La Fédération internationale de football (FIFA) va très loin pour protéger sa Coupe du monde. Dans le but de mieux valoriser ses contrats avec les diffuseurs du Mondial 2006 en Allemagne (9 juin-9 juillet), elle veut interdire la publication d’image de l’événement sur Internet jusqu’à une heure après la fin des rencontres !
Entre une fédération détentrice de droits sportifs et la télévision, dont la retransmission des événements sportifs représente un enjeu majeur en terme d’audience, les images sont le nerf de la guerre économique. Pas question donc pour les instances sportives ou pour les diffuseurs de permettre la moindre faille, vu l’importance des sommes engagées. Au risque d’aller trop loin dans les règlements audiovisuels. Que la Coupe du monde de football soit devenue un événement mercantile, soit. Que les diffuseurs, qui paient très cher le droit de retransmettre les images de l’événement, soient prioritaires passent encore. Mais que la Fédération internationale de football (FIFA) s’octroie le droit de dicter la ligne éditoriale des médias relève purement et simplement de l’ingérence. Et pourtant, la FIFA a concocté un règlement des plus contestables. Elle a prévu que les médias couvrant la Coupe du monde 2006 ne pourront publier les photos des matches sur leurs sites internet qu’une heure après la fin des rencontres. Une décision étonnante et difficilement compréhensible. En quoi, la publication du compte-rendu d’une rencontre avec une image en illustration nuirait-elle aux radiodiffuseurs officiels de la compétition qui retransmettent les matches en direct ? La réglementation de la FIFA limite également l’utilisation des photos par la presse, interdisant notamment de superposer des titres, des légendes ou des graphiques sur les photos.
Les associations de presse montent au créneau
Inquiète de ces restrictions, une délégation de l’Association mondiale des journaux (AMJ) a rencontré à Zurich le président de la Fédération internationale, Sepp Blatter. Les représentants de l’AMJ – l’organisation représente 18.000 journaux et regroupe 73 associations nationales d’éditeurs, des journaux et des directeurs de journaux dans 102 pays, ainsi que 11 agences de presse et neuf organisations de presse régionales et internationales – espèraient le convaincre de renoncer à ces restrictions qui empêcheraient la plupart des médias mondiaux d’offrir une couverture complète de la Coupe du monde. A l’issue de la rencontre, la FIFA et l’AMJ ont décidé de constituer un groupe de travail mixte pour résoudre les points de conflits.
On observe déjà cette surenchère de réglementation en France. Ainsi, Canal + veille au grain à propos de la diffusion des images du Championnat de France de football de Ligue 1. Le championnat est résumé en 1 minute et 30 secondes sur les chaînes d’information sportive. Regarder les buts de la Ligue 1 est devenu impossible sur L’Equipe TV ou sur Infosport : les téléspectateurs doivent se contenter de tableaux récapitulant les scores et les classements. A raison de 600 millions d’euros par saison, on peut comprendre que Canal + ne souhaite pas voir son produit d’appel retransmis sur d’autres chaînes. Pourtant, la chaîne cryptée est plus laxiste sur d’autres sports. Dans un souci de promotion, elle ne crie pas au scandale devant les résumés des rencontres du Champion-nat de France de rugby (Top 14). Parfois, ce sont les chaînes elles-mêmes qui préfèrent taire un événement. Pour ne pas faire de la publicité à la concurrence ? Exemple au mois de juillet dernier où la page des sports vire à la caricature sur LCI. Alors que le Tour de France bat son plein, la chaîne d’information de TF1 ignore superbement l’événement. Après chaque étape, une simple photo de l’AFP montrant le vainqueur du jour fait office de résumé.
La solution pour mettre fin à ces excès ? Elle viendra peut-être de Bruxelles, qui envisage d’introduire dans la directive Télévision sans frontières, en cours de révision, une notion de droit à l’information.