochaine si la Chine réintègre le circuit. D’autres projets existent en Asie et peut être un jour un retour en Afrique. Nous nous référons à un spectacle mondial, c’est pourquoi il faut s’intéresser à tous les continents. L’attractivité de la F1 a généré une demande croissante de la part de plus en plus de pays et de villes pour accueillir un Grand Prix. Il faut ensuite proposer des installations modernes pour offrir une hospitalité de qualité et des liaisons adéquates, ainsi qu’une capacité hôtelière adaptée, d’accueil des spectateurs et des acteurs. L’organisation de Grands Prix dans les pays du Golfe a permis d’élever le niveau sur ce point, avec des installations très modernes. Avec trois Grands Prix aux États-Unis, Liberty Media cible trois zones géographiques distinctes avec différentes offres. Le premier Grand Prix de Las Vegas sera un événement extraordinaire pour tous les fans, qui rêvent de voir des F1 évoluer sous les lumières des casinos. Le spectacle ne va pas intéresser uniquement ces core fans et amateurs éclairés, mais le grand public en créant une nouvelle approche du sport et de l’entertainment avec des concerts et nombreuses cérémonies. Entre l’Europe, le Middle East, l’Asie et les Amériques, il faut trouver le bon équilibre et travailler un calendrier intelligent aussi pour les voyages des équipes. Il serait déraisonnable d’ajouter indéfiniment des Grands Prix sans dévaluer le produit. Un socle de 24 rendez-vous annuels semble être une base solide, dès lors aussi que cela permet de couvrir les attentes des constructeurs et partenaires engagés.
A qui revient la responsabilité de la disparition du Grand Prix de France ? Aux politiques, aux partenaires, à la concurrence des autres pays ?
Le Grand Prix de France va nous manquer, et j’espère le voir revenir dans le calendrier le plus tôt possible. Je sais que plusieurs personnes travaillent sur son retour, et nous discutons avec certains d’entre eux pour apporter notre contribution. Est-ce que ce sera de manière pérenne ou alternativement avec un autre Grand Prix ? Je ne sais pas, mais on revient à la logique précédente. La F1 a besoin d’infrastructures adéquates même si le site du Castellet est magnifique. La France a des pilotes, une base de fans importante et des partenaires engagés avec Alpine. Mais il faut une volonté commune de tous les acteurs impliqués (promoteurs locaux, politiques comme acteurs économiques) pour dégager les moyens nécessaires afin de répondre à la concurrence internationale et à un spectacle de qualité. En attendant, les fans français peuvent profiter des courses à Barcelone, en Italie, en Belgique et évidemment à Monaco. Je suis également surpris de retrouver des fans français sur tous les circuits du monde, comme à Miami il y a peu.
En F1, il y a eu les cigarettiers, les télécoms et la banque/assurance et aujourd’hui les acteurs de la cybersécurité et de la cryptomonnaie. Les partenaires sont-ils des suiveurs ?
Avec une audience cumulée de 1,5 milliard de téléspectateurs en 2022, la F1 est une plateforme de communication parmi les plus puissantes au monde pour les marques. Les partenariats s’y développent pour les promoteurs comme les écuries avec de nombreuses signatures. C’est une exposition médiatique unique avec un rendez-vous tous les 15 jours, pendant 9 mois et tous les ans. De plus en plus de marques qui recherchent de la notoriété à l’échelle internationale s’y intéressent à nouveau. Lorsque deux marques du même domaine sont en compétition, c’est l’originalité des activations qui fait la différence, notamment pour engager les fans, proposer des expériences « money can’t buy » et créer des contenus. La F1 offre désormais des nouveaux droits, avec plus de facilité d’activation. Les partenaires sont historiquement des marques B to B liées au domaine technologique par exemple car la F1 est synonyme d’innovation en permanence. Avec l’effet Netflix et la digitalisation du sport, de plus en plus de marques de grande consommation y investissent. Pour cela, des aspects évidents de la vitesse et de la performance devront être dépassés. Comme tous les grands événements mondiaux, et sans doute encore plus de par la nature même d’un sport mécanique, les enjeux sont d’utiliser l’innovation et la R&D pour améliorer l’empreinte carbone et la responsabilité des acteurs, favoriser la diversité et l’inclusion. Des marques viendront assurément soutenir ces initiatives, poussées aussi par les attentes nouvelles des fans
A qui Vmatch conseille d’investir en F1 ?
Nous sommes depuis longtemps l’un des agences leaders en Formule 1. Nous croyons au développement de ce sport mondial pour imaginer de nouveaux partenariats avec les promoteurs, les écuries et les pilotes. Nous y créons des partenariats collaboratifs, coconstruits avec toutes les parties prenantes et qui font sens et créent de la valeur. C’est important d’aller au-delà d’un logo sur la voiture ou le circuit ou d’un programme d’hospitalités pour davantage créer des contenus et expériences sur mesure, « money can’t buy ». L’audience s’est élargie au-delà des passionnés de la technique. La F1 est désormais une marque forte et mondiale, au même titre que la NBA ou la Coupe du monde de football. Bien qu’il exige un ticket d’entrée conséquent pour devenir partenaire, il convient de considérer le retour sur investissement à l’échelle mondiale de ce sport, à la richesse de l’imagerie et aux valeurs. Et cela d’autant plus si les enjeux de développement durable, nouvelle mobilité et CSR sont adressés. Du conseil à l’activation, de la stratégie au déploiement opérationnel, Vmatch en expose les avantages afin d’alimenter la réflexion des marques déjà engagées ou potentiellement intéressées. Pour un annonceur, la F1 représente un écosystème complexe à appréhender compte tenu de la multitude d’acteurs présents. Nous avons donc créé des outils d’aide à la décision et travaillons ces nouvelles opportunités grâce à un réseau en place. Il est également essentiel de veiller aux droits acquis et de trouver le bon angle, passer du story telling au story living et valoriser l’apport d’une marque au-delà du montant investi. Donc la créativité et l’engagement qu’il faut proposer aux fans et consommateurs du produit F1. Avec des pilotes gladiateurs des temps modernes, avec cette adrénaline des courses et les transferts technologiques (matériaux, sécurité, nouvelles énergies) vers nos voitures du quotidien, avec un spectacle sur la piste et en dehors, l’attractivité va continuer à croître.